II-2-3- Les pratiques pastorales contribuent au recul des
espaces boisés
C'est la deuxième activité de la
communauté rurale derrière l'agriculture. Elle est en pleine
expansion grâce à la disponibilité de l'eau (mares et
marigots temporaires de juin à novembre) et des campagnes de lutte
contre les maladies du bétail (botulisme, pasteurellose bovine, ovine
et
43
caprine, fièvre aphteuse, charbon symptomatique, etc.)
depuis le Programme de Développement de l'Elevage au
Sénégal Oriental (P.D.E.S.O) 11 jusqu'à nos
jours.
Selon le chef de la brigade forestière de Koussanar, Mr
Niang Top, « il constitue un facteur limitant de la
préservation de certaines ressources à faible capacité de
régénération. » du fait des élagages,
émondages et coupes abusives de certaines espèces comme
Pterocarpus erinaceus, Stercula setigera, Cordyla pinnata, etc.(voir
figure 6)
Figure 6 : Photo de Pterocarpus erinaceus et
Stercula setigera ayant subi les effets de
l'émondage.
Photo prises le 08 septembre 2006
Ces espèces sont très appétées par
le bétail. Elles constituent un fourrage de substitution pendant les
périodes de soudure (début d'hivernage). Par contre, la
première (Pterocarpus) est plus sollicitée en ce sens.
Même en pleine saison des pluies, elle subit ces pratiques des
éleveurs et celles des vendeurs de ses feuilles. Des campagnes de
sensibilisation sont menées à travers la radio régionale
car elle a une faible capacité de régénération et
reste menacée de disparition si son exploitation continue au même
rythme. La seconde est surtout attaquée par les transhumants.
11 Il s'est retiré de la zone depuis 1997
44
La transhumance de troupeaux venant d'autres régions
s'ajoute à tous les effets d'un élevage extensif. Ils sont
importants et sont l'oeuvre de «walankés» 12
à partir de janvier et février.
Les pratiques pastorales participent considérablement
à la dégradation du couvert végétal. Leurs impacts
s'aperçoivent aussi dans la provocation des feux de brousse par certains
éleveurs pour rendre la forêt plus facilement accessible
(généralement en octobre). En outre, ces feux sont parfois
déclenchés par des récolteurs de miel, des exploitants de
la saignée de Stercula setigera, des fumeurs et même des
paysans (fin novembre) dans une optique de protection de leurs champs face
à d'éventuels feux qu'ils ne pourraient contrôler.
II-2-4- Les feux de brousse
Le problème de ces feux est très réel
mais les contrevenants ne sont pas en général
dénoncés pour des considérations familiales ou amicales,
d'où une grande entrave à leur maîtrise. C'est ainsi que
des feux précoces (55000 ha en 2005), déclenchés sous la
direction des forestiers, constituent le seul grand recours pour minimiser ou
annuler les dégâts sur les ressources forestières. La
forêt évolue aujourd'hui en savane et le passage du feu est un
facteur déterminant de la persistance de ces types de formations (voir
figures 7 et 8). Chaque année, on enregistre en moyenne trois à
quatre cas dans la communauté rurale: 2001: cinq cas pour 1530 ha de
superficie brûlée ; 2002: trois cas pour 750 ha ; 2003: trois cas
pour 630 ha ; 2004: trois cas pour 235 ha ; 2005: trois cas pour 166
ha.13
Toujours est-il que l'influence du feu sur la
régénération est fonction de son intensité. Faible,
les rejets peuvent repousser sur les tiges ; forts, les repousses se font soit
sur la souche, soit sur les racines ou la plante meurt (Manga A., 1999).
12 appellation initialement donnée aux
éleveurs du Walo mais intéressant aujourd'hui surtout ceux du
Djolof
13 Données de la brigade
forestière de Koussanar
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Figure 7: Photo sur les feux de brousse et leurs effets
sur la végétation
photo prise le 08 novembre 2006
Dans la communauté rurale de Koussanar où les
précipitations, facteurs de production de la phytomasse combustible,
sont assez favorables, les feux de brousse sont violents et destructeurs. C'est
pourquoi ils participent considérablement à l'accentuation du
taux de mortalité de certaines espèces (Hexabolus
monopetalus, combretum pedicelatum,...). Ils peuvent enrichir
temporairement le sol superficiel en sels minéraux mais ces derniers
sont presque entièrement lessivés par les premières
pluies.
Leur maîtrise permettrait de :
- 'assurer la survie du bétail en saison sèche par
la préservation des pâturages ; - fournir des matériaux de
confection de l'habitat rural ;
- diminuer la pression sur le patrimoine ligneux.
46
47
On constate donc que les mécanismes de
dégradation des ressources naturelles et de l'environnement sont bien
présents. La photographie aérienne prise en 2002 sous la houlette
du Centre de Suivi Ecologique (C.S.E) montre que la destruction de la
végétation naturelle a atteint un stade tel qu'on ne peut plus
parler de forêt au sens géographique du terme. La carte
d'occupation des sols (ci-dessus) que nous avons réalisée par le
truchement de cette image en constitue une illustration. La savane arbustive au
nord à boisée au sud s'intègre dans des espaces de culture
et de pâturages, surtout au nord de la communauté rurale. La carte
a le mérite de nous édifier sur la quasi-absence de forêts
et de nous confirmer l'idée d'un nord plus pastoral (domaine des peuls)
que le sud. Cependant sa limite réside dans le fait qu'elle ne montre
pas avec précision la place qu'occupent l'agriculture et
l'élevage au sud de la CR alors que cette partie est presque devenue la
zone de prédilection de ces pratiques suite à sa forte
poussée démographique. Cela s'expliquerait par des erreurs
d'interprétation liées à la période de prise de
l'image (saison des pluies) à cause de la forte possibilité de
confusion des reflectances. Son actualisation serait de bon augure pour une
meilleure analyse de cette dynamique qui se lit également à
travers l'exploitation forestière.
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