Femme ou fée? Mélior dans "Partonopeu de Blois"( Télécharger le fichier original )par Julie Grenon-Morin Université Sorbonne-nouvelle - Master 1 2010 |
5) Autres élémentsLes fées sont souvent décrites comme vêtues de blanc et possédant une peau de la même teinte. Il n'est pas dit de Mélior que ce soit le cas, mais fort est à parier puisque la mode de l'époque et les critères de beauté vont dans ce sens et que la fée est décrite comme très belle. On observe donc un «ancrage dans le réel», pour reprendre les mots du texte consacré à Perceforest. L'histoire ne dit pas non plus si la fée de Chef d'Oire possède une baguette magique ou non. L'imagerie contemporaine ne saurait faire sans ce morceau de bois. Cependant, la présence des baguettes est attestée dans le Moyen âge également. Cette pratique renvoit aux pratiques féodales en vigueur alors. De nombreuses fées sont associées au monde végétal et leur symbole est la rose52(*). On attribue à cette fleur une symbolique du sentiment amoureux et de l'érotisme. Cependant, cette image ne correspond pas tout à fait à Mélior et, d'ailleurs, pas non plus à Mélusine. Dans le roman Partonopeu de Blois, Mélior est en lien avec la nature lorsqu'il s'agir d'amener le héros auprès d'elle. Il était en train de chasser dans la forêt et il se perdit, chose qu'avait prévue sa future compagne. Ensuite, un autre élément naturel entre en ligne de compte : la mer sur laquelle vogue la nef merveilleuse avec Partonopeu à son bord. De même, Mélusine et Raimondin se rencontrent dans la forêt. Un autre élément relatif à l'eau est présent dans le récit : la Fontaine de Soif. Ensuite, tout comme Mélior, Mélusine n'est plus vraiment en lien avec la Nature. La fée du Poitou devient bâtisseuse d'une cité extraordinaire. Quant à Mélior, elle passe la majorité du temps décrit dans le récit dans sa cité de Chef d'Oire pour accueillir Partonopeu. Le folklore français associe souvent les fées aux ustensiles et aux outils. À l'époque médiévale, une légende voulait qu'on serve à boire et à manger aux fées pour favoriser la chance. Ces pratiques étaient parfois fortement décriées par l'Église, qui y voyait des signes de paganisme. Dans d'autres histoires, les fées réparaient les outils des paysans. C'est le cas de la fontaine Faveresse où vit une créature-fée qui effectue ces réparations en échange d'un bijou ou de peaux d'agneaux. Cependant, la nature de la fée est encore une fois ambiguë. En effet, le conte ne précise pas s'il s'agit vraiment d'une fée. De plus, le texte raconte aussi que ce sont finalement des forgerons qui se chargent de la besogne. Comme le note C. Ferlampin-Acher, «cette dernière affirmation résulte d'une tentative pour rationaliser la croyance folklorique en l'existence des fées bienveillantes réparant les ustensiles servant aux paysans.53(*)». Dans Partonopeu de Blois, des références aux ustensiles sont également présentes, mais pas dans le même contexte. La table montée pour le repas de Partonopeu est magnifique et agrémentée d'accessoires précieux. Ils sont si fabuleux qu'il est difficile de croire qu'ils appartiennent à une humaine. Si certaines fées de Perceforest sont gardiennes d'animaux, ce n'est pas le cas de Mélior. La fée n'a pas non plus aucun lien avec du bétail ou animal de compagnie. Il revient à Partonopeu d'être en contact avec des animaux pour la chasse et des chevaux, par exemple lors du tournoi. Bref, l'impératrice de Byzance n'a presque rien en commun avec la nature. Elle se situe plutôt du côté de la ville. Elle est une fée bâtisseuse, puisque les constructions de Chef d'Oire ont été édifiées de façon magique, ce qui la lie à la fécondité et à la richesse54(*). Ce type de fée était récurrent au Moyen âge et les lecteurs savaient reconnaître ce que ce symbole signifie. En plus d'être bâtisseuse, Mélior est également une fée nourricière. Cela implique qu'elle accueille chez-elle des individus, dans le cas présent Partonopeu. Morgane et Mélusine reçoivent à plusieurs reprises des visiteurs. Dans le cas de Mélusine, la venue de son beau-frère lui sera catastrophique, car Raimondin transgressera l'interdit sous son influence. Le devoir d'hospitalité était très important dans les mentalités de l'époque. Mélior s'acquitte de son rôle d'hôtesse avec beaucoup de soin et d'attention. Elle fait également preuve de largesse, comme cela est démontré lors de la scène du premier repas de Partonopeu : Toutes les tables sont assises; Grans et pleniers est li servises, Car bien .iij. mile cevalier I puent seïr al mangier55(*). La richesse des tables montrent que la fée désire offrir le meilleur à son hôte. Cependant, Mélior est absente : «Souvent, les fées demeurent souvent* cachées, comme le roman en vers Partonopeu de Blois où le héros arrive dans un château désert où tout est servi.56(*)». C. Ferlampini-Acher présente de nombreuses qualités féériques qui sont aussi attribuables à Mélior. La fin du portrait de ce personnage met donc en lumière un être définitivement en marge des humaines. * 52 C. Ferlampini-Acher, op. cit.., p. 155. * 53 Ibid., p. 157. * 54 Ibid., p. 158. * 55 Partonopeu de Blois, op. cit., p. 120. * Tel quel dans le texte. * 56 C. Ferlampin-Acher, op. cit., p. 158. |
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