Section 2 : Les sanctions
Ne pouvant pas faire l'objet d'une condamnation pénale,
la seule sanction juridique qu'il est possible d'infliger à l'Etat est
une sanction de nature civile : Cette dernière est en quelque sorte
la transposition au plan du droit international applicable en période de
conflit armé, du principe pollueur-payeur et porte concrètement
sur la réparation (indemnisation et restauration des sites
pollués) de l'intégralité du préjudice
écologique réalisé directement en territoire ennemi ou
indirectement sur le territoire de tout autre Etat non impliquée dans la
guerre. Cette responsabilité est établie par la CIJ et les
tribunaux arbitraux internationaux lorsqu'ils sont régulièrement
saisis.
A) La réparation des dommages causés
à l'environnement en période d'un conflit armé
international.
A titre liminaire il convient de préciser que par ses
conséquences, un conflit armé affecte forcément
l'environnement. Cependant le préjudice écologique susceptible
d'entrainer une obligation de réparation doit nécessairement
répondre à certaines conditions : Il doit être grave,
étendu, durable et causé sans nécessité militaire
impérieuse (54). Tandis que le préjudice causé à un
Etat tiers n'exigera pas ces conditions pour engager la responsabilité
du belligérant responsable.
Malheureusement le droit international ne définit pas
explicitement ces notions dont la détermination permet d'engager la
responsabilité internationale de l'Etat. Il revient au juge
international régulièrement saisi de définir ces notions
au regard de l'ensemble des circonstances qui entourent le cas d'espèce
soumis à son examen.
54. Voire notamment les articles 1.1 de la convention
ENMOD et 4.2 de la convention de 1954 pour la protection des biens culturels en
cas de conflit armé.
L'obligation de réparer un tel dommage pèse sur
l'Etat ou les Etats responsable(s) du fait internationalement illicite. Le
principe de réparation existe même si un traité
international ne le mentionne pas. La Cour permanente de justice internationale
(CPJI) dans l'Affaire de l'usine de Chorzow a dans un premier temps
consacré le principe de réparation des dommages en
déclarant que «C'est un principe de droit international que la
violation d'un engagement entraîne l'obligation de réparer dans
une forme adéquate. La réparation est donc le complément
indispensable d'un manquement à l'application d'une convention, sans
qu'il soit nécessaire que cela soit inscrit dans la convention
même (...) » Ensuite, la CPJI s'est employé à
préciser dans un second temps le contenu de ce principe en faisant
valoir que «Le principe essentiel, qui découle de la notion
même d'acte illicite et qui semble se dégager de la pratique
internationale, notamment de la jurisprudence des tribunaux arbitraux, est que
la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les
conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui
aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas
été commis. Restitution en nature, ou, si elle n'est pas
possible, paiement d'une somme correspondant à la valeur qu'aurait la
restitution en nature; allocation, s.il y a lieu, de
dommages-intérêts pour les pertes subies et qui ne seraient pas
couvertes par la restitution en nature ou le paiement qui en prend la place;
tels sont les principes desquels doit s'inspirer la détermination du
montant de l'indemnité due à cause d'un fait contraire au droit
international»(55) De son côté l'article 31
du projet d'articles de la CDI relatif à la réparation indique
que « 1. L`.État responsable est tenu de réparer
intégralement le préjudice causé par le fait
internationalement illicite. 2. Le préjudice comprend tout dommage, tant
matériel que moral, résultant du fait internationalement illicite
de l'État »
B) Les formes de la réparation
L'obligation de réparer les dommages causés
à l'environnement dans le cadre d'un conflit armé international
prend séparément ou conjointement aux termes du projet d'articles
de la CDI diverses formes qui sont la restitution (article 35), l'indemnisation
(article36) et la satisfaction (article 37).
La restitution peut porter sur les biens culturels dont un
belligérant s'est illégalement emparé. Ainsi dans
l'affaire du Temple de Preah Vihear, la CIJ a exigé à ce
que la Thaïlande restitue au Cambodge certains objets qu'elle avait
enlevés du temple et de la zone avoisinante (56)
Cette obligation de restitution ou de remise en état
souffre cependant de quelques exceptions : Elle ne doit pas être
matériellement impossible à réaliser d'une part et d'autre
part elle ne doit pas être financièrement hors de toute
proportion. Lorsque la restitution n'est pas possible par l'Etat responsable,
celui-ci est tenu d'indemniser l'Etat victime. Mais le dommage à
indemniser doit être financièrement évaluable. A ce titre
selon un Accord conclu en avril 1981 entre le Canada et l'ex. URSS à la
suite de l'écrasement du satellite soviétique Cosmos-954 en
territoire canadien au mois de janvier 1978, l'ex. URSS a accepté
indemniser le préjudice résultant de la chute du satellite en
payant au Canada la somme trois millions de dollars canadiens (57)
L'indemnisation des préjudices résultant des
atteintes à l'environnement suite à un conflit armé peut
être difficile à effectuer. La CDI estime à juste titre que
« Dans les cas où une indemnité a été
accordée ou convenue à la suite d'un fait internationalement
illicite ayant causé ou menaçant de causer un dommage à
l'environnement, les sommes versées avaient pour objet de rembourser
l'État lésé des frais qu'il avait raisonnablement encourus
pour prévenir la pollution ou y remédier, ou de le
dédommager de la perte de valeur du bien pollué. Cependant, les
dommages à l'environnement vont souvent au-delà de ceux qui
peuvent facilement être évalués en termes de frais de
nettoyage ou de perte de valeur d'un bien. Les atteintes à de telles
valeurs environnementales (biodiversité, agrément, etc.parfois
appelées «valeurs de non-usage») ne sont pas moins
réelles et indemnisables, en
55. Affaire Usine de Chorzów, compétence,
C.P.J.I., série A, n° 9 (1927).
56. Affaire du Temple de Preah Vihear, fond, C.I.J.
Recueil 1962, p. 36 et 37.
57. Protocole entre le Canada et l'ex. URSS, 2 avril 1981,
I.L.M., vol. 20 (1981), p. 689.
principe, que les dommages aux biens, même si elles sont
sans doute plus difficiles à évaluer. » (58)
Enfin la satisfaction intervient lorsque l'Etat responsable du
fait internationalement illicite ne peut réparer le dommage ni par la
restitution ni par l'indemnisation. La satisfaction suppose la reconnaissance
de la violation par l'Etat responsable, la présentation des regrets par
ce dernier ou des excuses sans pour autant que ces attitudes ne se confondent
à l'humiliation de l'Etat responsable.
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