Conclusion
générale
Les droits des enfants dans les pays en crise ou sortant d'une
crise armés sont fragilisés par la situation de crise. Le
contexte ivoirien est particulièrement compromettant pour l'enfant en
raison de la partition du pays en zones contrôlées par
différentes forces. Ce contexte expose les enfants à des
violations graves pourtant interdites par les instruments internationaux.
D'autres violations sont dues non moins graves portent des préjudices
innombrables aux enfants quant à leur existence juridique, leur
personnalité et les prestations qui leur sont dues. Ces violations sont
favorisées par des facteurs dont les uns sont conjoncturels et les
autres sont structurels.
Les facteurs conjoncturels sont ceux étroitement
liés au contexte de crise finissant mais qui dure, à savoir la
gestion du processus de sortie de crise et ses implications politiques à
travers les comportements des camps en présence, mais aussi la
destruction des symboles de l'Etat dans les zones rebelles et l'affaiblissement
des mécanismes étatiques de protection dans les zones
gouvernementales. Ils sont également liés à
l'impunité qui s'est installée depuis 2000 et qui comporte
plusieurs facettes.
Quant aux facteurs structurels, ils sont relatifs à la
situation géographique de la Côte d'Ivoire et tirent leurs sources
de la période coloniale, notamment la délimitation des
frontières, les disparités économiques qui se sont
créées entre les pays de la sous- région et leur
conséquences sur les mouvements migratoires dont la gestion a
engendré à partir de 1995 des sentiments de xénophobie
récupérés par les leaders politiques. Ces facteurs sont
également liés au contexte économiques et socioculturel
fait de pauvreté, de sous développement, d'ignorance des droits
de l'enfant et des pesanteurs sociologiques comme les religions et les
cultures, toutes choses face auxquels le cadre normatif interne et l'engagement
de l'Etat dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
sont faibles.
Dans ces conditions la mise en oeuvre de la protection qui
comporte plusieurs volets s'avère ardue. Elle s'avère ardue aussi
bien pour les juridictions internes qu'internationales ainsi que pour les
autres structures étatiques et les ONG. Face à ces
difficultés auxquelles font face les organes de protection de l'enfance,
nous avons fait des constats et tiré des enseignements. Les constats
portent sur l'inefficacité partielle des actions des organes de
protection qu'ils soient étatiques ou internationaux.
Les structures étatiques y compris les juridictions
sont confrontées aux problèmes de lenteurs du
redéploiement de l'Administration dans les zones sous contrôle des
rebelles et de jouissance et d'exercice de l'autorité dans lesdites
zones. Les organes de garantie internationale sont, eux, confrontés
à l'absence de sanction des obligations internationalement souscrites
par les Etats dans les instruments juridiques dont ils reçoivent leurs
mandats. La CPI est tiraillée entre la nécessité de punir
et le souci de ménager une marge de réconciliation pour les
acteurs. Quant aux ONG, elles sont limitées par le caractère de
leur intervention, le manque de coordination entre elles et l'étroitesse
de leur marge de manoeuvre quant aux actions de plaidoyer.
Les constats sont également liés à un
partage de responsabilité des violations entre les autorités
légales et les autorités de fait établies dans les zones
rebelles. Cette responsabilité internationale cohabite avec la
responsabilité pénale individuelle des auteurs des violations
dans les deux zones.
Ce constat d'échec partiel nous ont amené
à des enseignements relatifs à la nécessité d'abord
de réunification du territoire et l'établissement de
l'autorité dans les zone. Ils sont ensuite liés à
l'urgence de réformes législatives et organiques pour une
adaptation adéquate aux exigences des instruments internationaux. Ils
portent enfin sur le besoin urgent pour la Côte d'Ivoire de ratifier et
d'appliquer sans réserve les autres instruments internationaux relatifs
aux droits de l'enfant, mais également le statut de la CPI.
La nécessité de renforcement du cadre juridique
international vise à rendre plus efficaces les organes de garantie
internationale des droits de l'enfant et de répression des graves
violations des droits de l'homme en général et ceux des enfants
en particulier. Le renforcement apparait comme la meilleure solution capable de
dissuader les gouvernants et les chefs de guerre d'exposer les enfants aux
pires violations et de les amener à respecter et faire respecter les
droits reconnus par les instruments internationaux.
On peut espérer que si ces conditions sont
réunies, les progrès réalisés depuis 2005 qui ont
amené les Nations Unies à déclasser en 2007 la Côte
d'Ivoire des pays à haut risque pour les enfants se renforceront et
l'enfant en Côte d'Ivoire s'en tirera mieux pour le respect de sa
personnalité et la jouissance de ses droits sur tous les plans.
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