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Situation sanitaire au Burundi en 2010

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par Aurélie PIECHAUD
Paris-Descartes-Sorbonne - Master 2 "Expertise en Population et Développement" 2010
  

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Université Paris-Descartes

Master 2 EPD

Situation sanitaire au Burundi

Aurélie PIECHAUD

Introduction

Le Burundi est un petit État enclavé d'Afrique centrale. Limité au Nord par le Rwanda, à l'Est et au Sud par la Tanzanie, et à l'Ouest par le République Démocratique du Congo, le pays a une superficie de 27 834 km2. Il est composé, pour l'essentiel, de hauts plateaux, bordés d'une dépression progressive à l'est, et plus brutale à l'Ouest (lacs, plaine de l'Imbo, et Bujumbura, la capitale). La population, rurale à 90 %, est estimée à 8,5 millions [ONU, 2010], avec un taux de croissance de l'ordre de 3 %. La densité est relativement importante (306 hab/km2), avec de grandes variations entre les 17 provinces, et à l'intérieur de celles-ci. Les principaux indicateurs démographiques reflètent la situation communément rencontrée dans les pays en développement : une natalité forte (34,6 pour 1000), associée à une mortalité en baisse mais qui demeure importante (14,0 pour 1000), une forte fécondité (4,66 enfants/femme), et une espérance de vie à la naissance de 50 ans [ONU, 2010] (cf. tableau 1). La population est par conséquent jeune, les moins de 15 ans représentant plus de 34 %, et les plus de 65 ans 2,5 %. Le Burundi est l'un des pays les plus pauvres du monde (RNB/ habitant de 380 US $ en 2008). Avec un IDH de 0,282, le pays se classe au 166e rang mondial (sur 177 pays) en 2010. L'IDH ajusté aux inégalités tombe à 0,177 [PNUD]. La crise de 1993 a fait perdre au Burundi près de 15 ans de son développement : le PIB chute de 40 %, l'espérance de vie passe de 50 à 47 ans, et la population vivant en-dessous du seuil de pauvreté passe de 35 % en 1993 à 67 % en 2006 [BAD, 2007]. Les indicateurs sanitaires virent au rouge, et il faudra plus de dix pour qu'ils retrouvent leur niveau d'avant la crise.

Les débuts d'une transition épidémiologique au Burundi se situent au moment de la période coloniale et sont donc relativement anciens, mais les progrès ont par la suite ralenti, et surtout ont souffert de plus d'une décennie de conflit. L'éradication quasi totale de la diphtérie, de la fièvre jaune, et de la poliomyélite marquent le début de la transition. De même que les changements observés dans l'ordre des causes de décès chez les jeunes enfants1 : au début des années 80, rougeole, maladies diarrhéiques, paludisme ; au début des années 90, paludisme, maladies diarrhéiques, rougeole [THIBON, 2004]. Aujourd'hui, un quart des enfants de moins de cinq ans décède au cours de la première semaine (infections, asphyxie, prématurité). Les autres décèdent avant tout de pneumonie (29 %), de diarrhées (21%) et du paludisme (10%) [Unicef, 2010] (cf. graphique 1).

1 Décès d'enfants en milieu hospitalier. L'âge n'est pas précisé. Et il est évident que cela ne tient pas compte des décès à domicile.

I. Santé des mères et des jeunes enfants : les progrès demeurent trop faibles.

Des résultats positifs vont dans le sens d'une diminution de la mortalité des jeunes enfants. Ils sont le fait en grande partie d'une bonne couverture vaccinale. Ainsi en 2009, 95 % des enfants ont été vaccinés contre la rougeole, 99% ont reçu la première dose du vaccin DTCHib2, et 92 % les trois doses [PNUD, 2009]. De façon générale, le taux de couverture vaccinale est égal ou supérieur à 90 % (cf. graphique 2). Concernant la prévention du paludisme, la proportion d'enfants de moins de cinq ans dormant sous une moustiquaire imprégnée d'insecticide est passée de 1 % en 2000 à 8 % en 2005. La supplémentation en vitamine A3 a connu une augmentation fulgurante, passant de 17 % en 2005 à 80 % en 2008 [Unicef, 2010]4.

Cependant, les évolutions positives recouvrent parfois des disparités. En 2005, les plus riches ont plus accès aux moustiquaires imprégnées (19 % contre 5 % pour les revenus les plus bas). De même pour les urbains (40 % contre 7 % pour les ruraux). Par ailleurs, le taux d'enfants de moins de cinq ans ayant bénéficié de réhydratation orale associée à une alimentation continue demeure faible en 2005 (23 %, contre 16 % en 2000), et les plus riches sont avantagés [Unicef, 2010]. Il est à noter toutefois que ces données remontent à 2005, date à laquelle a été prise la mesure présidentielle de gratuité des soins pour les enfants de moins de 5 ans. Les données depuis cette date, et notamment en terme de disparités (interrégionales, urbain/rural, niveau de revenu), sont malheureusement manquantes, et l'on peut faire l'hypothèse que les disparités demeurent importantes. En effet, si la gratuité des soins maternels est une avancée majeure, elle ne concerne que la partie financière de l'accès aux soins, et les personnes concernées restent tributaires d'un accès physique différentiel aux structures de soins, autant que d'une mauvaise répartition du personnel.

