J- Présentation des interviewés
Les chercheurs :
- Yvon Pesqueux est professeur au Conservatoire national des
arts et métiers (CNAM), et titulaire de la chaire de
développement des systèmes d'organisation. Il est par ailleurs
l'auteur de nombreux ouvrages référence sur le sujet dont
"Organisations : modèles et représentations" paru en 2002.
- Xavier Pavie est chercheur et directeur exécutif de
l'ESSEC-ISIS (Institut for Service Innovation & Strategy, un pôle
d'expertise en stratégie d'innovation et management des services). Il a
aussi occupé plusieurs postes de manager notamment à
Nestlé et Unilever et a été directeur marketing produit
monde pour le Club Méditerranée.
Les consultants en innovation
- Ari Massoudi est un consultant indépendant en
stratégie de l'innovation. Une compétence commerciale
doublée par un cursus scientifique ponctué par un doctorat en
génétique et biochimie obtenu en 2007. Il a aussi
été jusqu'en en 2009, associé-consultant à AREAD
(cabinet strasbourgeois de consulting spécialisé dans le conseil
opérationnel en financements publics).
- Jean-Luc Strauss est directeur de la prospective et de la
stratégie à Altran. Il est spécialisé dans la mise
en place de systèmes d'information et a récemment crée le
club "Innovation Banque-Finance-Assurance", rassemblant les directeurs de
l'innovation des principaux groupes français de banques et assurances.
- Mattieu Dupas est le dirigeant-fondateur de "Innovation
Partagée", cabinet de conseil spécialisé dans l'innovation
ouverte. Il a auparavant exercé plusieurs fonction managériales
dans le domaine industriel et plus particulièrement chez Johnson
Controls.
Les acteurs du quotidien en entreprise
- Nicolas Bougues est directeur technique à Axialys,
société dont il est l'un des membres fondateurs.
- Valérie Giraud est chef de projet en R&D à
Orange (France Télécom).
- Bruno Iules (nom fictif) est directeur administratif de
l'entreprise Axialys.
- Sébastien Dominer (nom fictif)94(*) est
ingénieur-technicien à Axialys.
K- Analyse des réponses obtenues
Les points de convergences et de divergences seront clairement
explicités, les trois thèmes abordés feront l'objet d'un
traitement séparé.
Autour de la notion d'innovation
Yvon Pesqueux, insiste sur sa dimension perlocutoire. Elle est
selon lui l'expression d'une volonté. Il s'appuie sur la théorie
des actes de langage de John Austin ("Quand dire, c'est faire") pour
étayer ce point de vu. En se transformant en discours, l'innovation
prend la forme d'une prophétie auto-réalisatrice qui se
réalise parce qu'une ou plusieurs personnes croient qu'elle doit se
réaliser. C'est aussi une utopie dans la mesure où l'innovation
« ne se voit pas et ne s'attrape jamais ». Elle ne
se caractérise seulement matériellement que par des produits ou
des services que nous pouvons qualifier d'innovants.
Xavier Pavie aborde cette notion avec un esprit pragmatique et
souhaite qu'un consensus soit trouvé autour de sa définition. Il
considère l'approche de Joseph Schumpeter comme fondamentale. Les
concepts de l'économiste autrichien sont toujours valables mais doivent
être réadaptés aux réalités
économiques contemporaines.
L'innovation est aussi un mythe . « Il y a
tellement de forme dans l'innovation que l'objet même de l'innovation est
insaisissable » (Yvon Pesqueux). De plus, beaucoup d'entreprises
se prétendent innovantes mais finalement peu le sont réellement.
Yvon Pesqueux prend l'exemple de l'industrie pharmaceutique qui se vante
d'être l'une des plus productive en la matière mais qui en fait se
contente de racheter les start-up innovantes. C'est un avis partagé par
Xavier Pavie qui assimile cet engouement généralisé autour
de l'innovation à celui provoqué par les nouveaux
impératifs de développement durable.
Pour les deux auteurs, l'invention s'oppose à
l'innovation car cette dernière est destinée à être
introduite sur un marché. Mais elle n'est pas forcement synonyme de
succès ni d'une rencontre entre les attentes des consommateurs et
l'offre correspondante. Un point que réfutent les principaux consultants
interrogés sur la question. Pour Jean-Luc Strauss l'innovation est
« quelque chose de nouveau qui marche, ça n'est pas une
simple idée, c'est une idée qui marche ». C'est
donc le retour sur investissement qui détermine le succès et,
in fine, l'appellation d'innovation. Mathieu Dupas s'accorde sur ce
point en ajoutant que l'innovation est un pari sur l'avenir soulignant par la
même occasion sa dimension fondamentalement risquée. Chose que
nuance Ari Massoudi lorsqu'il précise que l'innovation radicale n'est
pas un processus risqué mais incertain.
