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Management de l'innovation - holisme organisationnel

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par Jérémy Gain
NEGOCIA CCIP - Master 2 2010
  

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IV Les facteurs organisationnels conditionnant l'émergence des innovations

L'étude de la théorie des organisations nous a permis de mieux intégrer le champ conceptuel gravitant autour du management de l'innovation. Son caractère indéniablement théorique permet d'engager une réflexion globale sans pourtant parvenir à décrypter la "boite noire"44(*) de l'innovation au niveau de l'organisation.

Malgré les nombreuses tentatives de modélisation dont a fait l'objet ce processus, il demeure encore drapé d'un flou conceptuel qui en limite sa compréhension pratique. Ainsi, le modèle de la boite noire, présenté ci-dessous, transcrit métaphoriquement les difficultés régnant autour de sa spécification.

Figure 8 : Le modèle de la boîte noire: l'innovation comme résultat (Chouteau, 2007)

C'est au milieu des années 1950 que naquit le modèle linéaire et hiérarchique qui formula pour la première fois l'hypothèse que l'innovation n'était pas seulement un résultat mais aussi et surtout un processus. Les étapes de ce processus étaient alors considérées comme prévisibles. Cette approche se base donc sur l'hypothèse que l'innovation est un processus linéaire démarrant par la découverte scientifique, passant à travers les étapes de la recherche et développement pour terminer sur une phase de commercialisation.

Figure 9 : Le modèle linéaire de l'innovation (Schuetze & Gibson, 1998)

Ce modèle incitera de nombreuses entreprises à augmenter leurs dépenses en R&D  dans les années 1980. Il est aujourd'hui marginalisé car ne rendant pas compte de la complexité de ce phénomène protéiforme. Ce modèle ne laisse en effet, aucune place aux "feeds back" c'est-à-dire aux éventuels retours entre une étape et une autre. De plus, en lui conférant un caractère essentiellement processuel, l'innovation se transforme en une succession d'étapes rigides et mécanistes excluant ainsi toute improvisation.

C'est en réaction à ces critiques que Kline et Rosenberg (1986) ont proposé un nouveau modèle reconnaissant la nature multidimensionnelle de l'innovation en incorporant les rétroactions sur chacune des étapes du processus.

Figure 10 : Le modèle de la chaîne interconnectée (Kline & Rosenberg, 1986)

L'innovation et le changement technique deviennent pour les deux auteurs des processus interactifs (certaines innovations peuvent impacter la recherche scientifique et sa dynamique. Les relations ne sont plus seulement unilatérales). D'autre part, la science n'est plus l'unique élément centralisateur des connaissances pour l'entreprise. Enfin, ce modèle souligne le rôle prépondérant qu'occupe l'étape de conception dans le processus d'innovation. Elle est « l'épine dorsale du modèle » (Forest, 1999). Ce processus de conception se divise en cinq étapes :

1. L'invention et la conception analytique.

2. La conception détaillée et les essais.

3. La conception finale.

4. La production.

5. La mise sur le marché de l'innovation.

En plaçant, le processus de conception au centre du processus d'innovation, les deux auteurs veulent insister sur la dimension organisationnelle de l'innovation et «refusent  toute puissance de la science sur le fait innovatif » (Chouteau & Viévard, 2007).

Nous allons suivre cette logique et démarrer un voyage au coeur de l'anatomie des organisations innovantes afin de comprendre la taxonomie des organisations innovantes et de déterminer quels sont leurs dénominateurs communs.

A. Impulser une vision stratégique et une culture de l'innovation

S'il existe un facteur apparent et commun aux organisations innovantes, c'est bien celui de la vision stratégique. Pour Peter Senge (1991) professeur au MIT Sloan45(*) et auteur de la "La cinquième discipline", la vision corporative est le socle solide d'une entreprise qui prédétermine sa réussite. Elle est une image concrète du futur désiré et sert à décrire un état de fait précis qui a une validité dans le temps. Son énoncé doit pouvoir susciter un effet inspirateur et mobilisateur auprès des individus. La formulation de la vision permet de construire une cohésion globale qui ne peut être négligée dans le cadre du management de l'innovation.

L'exemple d'Apple est à ce titre, riche en enseignements. La firme américaine fut érigée en 1976 dans un garage de Cupertino46(*). La vision de ses deux fondateurs, Steve Jobs et Steve Wozniak, était de créer des ordinateurs accessibles à tous. Cela se traduisit par l'énoncé suivant : «The Computer for the rest of us » (1984). Ce slogan visionnaire est par la suite devenu « Think Different » (1997-2002). Il convient de rappeler qu'à cette époque l'ordinateur personnel ne représentait qu'un marché de niche47(*) aux perspectives de croissances inconnues. Cette vision ambitieuse et audacieuse, conféra à l'entreprise une identité propre qui fut un élément d'attraction pour bon nombre d'employés d'entreprises concurrentes (Moritz, 1984). Avoir une vision stratégique est donc extrêmement important pour conduire une entreprise et ses salariés vers la réalisation d'objectifs ancrés sur le long-terme. De plus, la vision stratégique peut participer à l'éclosion d'une culture d'entreprise propice à l'innovation.

La notion de "culture d'entreprise" serait apparue en Angleterre, puis en Allemagne au début du XIXe siècle (Coze & Potin, 2006). D'abord fortement imprégnée des pratiques paternalistes alors en vogue dans les usines tayloriennes, elle a ensuite évolué en réaction à ce modèle s'attachant à replacer l'individu émancipé au centre de la structure. Et c'est finalement à partir des années 1980 que cette expression s'est imposée sur les bases des modèles de réussites des entreprises japonaises et américaines. La culture d'entreprise est aujourd'hui un instrument stratégique largement répandu bien qu'étant souvent regardée sans réel discernement (Massiera, 2006).

Le concept de culture se définit de façon multiple selon les disciplines auxquelles il est rattaché. Ethnologues, anthropologues, sociologues et psychosociologues en font un usage singulier et cette dimension universelle contribue à en brouiller sa signification (Tylor, 1876).

Théodore Dobzhansky (1966), biologiste et généticien ukrainien, souligne l'idée selon laquelle la culture est une composition sociale construite en dichotomie avec la base naturelle d'un environnement figé.

« De cette opposition, la culture apparaît comme un effort pour produire autre chose que la forme donnée immédiatement. [...] La culture d'entreprise est représentée par les différentes individualités du personnel qui élabore et construit en commun, au fils du temps et des événements qui surviennent dans l'entreprise, une culture perceptible au travers de ses us et coutumes » (Massiera, 2006).

Quel serait donc le lien entre culture d'entreprise et innovation ?

Rajesh Chandy (2009), chercheur en marketing à la London Business School, la considère comme « le facteur de conduite de l'innovation le plus important ». En effet, son caractère communautaire (valeurs généralisées et partagées par l'ensemble de la structure) suscite de la part des acteurs de l'organisation une implication proportionnelle à la force identitaire de la culture d'entreprise.

L'auteur ajoute que le lieu d'ancrage géographique de l'entreprise n'est pas un facteur décisif de la capacité et de la facilité d'innovation. Selon lui : « le hub de l'innovation n'est pas dans le pays, il est au sein même de la société ».

Pour façonner cette culture d'innovation, l'une des étapes essentielles consiste à développer une attitude favorable à la prise de risque. La logique d'innovation implique il est vrai, une grande part d'incertitude. Ce manque de visibilité et ses conséquences sur la rentabilité financière de l'entreprise peuvent inhiber les acteurs au changement. Cette observation est partagée par Edwin Catmull (2008) qui rappelle que le rôle du dirigeant n'est pas d'empêcher le risque mais d'établir une organisation capable de se reconstruire lorsque les échecs surviennent. Il souligne ainsi la dimension fatalement risquée de l'innovation qu'il serait vain de vouloir annuler. De même James Dyson (2005), inventeur de la marque d'aspirateur éponyme48(*), analyse : « si vous voulez découvrir quelque chose que les autres n'ont pas encore fait, cela suppose de faire les choses mal et d'observer en quoi ces ratés vous conduisent à voir la question de manière complètement différente de vos prédécesseurs ». Une forte tolérance à l'égard de l'échec est donc jugée primordiale à la conduite du management de l'innovation.

Philippe Lorino (1998) estime que cette tolérance doit se traduire par une valorisation du long terme (c'est-à-dire un horizon décisionnel et une stratégie orientés vers le long terme).