Ainsi, malgré des avancées positives, et une baisse significative de 203 pour mille en 1990 à 168 pour mille en 2008 [rapport national OMD, 2010], la mortalité infanto-juvénile

2 Le vaccin contre la rougeole, ou celui contre le BCG, tous deux quasi-généralisés, ont des effets bénéfiques non-spécifiques (diarrhée, paludisme). En revanche, les vaccins contre des maladies qui ne causent que peu de décès chez les enfants (c'est le cas du DTC-Hib au Burundi) protègent contre ces maladies mais augmentent la mortalité des filles (se référer à PISON, 2010). Le rôle positif du DTC-Hib pourrait être à réévaluer à la mesure de cette information.

3 Il s'agit des enfants entre 6 et 59 mois ayant reçu deux doses de vitamine A durant l'année civile. La supplémentation en vitamine A vise à réduire l'impact de la cécité d'origine nutritionnelle, ainsi que la diminution de la gravité et des taux de mortalité clinique de certaines maladies de l'enfance, telles que la rougeole et la diarrhée [OMS].

4 L'Unicef donne ailleurs d'autres chiffres : de 38 à 96 % entre 2000 et 2007 (Profil du Burundi, mis à jour en août 2009, http://www.unicef.org/french/infobycountry/burundi_2774.html). La tendance reste toutefois la même.

demeure très élevée. Et il est plus que probable que l'objectif de réduction d'un tiers de la mortalité des moins de cinq ans entre 1990 et 2015 ne sera pas atteint.

La santé maternelle constitue elle aussi un défi majeur. En 2008, on estime à 1100 le nombre de décès de mères pour 100 000 naissances vivantes5 [OMS, 2010]. Pourtant, la proportion de femmes ayant reçu au moins une visite prénatale, qui stagne pendant longtemps à un niveau déjà relativement élevé (79 % en 1987 et 78 % en 2000), aurait atteint 92 % en 2005 [Unicef, 2010]. La couverture en soins prénatals a donc connu une accélération au cours des années 2000, et l'on n'observe pas de différences significative entre lieux d'habitat (urbain/rural), ou niveaux de revenus. Si ces points sont positifs, les recommandations de l'OMS visent quatre visites au cours de la grossesse, et les données manquent à ce sujet. Le facteur le plus important d'une mortalité maternelle élevée semble résider dans la part d'accouchements assistés par du personnel qualifié, un taux qui malgré une forte progression (19 % en 1987, 25 % en 2000) n'atteignait que 34 % en 2005 [Unicef, 2010]. Au delà de sa valeur encore peu élevée, ce chiffre recouvrait alors de fortes disparités, en fonction du lieu d'habitat (75 % des accouchements étaient assistés en milieu urbain, contre 32 % en milieu rural), et en fonction du niveau de revenu (55 % des accouchements étaient assistés au sein des 20 % les plus riches, contre 25 % au sein des 20 % les plus pauvres). Des données plus récentes annoncent un chiffre de 56 % d'accouchements dans des structures sanitaires en 20086, qui constitue une avancée positive importante, à mettre relation avec la mesure présidentielle de gratuité des soins de maternité prise en 2005 [Burundi OMD 2010]. Cependant, nous l'avons déjà évoqué concernant la mortalité des enfants, il est probable que des disparités persistent. Par ailleurs, bien qu'ayant diminué en proportion, les grossesses adolescentes restent importantes (19 pour 1000 femmes âgées de 15 à 19 ans [Unfpa, 2010]), or la fécondité aux jeunes âges comporte un grand risque pour la mère comme pour l'enfant, et il semble que les femmes jeunes utilisent moins que les autres les services de soins de maternité [NKURUNZIZA, 2009]7.

5 La définition de la mort maternelle donnée par l'OMS est la suivante : « décès d'une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison, quelle qu'en soit la durée ou la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse, ou les soins qu'elle a motivés, mais ni accidentelle, ni fortuite ». Il s'agit d'une définition large, qui n'est pas forcément facile à appliquer. Ceci combiné à un enregistrement déficitaire des décès au Burundi, explique la différence entre le chiffre rapporté par le pays de 620 pour 100 000) et le chiffre ajusté par l'OMS et l'Unicef (1 100 pour 100 000). Concernant l'amélioration de la mesure de la mortalité maternelle, se référer à PISON (2001) et STANTON, HOBCRAFT, et al. (2001).

6 Selon le rapport PNSR du Ministère de la Santé Publique (2008), chiffre cité dans le Rapport Burundi-OMD 2010 (p. 53), et le Rapport Annuel 2009 du Coordonnateur résident du PNUD (p. 10).

7 Médiatrice Nkurunziza, utilisant les données de l'ESDSR 2002, s'interroge sur la différence importante entre

La planification familiale a été amorcée par un programme en 1983, sans grands résultats. En 1990, le Conseil National Économique appel à nouveau à une réduction des naissances, mais jusqu'en 2000, la baisse de la fécondité est à peine visible (de 6,8 à 6 enfants/femme). En 1987, l'utilisation de méthodes modernes de contraception concernait 1,2 % des femmes en union [EDS, 1987]. La prévalence de la contraception est estimée aujourd'hui entre 8 et 11,4 % [UNFPA, 2010 et PNSR, 2008]8. Une amélioration notable, mais la contraception moderne demeure, à l'image de cette partie de l'Afrique Sub-saharienne, peu répandue. Outre la faible portée des programmes, la persistance d'un conflit entre politiques de réduction des naissances et contexte socio-culturel9, pourrait expliquer la baisse relativement lente de la fécondité, jusqu'aux années 2000 au moins. Aujourd'hui, les méthodes contraceptives sont proposées dans les structures de soins, mais on estime encore à 27 % la part des besoins non satisfaits en matière de contraception.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld