II. Les difficultés de mise en
oeuvre du cadre normatif interne
Les difficultés de mise en oeuvre se situent aussi bien
au plan pénal qu'au plan civil et concernent l'organisation judiciaire,
la procédure, et le fond du droit. Elles sont aussi relatives à
la situation de partition du territoire et la disparition des services
judiciaires.
1. Au plan pénal
Deux catégories d'insuffisances peuvent être
relevées : les difficultés liées au droit de fond et
celles relatives au droit de forme.
S'agissant du fond du droit, certaines difficultés
portent sur le caractère vague des incriminations, tiré de la
définition de ces infractions. Or, en l'absence de définition,
les éléments matériel et moral peuvent s'avérer
difficiles à déterminer. On peut ranger dans cette
rubrique le viol, l'attentat à la pudeur, l'outrage public à
la pudeur, les violences et voies de fait. Le défaut de
définition de ces infractions ou l'imprécision qui entoure leurs
éléments moral et matériel porte une sérieuse
entorse au principe de la légalité des infractions et des
peines « nullum crimen, nulla poena sine lege »
(pas de crime, pas de peine sans loi) consacré par les articles 22 et 23
du statut de la CPI et peuvent engendrer des difficultés quant à
leur qualification et, par voie de conséquence, leur
répression.
A ces difficultés, s'ajoute l'absence de
l'incrimination de certaines infractions susceptibles d'être commises sur
les enfants qui sont évoquées dans les instruments internationaux
et régionaux. Il s'agit notamment du recrutement d'enfants-soldats, de
la pornographie impliquant des enfants, l'utilisation des enfants dans des
manifestations à risque, les attaques dirigées contre des
écoles ou des hôpitaux ou le refus d'autoriser l'accès des
organismes humanitaires aux enfants etc.
Relativement au droit de forme les problèmes sont
liés aux pouvoirs du juge des enfants. Ils sont aussi relatifs à
l'organisation judiciaire notamment la non-spécialisation des officiers
et agents de police judicaire.
Le juge des enfants dispose d'une grande liberté
d'action quand il décide en Chambre du Conseil ou au sein du tribunal
pour enfants. Or il n'existe pas de mécanismes de contrôle
destinés à garantir la transparence de la procédure, par
exemple l'obligation de communication du dossier au parquet au terme de
l'instruction. Ensuite les fonctions de juge d'instruction des mineurs et de
juge des enfants ne sont pas distinctes. Pis encore, dans les sections
détachées des tribunaux de première instance, le juge de
section faisait office d'organe de poursuite, d'instruction et de jugement
jusqu'à la rentrée judiciaire 2004 où des substituts de
procureur ont été affectés dans les sections
détachées pour jouer le rôle de ministère public.
Cette concentration de pouvoirs sans contrôle aux mains du juge des
enfants et du juge de section peut conduire à des excès lorsque
l'on sait, a priori, qu'il y a insuffisance de personnels dans les juridictions
encombrées par les affaires de toutes sortes.
Quant à l'organisation judiciaire, le code de
procédure pénale ne prévoit pas de dispositions
spécifiques applicables aux mineurs dans le cadre de l'enquête
préliminaire qui est essentiellement exécutée par la
police judiciaire dont les officiers et agents disposent de larges pouvoirs
d'action qui sont définis à l'article 14 du code de
procédure pénale: « Elle est chargée....de
constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas
ouverte». Pour exécuter ces fonctions, plusieurs moyens d'action
sont mis à la disposition de la police judiciaire, et ces moyens
constituent de véritables restrictions aux droits humains et aux
libertés individuelles. Il s'agit notamment de la garde à vue,
des auditions, des visites domiciliaires, des perquisitions et saisies. Ces
mesures sont mises en oeuvre par les officiers de police judiciaire non
magistrats qui peuvent les décider contre des mineurs alors qu'ils ne
disposent d'aucune spécialité relativement aux enfants. La seule
section spécialisée de la police judiciaire est la brigade des
mineurs sise à Abidjan (capitale économique du pays) pour
s'occuper des affaires concernant les mineurs et, d'ailleurs, elle ne dispose
pas d'une compétence rationae personae exclusive. Cette brigade ne
dispose d'aucun démembrement au niveau des régions à
l'intérieur du pays.
Par ailleurs il a été impossible, jusqu'en 2008,
de mettre en oeuvre la protection judiciaire des enfants dans les zones
contrôlées par les rebelles, étant donné que
l'appareil judiciaire et son soutien en forces publiques d'ordre ont totalement
disparu de cette zone.
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