Conclusion
La dégradation constitue donc le problème commun
à tous les facteurs limitant le développement économique
et social de la communauté rurale. En ce sens, l'exploitation
forestière, phénomène ancien mais exacerbé et
amplifié durant ces dernière années a aussi montré
ses limites même si les techniciens compétents (agents de la
brigade forestière) s'activent à la rendre plus rationnelle et
plus durable. Paradoxalement, elle constitue une soupape de
sécurité pour les populations même si cette activité
menace à terme leur cadre de vie.
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Chapitre III- L'exploitation forestière: une
soupape de sécurité pour les populations locales et une bombe
environnementale
Les forêts, telles que définies par le code
forestier du Sénégal en son article premier, s'étendent
« des terrains recouverts d'une formation à base d'arbres,
d'arbustes ou de broussailles [...] dont les produits exclusifs ou principaux
sont le bois, les écorces, les racines, les fruits, les résines,
les gommes, les exsudats et huile, les fleurs et feuilles. »
En outre, sont considérées comme forêts :
- les espaces soumis à la
régénération naturelle ou au déboisement dont la
couverture forestière a été récemment coupée
ou incendiée ;
- les terres en friche dont le boisement est prévu ;
- les terrains de culture affectés aux actions
forestières ;
- toute terre nécessitant une restauration du fait de la
perte de son potentiel agricole
La forêt occupe une place de choix dans l'exercice de
certaines activités d'une population marquée par de faibles
revenus, ce qui justifie l'importance des enjeux.
En ce qui concerne l'environnement forestier, la
communauté rurale de Koussanar compte trois forêts classées
(une partie de la forêt classée de Tamba nord, la forêt
classée de Ouly, une partie de celle des Pagnate). Notons que le
classement de ces forêts obéit à un certain nombre de
règles et principes. En fait, c'est une décision émanant
de l'Etat et qui vise la sauvegarde de certaines formations naturelles qui,
situées en dehors du domaine forestier de l'Etat, sont d'une protection
quasi impossible de la part des services compétents.
Ces classements attestent d'une certaine menace du couvert
végétal et partant de la biodiversité 14 par les actions
humaines.
14 Des gibiers tels que phacochères,
francolins, pintades, lapins, tourterelles sont en voie de disparition
49
III- 1- Les formes d'exploitation
L'exploitation forestière tourne essentiellement autour
des produits de cueillette, du charbon de bois, du bois (d'artisanat et de
chauffe). La cueillette intéresse les fruits de Ziziphus mauritanius
(jujube) et d'Adansonia digitata (pain de singe).
Selon une étude réalisée par Ndiaye I. en 1999
pour le compte du Programme Sénégal Oriental (P.S.O), les revenus
générés dans six villages de la zone seraient les suivants
:
- pain de singe : 1 370 000 fcfa ; - jujube : 520 000 fcfa.
Une organisation s'est constituée sous la
bannière du Programme "Wula Nafaa" afin de faciliter la
commercialisation.
En outre, l'exploitation de la gomme Stercula est
bien organisée par le projet précité même si les
moyens permettant de faire respecter les contrats signés avec les
exploitants font parfois défaut. En ce sens, la brigade
forestière de Koussanar, en collaboration avec "Wula Nafaa", a mis en
défens plus de 300 ha répartis en quatre pépinières
(Sinthiou Demba Dème, Dawady, Koussanar, Bohé
balédjé) à la suite d'un constat de dégradation
très avancée de l'espèce. Cela est lié aux
ébranchages, pratiqués par les éleveurs et aux coupes
orchestrées par les récolteurs de miel. La gomme participe
considérablement à l'économie rurale. Ndiaye I, dans son
rapport d'étude de 1999, estime les revenus générés
par l'exploitation de ce produit à 6 292 500 fcfa.
III- 1-1 La production du charbon de bois est une pratique
dévastatrice du couvert Végétal
Le charbon de bois est surtout fourni par les
combrétacées. Sa production est très prononcée dans
la zone et dégrade les ressources ligneuses. En réalité,
la zone produit du charbon non seulement pour la consommation locale mais aussi
et surtout pour des besoins d'exportation vers les grandes villes du pays:
Dakar, Diourbel, Thiès, etc.
La capacité de destruction de cette activité peut
se mesurer la relation suivante :
? 5kg de bois produisent 1kg de charbon alors
qu'1kg de charbon ne fournit que l'énergie de 2kg de bois.
Considérant le nombre de camions sortant constamment de
la zone, il y a donc un gaspillage énorme dans un pays où 50
à 60% de la consommation d'énergie provient des ressources
ligneuses 15. On note parallèlement une exploitation des
forêts qui se déplace au fur et à mesure de la
dégradation. C'est un processus de déforestation et de
désertification qui s'annonce. L'évolution quantitative de cette
activité peut se résumer dans le tableau 3:
Tableau 3 : Quantité de charbon de bois
exploitée de 1994 à 1998
Années
|
19994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
Nbre de Qt
|
376327
|
216832
|
235484
|
189672
|
36591
|
Source : Brigade forestière de
Koussanar
Il faut signaler que les chiffres dépassant la centaine
de quintaux (Qt) intéressent l'ensemble de l'arrondissement. Les
rapports du service forestier ne distinguaient pas les deux communautés
rurales de Sinthiou Malème et de Koussanar jusqu'en 2003, date à
laquelle les données ont commencé à être
séparées. Toujours est-il que c'est la CR de Koussanar qui
enregistre le plus grand nombre de sites d'exploitation (plus d'une douzaine)
dont Boulèle, Foundour, Kalbirom, Léwa, Pagnate, Pass
Kélémane, Saré Tamou, Séno Samba Yabé,
Sinthiou Dawady, Sinthiou Hamady Hamma, Sinthiou Toumani, Wouro Moudéri,
Wouro Sory, etc.; l'autre étant caractérisée par la grande
place qu'y occupent les forêts classées (voir figure 9)
50
15 Magrin G., cours de 209 environnement, 2003-2004
51
Ainsi, de 2003 à 2005 la production moyenne est de
26000 Qt dans la seule CR de Koussanar (traitement desdits rapports). Un
à deux camions chargés de charbon sort de ce secteur par
52
semaine en direction des centres urbains de l'ouest du pays.
Ils peuvent atteindre quatre en cas de pénurie de charbon. Ceci est le
fruit d'une nouvelle réglementation entrée en vigueur dans la
zone cette année (2006).
La pression liée à la demande en charbon de bois
s'apprécie également à travers l'augmentation constante
des intervenants dans la communauté rurale.
? Il a été orienté en
2004 huit coopératives, quinze groupements d'intérêt
économique (G.I.E), et trois sociétés.
? En 2005, ce sont onze coopératives,
quatre G.I.E et cinq sociétés qui avaient
bénéficié de l'exploitation du charbon.
? En 2006, vingt et trois
coopératives, douze G.I.E et sept sociétés ont
été enregistrés.
Au total, de quinze exploitants en 2004, on est passé
à quarante et deux en 2006. Le chef de la brigade forestière de
Koussanar justifie cette évolution par la diminution des interventions
au niveau de la CR de Sinthiou Malème suite au classement d'une
importante partie de ses forêts.
Figure 10 : Photo d'un camion chargé de charbon
prêt à partir vers le grand marché de Dakar
Photo prise le 05 novembre 2006
Cette image est une des principales marques de la circulation
automobile du secteur de Koussanar. Ce sont plusieurs centaines de
m3 de bois qui sont brûlés pour les remplir. Ils
nécessitent plusieurs meules.
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