Ainsi, l'innovation ne peut être qualifiée comme
telle qu'a posteriori.
Mathieu Dupas précise que les chances de succès
d'une entreprise sont proportionnelles à sa capacité à
commercialiser en permanence de nouvelles idées. Ceci,
indépendamment du secteur d'activité. La question du secteur
d'activité comme facteur de contingence95(*) a été longuement abordée avec
Jean-Luc Strauss, témoin de la passivité du milieu bancaire dans
ce domaine. Il justifie cette inertie par l'absence de brevets
réellement protecteurs et exerçables, la plus-value
engendrée grâce à une innovation est en conséquence
amoindrie. De plus, les lourdeurs réglementaires pesant sur ce secteur
étouffent les idées audacieuses et les innovations de rupture.
Ces paramètres externes expliquent donc la frilosité des banques
pour l'innovation. Nicolas Bougues, directeur technique à Axialys
rejoint ces observations et estime que certains marchés de l'entreprise
Axialys, considérés comme « matures et
saturés», ne sont pas propices à l'innovation.
La concurrence du secteur est vue par Xavier Pavie comme le
principal moteur impulsant l'innovation dans les entreprises :
« l'innovation n'existe pas en situation de monopole, si
Apple innove autant c'est grâce à HTC et
Androïde ».
L'environnement externe régit donc en partie du moins,
la structure d'une organisation et sa politique interne en ce qui concerne les
innovations. Mais la stabilité d'un marché et d'une situation de
monopole n'est jamais acquise ad vitam æternam et l'entreprise
doit pouvoir se prémunir de ces bouleversements. Cela nous conduit
à la notion d'entreprise innovante résultat d'une
stratégie d'innovation dite "totale".
Sur cette question Mathieu Dupas se positionne clairement en
faveur d'une stratégie d'innovation totale dans l'entreprise
« le risque c'est d'être trop ponctuel et de se couper de
toute la dynamique et de toutes les bonnes idées qui peuvent surgir tout
au long de l'année. Les idées et les portefeuilles de projets
s'alimentent de façon continu ». Il est également
persuadé que la mise en oeuvre d'une telle stratégie garantie
l'acquisition d'un avantage concurrentiel durable.
Nicolas Bougues se montre plus sceptique et estime au
contraire, que les phases d'innovations en entreprise correspondent à un
cycle de vie. Cette vision anthropomorphique de l'innovation nous amène
à penser qu'elle serait un processus unique. Or, l'innovation est
« afocale », c'est un processus qui peut
être redynamiser à l'infini, « et c'est d'ailleurs
le rêve de toutes les entreprises » (Yvon Pesqueux).
Cette stratégie d'innovation totale est sensée
donnée naissance à l'entreprise innovante. Concept que Ari
Massoudi décrit comme le résultat d'une entreprise capable de
commercialiser régulièrement de nouveaux biens et services
susceptibles de modifier les usages et les comportements. Valérie Giraud
la visualise comme une entité diamétralement ouverte vers
l'extérieur. Yvon Pesqueux précise néanmoins que ce type
d'entreprise n'est pas représentatif : « L'entreprise
innovante est avant tout une icone. l'intérêt c'est que c'est
significatif, la limite c'est que l'icone n'est pas représentative
».
Cette non-représentativité empêche toute
conceptualisation de l'entreprise innovante. Pourtant, une question
demeure : l'agrégation de leurs dénominateurs communs ne
constituerait-elle pas la recette de l'organisation idéale ?
Autour du design organisationnel
La notion d'organisation propice à l'innovation
a-t-elle un sens ? Si cette question peut rester en suspend, l'hypothèse
d'une organisation annihilant les comportement créatifs et, in
fine, l'innovation, semble toutefois avérée par
l'expérience.
L'absence de leader visionnaire est souvent cité par
les salariés interrogés comme l'un des principaux freins
organisationnels à l'innovation. Le dirigeant est pourtant, selon
Mathieu Dupas, l'unique, sinon le principal architecte du changement dans
l'entreprise. Il doit être capable d'insuffler un esprit de
créativité et doit nourrir le processus d'innovation, de
façon continue.
C'est à ce stade qu'intervient la culture d'entreprise,
déjà abordé dans le corpus théorique, que Mathieu
Dupas considère comme évolutive : « elle doit
être capable de s'adapter aux évolutions du marché et aux
nouveaux impératifs économique ». Pourtant, les
barrières culturelles à l'innovation existent et sont nombreuses,
notamment dans le secteur bancaire qui se montre très
précautionneux à l'égard de tout changement
organisationnel. Une culture conservatrice qui baigne néanmoins dans un
univers où les prises de risques et les paris incertains sont
légions : « un paradoxe bancaire »
selon Jean-Luc Strauss. Pour Yvon Pesqueux la culture du risque dans
l'innovation est une tautologie.
