Conclusion
On peut certes regretter en droit international l'absence d'un
instrument juridique spécialement dédié à la
protection de l'environnement en période de conflit armé
international et d'une juridiction internationale ayant la compétence
exclusive de sanctionner civilement et pénalement les Etats et les
individus responsables de dommages significatifs à l'environnement en
temps de guerre.
Face aux catastrophes écologiques dues aux conflits
armés internationaux (lancement au cours de la deuxième guerre
mondiale des bombes atomiques sur les villes de Nagasaki et d'Hiroshima au
Japon, déversement par l'armée américaine entre 1961 et
1971 d'environ 77 millions de litres de défoliants sur le Vietnam,
etc.), à la forte pression de l'opinion publique internationale
relayée par les organisations internationales non gouvernementales comme
le CICR et à la médiatisation des conflits, le droit
international applicable en période de conflit armé a
progressivement intégré la dimension environnementale dans la
conduite des guerres. De la sorte, on peut conclure dorénavant que ce
droit est loin d'être démuni face aux atteintes graves qui
affectent l'environnement au cours d'un conflit armé. Le régime
international de protection de l'environnement en temps de guerre est fait
d'un ensemble de règles conventionnelles et coutumières
disponibles dans divers instruments de droit international humanitaire. Ces
instruments qui se sont adaptés à l'évolution des moyens
et méthodes de guerre sont à même d'assurer, s'ils sont
effectivement respectés, une protection efficace de l'environnement.
Qu'il s'agisse des conventions internationales de protection de l'environnement
à caractère général comme le Protocole additionnel
I aux conventions de Genève de 1949 ou d'autres instruments
spécifiques comme la convention ENMOD ou la convention portant
protection des biens culturels en temps de conflit armés ou encore de
l'article 8 du statut de Rome instituant la CPI qui érige les atteintes
graves à l'environnement en crime de guerre. Cependant le droit
international doit améliorer son cadre de réglementation de
façon à pouvoir intégrer les évolutions
extrêmement rapides que connaissent les moyens et méthodes de
guerre.
Pour qu'elles aient une effectivité, ces conventions
doivent être intégrées dans la législation
nationale des Etats qui en sont parties, étant donné qu'elles ne
sont pas auto exécutoires. C'est en temps de paix que cette mise en
oeuvre nationale doit être faite. Mais on constate le plus souvent que
nombreux sont les Etats qui ratifient les conventions internationales de droit
humanitaire sans se soucier de leur mise en oeuvre. Dans bien de cas en Afrique
par exemple, les Etats qui ont ratifié ces conventions ont d'autres
priorités urgentes liées notamment au développement
économique qu'à la mise en oeuvre. Ou alors ces Etats ont
insuffisamment l'expertise technique et juridique nécessaires pour
conduire dans les meilleures conditions le processus de mise en oeuvre. Une
institution comme le CICR qui est dotée depuis les années
« 90 » des Services Consultatifs en droit international
humanitaire intervient par le biais de ces Services auprès de certains
Etats qui en ont besoin en vue de renforcer leurs capacités en
matière de mise en oeuvre nationale des traités relatifs à
la protection de l'environnement en temps de guerre.
Aussi cette organisation a élaboré pour les
Manuels d'instructions militaires des Etats, des Directives non contraignantes
sur la protection de l'environnement en période de conflit armé.
L'Assemblée Générale des Nations Unies a par
Résolution A/RES/49/50 du 9 décembre 1994 invité les Etats
à adopter ces directives. Dans ces remarques préliminaires ces
directives indiquent qu'elles « (...) tirées des dispositions
juridiques internationales en vigueur et reflètent les pratiques
nationales. Elles ont pour but de renforcer l'intérêt des forces
armées pour la protection de l'environnement et de faire en sorte que
les dispositions internationales de protection de l'environnement contre les
effets des opérations militaires soient strictement respectées et
réellement appliquées ». Ensuite ces directives passent
en revue les principes de proportionnalité, de distinction et de
précaution applicables en matière de protection de
l'environnement au cours d'un conflit armé. Aux termes de la partie IV
desdites directives, « l'environnement naturel n'est pas un objet
d'attaque légitime. La destruction de l'environnement qui n'est pas
justifiée par les nécessités des opérations
militaires peut faire l'objet de sanction en tant que violation du droit
international (...) ».Il y est également mentionné que
toutes les mesures de précautions devraient être prises pour que
la guerre soit conduite dans des conditions qui protègent
l'environnement. A ce titre certains biens à caractère civil
(forets, couverture végétales, les biens indispensables à
la survie des populations, etc.) doivent être épargnés.
Quant à la partie V desdites directives, il y est notamment
indiqué que les Etats doivent appliquer et diffuser ces présentes
règles de protection de l'environnement et les faire figurer dans leurs
programmes d'instruction militaire et civile. Les commandants militaires sont
enfin tenus d'empêcher la violation de ces règles et de
sanctionner les cas de violation.
Nonobstant ces multiples efforts d'origines conventionnelle,
coutumière et privée, de nombreuses menaces et non les moindres
continuent à peser sur l'environnement en temps de guerre. On peut citer
à ce titre trois menaces.
La première concerne l'arme nucléaire.
N'étant pas explicitement interdite par un accord international, l'usage
de cette arme à en croire le Rapport scientifique de l'OMS en date de
1970 peut dangereusement perturber le cycle de vie de tous les êtres
vivants sur la planète terre. Son utilisation n'est pas une simple
hypothèse d'école car la doctrine sécuritaire des Etats
qui en sont dotés ne l'exclue pas lorsque leur survie en
dépend.
La deuxième menace vient de l'absence d'un consensus
international au tour des notions d'atteintes « graves, durables et
étendues à l'environnement ». On sait qu'en
période de conflit armé les dommages causés à
l'environnement doivent comporter ces caractères pour pouvoir engager la
responsabilité de leurs auteurs. Etant donné que ces termes ne
sont définis par aucun accord international, leur interprétation
par les Etats risque d'être à la base d'une ambigüité
qui ne servira pas forcement la cause de l'environnement.
La troisième menace est liée aux
difficultés dressées sur le chemin de la mise en oeuvre effective
de la compétence universelle des Etats qui leur permet de poursuivre et
de juger les présumés coupables de crimes de guerre
constitué notamment d'attentes significatives à l'environnement
dans le cadre d'un conflit armé international ou non international.
Ainsi en faisant droit à la requête de la RDC dans l'Affaire
« Yerodia » qui demandait l'annulation du mandat
d'arrêt international décerné par la Belgique contre son
Ministre des Affaires étrangères au motif que ce mandat est
décerné en «violation du principe selon lequel un Etat ne
peut exercer son pouvoir sur le territoire d'un autre Etat et du principe de
l'égalité souveraine entre tous les Membres de l'Organisation des
Nations Unies», proclamé par l'article 2, paragraphe 1 de la
Charte, on peut se demander si la CIJ en adoptant cette position ne couvre pas
en raison de leur statut officiel les autres responsables d'un Etat
accusé de crimes de guerre constitués par exemple d'atteintes
significatives à l'environnement.
Faute d'éradiquer la guerre dans les relations
internationales malgré la multiplication de ses initiatives en
matière de règlement de différends interétatiques
par des voies pacifiques, la communauté internationale doit relever ces
défis à travers le droit international applicable en
période de conflit armé pour enfin minimiser l'impact de la
guerre sur l'environnement.
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