Les travaux de l'auteur français soulignent par ailleurs qu'une culture propice au changement est une condition sine qua non pour capitaliser les réels potentiels d'innovation présents dans un groupe. Cette culture peut déboucher sur une «organisation agile" (Badot, 1998) apte à anticiper son avenir et à s'adapter rapidement lorsqu'une rupture survient (Hurley & Hult, 1998). Il faut néanmoins souligner que cette flexibilité de l'organisation s'articule généralement à contre-courant des contraintes de prédictibilité imposées par le " réseau de valeur" de l'entreprise (constitué par les actionnaires, marchés financiers, clients, etc.). Toute entreprise tend donc à instaurer des systèmes institutionnels formalisés favorisant la pérennité de la structure. Mais le développement de ces routines organisationnelles, bien que garantissant la création de valeur sur le court et moyen terme, est également un facteur d'inertie qui peut, à terme, contribuer à fragiliser l'entreprise. Clayton Christensen conclut dans son ouvrage "The innovator's dilemma" (1997) que si les firmes échouent c'est en fait parce qu'elles sont gérées avec trop de rationalité et de prédictibilité.

« Un processus donne la capacité d'exécuter une tâche, il définit aussi des inaptitudes à en réaliser d'autres » (Christensen & Overdorf, 2000).

L'exemple de Kodak est à ce titre symptomatique : établie en 1892, la firme américaine fut la première à produire un appareil photo argentique destiné au grand public. Fort de ce succès, Kodak débuta son internationalisation et s'installa peu à peu en tant que chef de file mondial du secteur. L'entreprise améliora son produit phare au gré des progrès technologiques mais ne mesura pas avec discernement la menace venue des appareils numériques et notamment l'arrivée de la marque japonaise Sony qui provoqua dés 1981 une révolution sur ce marché et renversa Kodak de sa position de leader (Sauteron, 2009).

Figure 11 : Le dilemme de l'innovateur (Christensen, 1997).

Le schéma ci-dessus, reprend le dilemme auquel furent confrontés les managers de Kodak qui ont finalement décidé de privilégier ce qu'ils estimaient quantifiable et certain au détriment d'un changement audacieux de leur modèle économique.

Il ne suffit pourtant pas d'adopter une démarche organisationnelle favorable au changement, il faut aussi pouvoir l'anticiper.

B. Accroître la capacité d'absorption de l'entreprise

La survie d'une entreprise est facilitée lorsqu'il existe une fonction de surveillance de son environnement. En effet, anticiper les évolutions du contexte social, technologique ou économique lui permet de disposer de davantage de temps pour structurer efficacement sa stratégie.

Cette activité de vigie49(*) couvre un large spectre d'informations recueillies, traitées puis diffusées en interne (Boly, 2004) :

- données scientifiques,

- évolution des marchés et de l'économie,

- évolution culturelle,

- évolution des méthodologies de conduite de projet et de gestion de la production,

- émergences de nouveaux procédés organisationnels.

Peter Drucker (1985) identifie quant à lui, quatre domaines d'opportunités pour l'entreprise :

- L'événement inattendu (qui a l'avantage d'être opportun car déconsidéré par la concurrence).

- L'incongruité (un décalage conséquent entre un résultat et une attente peut devenir une source d'innovation).

- Le mode de production (exigences d'un processus qui entraîne dans son sillage de nouveaux besoins et donc à fortiori de nouvelles sources d'innovations).

- L'évolution du secteur (un changement dans la structure d'un marché est une source considérable d'innovations).

La criticité de l'activité de détection et d'appropriation des opportunités externes est aussi citée dans les travaux de Wesley Cohen et Daniel Levinthal (1990). Les auteurs postulent que pour assimiler les informations pertinentes de son environnement l'organisation doit d'abord détenir un substantiel capital de connaissances lui permettant de rendre intelligibles les données collectées.

Michel Fiol (1996) va même jusqu'à faire l'analogie entre l'entreprise et une éponge. Estimant que comme une éponge, plus l'organisation absorbe d'informations plus elle est capable de l'essorer et ainsi de la diffuser via les canaux prévus à cet effet.

Figure 12 :

Capacité d'absorption de l'entreprise (Cohen & Levinthal, 1990).

La capacité d'absorption permet donc d'additionner les connaissances produites par les concurrents hors-industrie aux savoirs et découvertes du département R&D. Elle favorise ainsi le développement du savoir technique de l'ensemble de la structure.