Jean-Luc Strauss estime par ailleurs que les logiques
court-termistes (publication de résultats semestriels qui doivent
absolument être positifs) ancrées dans la culture bancaire
inhibent la démarche, par nature aléatoire, de l'innovation.
Un point sur lequel s'accorde Bruno Iules, cadre administratif
à Axialys depuis presque huit ans, qui y déplore une ligne
stratégique « à géométrie
variable » fluctuant au gré des « humeurs,
des rencontres et des caprices du président ». Il relate
également la présence d'un « phénomène de
cour » qui selon lui, nuit à l'épanouissement
d'idées nouvelles au sein de l'organisation. Ainsi, « une
personne très compétente dans le cadre de ses fonctions mais qui
n'est pas en odeur de sainteté auprès de la direction ne sera pas
écoutée ». Cette opacité dans la prise de
décision est reprise par Valérie Giraud pour décrire le
processus chronophage de validation des projets de R&D à Orange.
Autant de freins qui vont généralement de pair avec une
bureaucratie rigide et une hiérarchie verticaliste alimentée par
des intérêts carriéristes (Ari Massoudi).
Xavier Pavie met quant à lui en garde contre l'un des
vices des organisations françaises qui consiste à désigner
une personne dédiée à l'innovation (un poste de directeur
de l'innovation par exemple), conduisant inévitablement à un
isoler cette fonction et à entraîner par la même occasion
des systèmes de résistances au sein de l'organisation.
Un cloisonnement des services que dit regretter Valérie
Giraud admettant ne pas avoir connaissance de qui se passe hors de son
département : « il y a aussi un manque de
traçabilité. Les idées proposée par notre
équipe sont digérées par le manager et sont ensuite
réutilisées mais nous ne savons pas comment ».
Une faible responsabilisation qui est, selon Bruno Iules, source de frustration
et de démobilisation. Ainsi, plutôt que de proposer une innovation
au profit de l'entreprise, Sébastien Dominer, ingénieur à
Axialys, choisirait de monter sa propre structure afin de la commercialiser
sous sa propre gouvernance.
C'est cet aspect schumpétérien de l'innovation
qui a donné naissance à l'extrapreneuriat et au venture-groupe.
Ari Massoudi encourage la mise en place de ces dispositifs qui permettent aux
entreprises de se diversifier et de développer des innovations radicales
sans que celles-ci n'ébranlent les rouages organisationnels
traditionnels. Mathieu Dupas argumente en faveur d'une adoption
généralisée de ces nouvelles formes d'organisation car
« elles sont foncièrement bonnes pour
l'entreprise ». Selon Xavier Pavie, tout doit être fait
pour garantir l'harmonie de l'ensemble de la structure (il utilise à ce
propos la métaphore symbolique d'un jardin japonais).
L'organisation ambidextre va dans ce sens. Yvon Pesqueux
rappelle cependant qu'un design organisationnel construit pour transformer la
logique innovante en routine est contradictoire avec l'idée même
d'innovation qui est, par essence, transgressive. Ce design organisationnel a
donc pour objectif de conduire à une transgression mais à une
transgression « sage et apaisée ». C'est
donc une forme organisationnel tout à fait adaptée aux
innovations incrémentales.
L'accumulation et la capitalisation des connaissances jouent
un rôle majeur dans une démarche d'innovation totale. Yvon
Pesqueux précise que l'organisation innovante est une organisation
apprenante, mais que « l'inverse n'est pas forcement
vrai ». La gestion des connaissances peut s'opérer via
des outils informatique spécifiques. Les consultants interrogés
tiennent des positions très claires sur cette question. Pour Ari
Massoudi, « le système d'information est une condition
indispensable mais pas suffisante ». Jean-Luc Strauss estime que
les TIC ont certes démocratisé l'accès à
l'information mais que le relationnel reste primordial et ne saurait être
remplacé par un SI, aussi puissant soit-il. Mathieu Dupas
renchérit cette idée en déclarant que le SI vient avant
tout épauler le management de l'innovation, « il constitue
un élément centralisateur d'information et facilite la
circulation et la canalisation des idées ». Enfin, le SI
est couplé à un univers d'interprétation. Et au final,
c'est toujours l'humain qui traduit l'information et décide de s'en
inspirer pour innover. (Yvon Pesqueux).
Autour du management de la
créativité
Les velléités d'innovation participative ne
rencontrent que trop rarement l'aval spontané de la direction (Mathieu
Dupas). Elles s'évanouissent le plus souvent dans les méandres
d'une organisation conservatrice peu enclin au changement. La forme la plus
courante, et pourtant la moins aboutie, de l'innovation participative est
surement la boite à idée.
