III-2- Les enjeux liés à l'exploitation
forestière
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Malgré les dommages causés au patrimoine
ligneux, des revenus substantiels sont engendrés par l'exploitation
forestière au bénéfice de l'Etat, des exploitants et des
populations (autochtones ou allochtones).
III-2-1- Les enjeux sociaux
Sur le plan social, le bois assure la cuisson des aliments des
catégories sociales démunies, sans possibilité
d'acquisition de gaz. En plus, la population sénégalaise est
largement dépendante en combustibles ligneux et en bois d'oeuvre pour
satisfaire ses besoins commerciaux et faire fonctionner toutes les
activités dépendantes du bois.
Il va sans dire que les conséquences seront
forcément ressenties au sein de cette société en cas de
rupture d'approvisionnement due à une surexploitation. Par exemple, il
n'est pas exclu d'assister à :
- une flambée des prix, ce qui constituerait un
handicap pour les couches sociales démunies, d'une part ;
- une mauvaise cuisson des aliments susceptible
d'entraîner des maladies parasitaires, d'autre part.
Pire encore, une perte d'emplois de vitalité sociale
pourrait survenir avec une interdiction définitive de l'exploitation du
bois. L'exemple de l'exploitante citée plus haut est bien illustratif et
permet d'appréhender les enjeux économiques et politiques.
II-2-2-Les enjeux économiques et politiques
Ils sont perceptibles à travers le dynamisme de ce
secteur qui se fait de plus en plus sentir. En fait, il participe dans
l'économie nationale à plus de 25 milliards de francs Cfa dont
environ 19 pour le charbon (Trossero, Cité par Dieng C., 1994) compte
non tenu des prélèvements qui échappent au contrôle
des services compétents. Il faut aussi noter le lobby des exploitants de
charbon, regroupés depuis 1983 en associations pour mieux
défendre leurs intérêts, à qui revient plus de la
moitié des retombées financières. De ce fait, ils sont de
véritables puissances ; la part de communautés rurales
n'étant pas très significative. Seule une infime partie des
recettes contentieuses lui est versée:deux à trois millions pour
la CR de Koussanar en 2003 et 2004. Les
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recettes domaniales sont la propriété de l'Etat.
La situation économique et sociale étant le soubassement des
actions de tout dirigeant, les enjeux politiques sont plus ou moins
importants.
Ils sont non négligeables. Vu le nombre de la
population concernée, les pouvoirs publics peuvent souvent adopter des
orientations (dans la pratique) qui ne sont pas conformes avec le cadre
réglementaire en vigueur. Il arrive que l'on oriente la coupe vers une
zone initialement prévue pour le repos et faute de quoi la satisfaction
des besoins ne serait pas effective. A Koussanar, ce problème n'a pas
été signalé mais l'intensité de l'exploitation
n'exclut pas une telle pratique.
En somme, les enjeux liés à l'exploitation
forestière ne sont pas faciles à cerner en raison des multiples
acteurs qui entrent en jeu et des intérêts aussi divers que
complexes. Le couvert végétal connaît une diminution aussi
bien quantitative que qualitative suite à son écrémage par
les différents intervenants. Les conséquences d'une telle
dynamique se répercutent sur tous les plans (agricole,
pastoral,...).Conscient de ce fléau, l'Etat, à travers le code
forestier, a mis en défens certaines espèces menacées
(voir tableau 6) Elles se retrouvent toutes dans la zone et présentent
un intérêt particulier du point de vue économique,
écologique, scientifique ou médical.
Tableau 6: Espèces protégées par le
Code forestier
Noms scientifiques
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Noms wolof ou noms célèbres
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Acacia Raddiana
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"seing"
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Acacia senegal
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"Werek"
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Adansonia digitata
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Baobab
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Afzelia africana
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"Nincom"
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Borassus aethiopium
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Ronier
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Ceiba pentandra
|
Fromager
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Cordyla pinnata
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"Dimb"
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Grewia bicolor
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"Kel"
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Khaya senegalensis
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Caïlcédrat
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Moringa oleifera
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"Nebeday"
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Prosopis africana
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"yiir"
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Pterocarpus erinaceus
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Vène
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Sclerocarya birrea
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"Eeri" en pulaar
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Tamarindus indica
|
Tamarinier
|
Ziziphus mauritania
|
"Sidem"
|
Source : code forestier
Cette protection est presque inopérante du fait des
impératifs économiques et des moyens déficitaires.
D'ailleurs, nos enquêtes ont pu nous montrer que plusieurs
espèces, à des degrés
divers, sont menacées de disparition. Il s'agit de
celles dont les noms sont mis en rouge dans le tableau ci-dessus et d'autres
comme Stercula setigera, Bombax costatum ou « garab laobé
», etc.
Pourtant, le patrimoine végétal doit être
judicieusement géré. Pour ce faire, il urge de :
- évaluer les forêts car, d'après le service
concerné, il n'existe aucune statistique fiable ;
- délivrer les permis de coupe proportionnellement
à la capacité de régénération des
forêts et au rythme des reboisements17.
La forêt est véritablement une soupape de
sécurité pour les habitants de la localité mais exige une
exploitation plus rationnelle afin de la restaurer et d'éviter son
épuisement.
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