II. Maladies transmissibles et parasitaires : entre
recrudescence et émergence.
Les maladies transmissibles demeurent les
principales causes de mortalité au Burundi qui, à ce titre,
revêt les caractéristiques des pays à faible revenu. Ainsi,
80 % des années de vie perdues le sont à cause des maladies
transmissibles (11 % pour les maladies nontransmissibles et 9 % pour les
blessures). Pour 100 000 habitants, le Sida est responsable de 129
décès (2007), le paludisme de 94 décès10
(2006), et la tuberculose11 de 69 décès [OMS,
2010].
Le Burundi est un foyer ancien de paludisme,
mais un premier cas résistant à la chloroquine
le taux de consultation pré-natale et la proportion
d'accouchement en structure de soins. Jeune âge de la mère, rang
de naissance élevé, naissance hors mariage, faible niveau
d'instruction, milieu rural, faibles revenus, sont autant de facteurs qui
interviennent en défaveur du recours aux soins péri-natals. En
revanche, la religion, notamment chrétienne, un niveau
élevé d'instruction, le fait de vivre en milieu urbain, et
d'occuper un emploi, jouent en faveur du recours aux services de santé
maternelle.
8 Pour ces données, la mesure de la prévalence ne
s'applique plus seulement aux femmes en unions.
9 Aloys Hakizimana étudie, dans une région du
Burundi, les croyances et représentations relatives aux méthodes
contraceptives : la pilule rend stérile, le préservatif peut se
perdre dans le vagin et entraîner la mort de la femme. Les injectables en
revanche sont plutôt appréciées, et recueillent la faveur
des populations analphabètes ou ayant un faible niveau d'instruction.
Par analogie avec les injections contre le paludisme, on les pense plus
efficaces. L'auteur rapporte tout de même une rumeur qui dit que «
la personne ayant subi ce genre de traitement connaît un sort particulier
: à sa mort, elle grossit d'une manière démesurée
et éclate comme un ballon gonflé à fond (Aloys Hakizimana,
Naissances au Burundi entre tradition et planification, Paris,
L'Harmattant, 2002, p. 186 (322 p.).
10 La mortalité du paludisme est difficile
à évaluer, 90% des malades mourant chez eux (cf. Greenwood,
1999).
11 Pour des personnes séronégatives pour le VIH.
est diagnostiqué en 1983 [THIBON, 2004]. D'abord
localisé dans les basses terres (lacs, terres irriguées), le
parasite s'étend progressivement aux hauts plateaux, suite,
probablement, à l'introduction de la riziculture et de la pisciculture
[Ministère de l'environnement, 2001 et THIBON, 2004]. De ce fait, et
probablement du fait de la crise, le nombre de cas passe de 800 000 en 1993
à 3 249 767 en 2000 [Ministère de l'environnement-Burundi], soit
plus de la moitié de la population. En 2008, le nombre de cas
notifiés pour le paludisme était de 2 039 353 [OMS,
2010]12. Une diminution qui peut s'expliquer, en partie, par un
nombre élevé de décès, en parallèle au
développement de mesures de prévention13. Ainsi, par
exemple, en 2009, dans 7 provinces14, 85 % des ménages ont
reçu chacun trois moustiquaires imprégnées d'insecticide
[Rapport au PNUD, 2009]. Cela reste insuffisant, et, selon certains chercheurs,
demeure moins efficace que les grandes opérations de
pulvérisation du domicile conduites dans les années 50-70 [CURTIS
et MNZAVA, 2000]. Si la distribution de moustiquaires reste un facteur
d'amélioration, encore faut-il s'assurer que leur intérêt
est compris, qu'elles sont utilisées, et qu'elles le sont de
façon appropriée. En terme de traitement, à partir de
2005, une nouvelle thérapie (association arténusate/amodiaquine)
est délivrée, qui semble efficace et d'un coût abordable
[Unicef, 2005].
Le SIDA est la première cause de
mortalité au Burundi. Toutefois, après une augmentation continue
depuis le début de la pandémie en 1983, le nombre annuel de
décès attribués au SIDA amorce une baisse à partir
de 2003. Entre 1994 et 2007, la prévalence du VIH au sein des 15-49 ans
passe de plus de 5% à 2% environ.
Cette évolution générale positive
recouvre néanmoins des disparités. Ainsi, la prévalence du
VIH est plus importante en zone urbaine et péri-urbaine (environ 4,5 %)
qu'en zone rurale (2,82 %). De façon générale, la
prévalence du VIH est plus importante dans les zones de forte
densité de population (cf. carte 1). Le VIH touche de manière
plus importante les professionnelles du sexe, soit 39,8% en 2007, parmi
lesquelles la moitié seulement est capable d'identifier les moyens de
prévention de la transmission du virus. Les jeunes de 15-24 ans semblent
en revanche moins touchés que la population générale (1,3%
en 2008), mais seuls 35% d'entre eux sont capables d'identifier les moyens de
prévention de la transmission.
12 Il semble qu'on enregistre une diminution du nombre de cas,
mais les sources étant différentes, la comparaison reste
limitée.
13 Et certainement aussi une sous-évaluation. La
dernière enquête MICS date de 2005, et depuis il faut compter sur
les statistiques hospitalières, qui sont irrégulières et
peu centralisées. Par ailleurs, les individus qui ne consultent pas ne
sont pas comptabilisés.
14 Kirundo, Muyinga, Ruyigi, Makamba, Rutana, Gitega et
Cankuzo.
En outre, parmi ceux déclarant avoir eu plusieurs
partenaires au cours des 12 derniers mois, seuls 10,9% déclarent avoir
utilisé un préservatif [UNGASS, 2010]. En effet, si la
distribution de préservatifs gratuits n'a cessé d'augmenter au
cours de la dernière décennie, plus de 9 millions en 2007
[Ministère de la santé], encore faut-il que ceux-ci soient
utilisés, et correctement. En termes de traitements curatifs et
préventifs, la couverture des ARV est en hausse, et l'observance semble
bonne. Entre 2008 et 2009, la proportion de personnes infectées par le
VIH à un stade avancé, et qui étaient sous ARV, est
passé de 25,7 à 30,8%, et en 2009, la part d'adultes et enfants
toujours sous traitement 12 mois après le début de la
thérapie antirétrovirale était de 89,9%. De même, la
PTME15 a connu une hausse continue, passant de 2% en 2004 à
9% au moins en 2008. Un chiffre qui demeure toutefois beaucoup trop faible. Par
ailleurs, en 2008, seuls 16% des enfants infectés par le VIH recevaient
un traitement.
Depuis 2002, il existe une politique sectorielle de lutte
contre le SIDA, à travers le Plan National Stratégique (2002-2006
et 2007-2011). Un Conseil National de Lutte contre le SIDA a été
mis en place. Les dépistages anonymes non corrélés sont
généralisés, et la transmissions des données depuis
les structures de soins vers le niveau central s'est améliorée.
Mais 80% des lits d'hôpitaux occupés le sont par des malades du
Sida, et l'OMD n°6, concernant le VIH au moins, ne sera pas atteint pour
2015.
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