Elle prend la forme, à Axialys, d'une boite à
idée virtuelle que les collaborateurs peuvent agrémenter par des
idées ou des proposition d'améliorations « de
préférence en argumentant sur les bénéfices
potentiels » (Nicolas Bougues). Le département marketing
est chargé du dépouillement et de la sélection des
idées pertinentes. Mais comme l'indique Nicolas Bougues,
« dans les faits, personne ne se dévoue pour les trier et
de toute façon, la boite à idée est souvent
vide ».
Or, les fondement de l'innovation participative ne reposent
pas sur la collecte mais sur l'éclosion et l'émergence
d'idées novatrices qu'un management spécifique doit pouvoir
faciliter (Mathieu Dupas). Et Jean-Luc Strauss ajoute
que « tout le monde doit participer au changement, il faut
impliquer les salariés, sinon ils seront source de
résistance ».
Dés lors, le rôle du manager est de créer
un climat favorable à l'anticonformisme et à l'incubation
d'idées nouvelles. Le soutien managérial est donc primordial et
va dans ce sens : « l'innovateur est un être fragile
qui a besoin d'être soutenu, il craint le changement autant qu'il le
souhaite ». Une schizophrénie qui peut être
tempérée par l'introduction d'un climat de confiance et de
dialogue (Jean-Luc Strauss). Une nécessité pour Xavier Pavie qui
déclare que « donner une idée, c'est donner une
part de nous même ».
Pour Mathieu Dupas, l'implication des salariés sur le
long terme est une condition sine qua non de la réussite d'un
projet d'innovation participative. Un point qu'approuve Nicolas Bougues tout en
précisant que certains salariés de Axialys se plaisent
« dans le statu quo et ne veulent pas que leur petit monde
bouge ».
La diversité culturelle et ethnique est aussi souvent
mentionnée comme un facteur de créativité. Valérie
Giraud, Mathieu Dupas de même que Jean-Luc Strauss, sont convaincus que
l'innovation se nourrit de la diversité des apports cognitifs. Les
chercheurs Yvon Pesqueux et Xavier Pavie nuance cette observation. Le premier
cite le contre-exemple de Alexander Fleming, qui découvrit la
pénicilline en 1928 au sein d'un univers de travail totalement
homogène. Il n'y a donc pas de relation de cause à effet. Le
second évoque les travaux de Fabrice Caverretta96(*) qui, au travers d'une courbe
mathématique, démontre que trop de diversité "tue"
l'innovation. Un argument partagé par Ari Massoudi :
« la meilleure équipe du monde, sans un ciment commun, ne
peut réussir ».
Enfin, Valérie Giraud loue une plus grande
responsabilisation des salariés, un gage d'autonomie qui selon elle,
serait à la fois synonyme de confiance et d'implication du
salarié.
Bilan
Cette étude qualitative, débutée le 23
juin et achevée le 18 août 2010, nous a permis de recueillir des
avis variés et riche de cette diversité. Les entretiens duraient
en moyenne trois-quarts d'heure ce qui laissait suffisamment de temps pour
développer et approfondir les réponses.
Au vu des hypothèse présentées et des
réponses obtenues, il apparait que l'innovation est un objet
insaisissable, une aventure périlleuse et un impératif
économique qu'une organisation et un management ne peuvent que
difficilement appréhender. Une stratégie d'entreprise innovante
apparait néanmoins comme la meilleur moyen d'obtenir un avantage
concurrentiel durable sur certains secteurs très compétitifs et
mouvants.
La recette de l'organisation idéale et universelle peut
sembler utopique mais de véritables consensus sont trouvés autour
des freins organisationnels à l'innovation. Pour autant, la
réponse appropriée ne réside pas forcement dans la
transposition de bonnes pratiques d'une entreprise à une autre. Les
facteurs de contingences et la culture d'entreprise détermine aussi sa
capacité à innover. Et, pour être efficace une
stratégie d'innovation doit être le fait du dirigeant principal
qui impulse sa mise en oeuvre.
Les logiques structuralistes en matière d'encapsulation
des comportements créatifs semblent avérées et se
vérifient notamment au travers des réponses apportées par
les salariés.
Le rôle du manager opérationnel est crucial. Il
est le garant de l'harmonie organisationnel et doit à la fois favoriser
l'éclosion et à la sélection des idées nouvelles.
L'innovation participative connait un engouement croissant mais son application
réelle demeure encore parcellaire.
Enfin, l'exemple de Google nous montre que la
génération d'idées nouvelles doit être
canalisée via un SI efficace qui facilite l'agencement des projets
d'innovation et leur coordination au niveau global.
* 94 Bruno Iules et
Sébastien Dominer ont souhaité garder l'anonymat afin de jouir
d'une plus grande liberté de parole.
* 95 Les facteurs de
contingence désignent l'ensemble des variables qui influencent la
structure d'une organisation.
* 96 Professeur assistant au
département Management de l'ESSEC (site internet :
www.cavarretta.com).
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