L'accent est en outre mis sur les "experts traducteurs"50(*), qui de par leurs relations informelles avec le monde scientifique et leur capital de connaissances accumulées, peuvent interpréter et propager avec une plus grande réactivité les signaux-faibles51(*) (Ansoff, 1975) annonciateurs de changement futurs. De façon plus pragmatique, Vincent Boly (2004) argumente en faveur d'une démocratisation de l'activité de veille. Chacun des acteurs doit pouvoir de façon autonome collecter l'information propre à son domaine d'intervention avant que celle-ci ne soit centralisée par la direction, via un outil intranet52(*) par exemple.

Cette activité de veille peut donner lieu à l'écriture de scenarii, véritables routes artificielles, qui vont modeler la stratégie de l'entreprise. Gill Ringland (2006) cite plusieurs exemples d'entreprises recourant à ces outils de prédictions : Shell, Electrolux, Digital Equipment, etc.

Toutefois et même s'ils facilitent l'exploration de chemins potentiels, ces scenarii sont fastidieux à concevoir et s'accommodent mal à des environnements instables.

Enfin, il est à noter que l'accumulation de ce savoir-faire pose la problématique complexe du management des connaissances53(*). Nous distinguons généralement les connaissances tangibles (contenues dans les bases de données de l'entreprise et dans tous ses écrits) des connaissances tacites (composées des connaissances théoriques, du savoir-faire et des compétences professionnelles de l'ensemble des salariés, faisant ainsi références au capital immatériel de l'entreprise).

La bonne gestion de ce capital influence positivement les performances de l'entreprise et sa capacité d'innovation (Nonaka, 1994). En outre, l'argument principal de l'auteur est que le processus d'innovation intervient grâce à un dialogue continu entre savoir tacite et savoir explicite. L'objectif fondamental du management des connaissances est donc d'augmenter la valeur du capital immatériel de l'entreprise afin d'agencer un transfert des compétences humaines en capital incorporé et imbriqué dans la structure de l'entreprise.

Figure 13 : La base de données des connaissances de l'entreprise (Twiss, 1992).

Nous considérons que le management des connaissances constitue la matière grise de l'entreprise mais que pour être réellement vectrice d'innovations, elle doit être irriguée par une communication interne efficace.

C. Développer la communication interne

Dans une enquête comparative menée par Alejandro Balbontin et ses collègues (1999), la communication interne est formellement identifiée comme un élément-clé dans le processus d'innovation. La fluidité des communications transversales entre les départements et l'aptitude à coordonner l'activité des différentes branches d'une structure sont considérées par ces auteurs comme des appuis incontestables pour l'innovation.

C'est un point sur lequel Frederick Betz (2003) porte son attention en ajoutant que les délais sont primordiaux au bon déroulement du développement d'une innovation, car chaque entité est liée à une autre, et le retard d'une entité peut affecter de façon cumulative le processus dans son ensemble. En conséquences, l'organisation doit savoir stimuler la coordination des activités des départements en même temps qu'elle facilite la diffusion d'un flux constant d'information au sein de l'entreprise.

Ces impératifs de coordination et de communication doivent être menés parallèlement de façon verticale et horizontale. La direction verticale assure la liaison et l'harmonisation des exigences stratégiques avec la créativité spécifique à chaque individu. Également très importante, la direction horizontale permet de fluidifier le processus de développement et de générer de nouvelles idées (Twiss, 2003).

Figure 14 : Régulation de la communication interne.

Le graphique présenté ci-dessus rappelle que la communication tout en étant généralisée doit demeurer maîtrisée et diversifiée. Par ailleurs, Philippe Lorino (1998) rejoint quelque peu la théorie des traductions, en émettant l'idée que : « la diversité des apports culturels est une source de fertilisation croisée [...] donc de l'innovation ».

Les travaux menés sur la diversité ethniques s'accordent sur leurs bienfaits dans le cadre d'une démarche d'innovation totale (Cox & Blake, 1991). Une analyse partagée par Rosabeth Moss Kanter (1968) qui fait l'apologie de la diversité dans les organisations en se basant sur la métaphore d'un kaléidoscope autorisant un nombre infini de combinaisons (génératrices d'idées) dans un espace clos (la structure interne). De plus, pour donner pleine mesure au développement des processus innovants, la hiérarchie doit adopter une posture bienveillante à l'égard des idées nouvelles.

L'importance du soutien managérial et décisionnel pour l'incubation d'une culture d'innovateurs est un facteur clé de succès qui est cité dans les analyses de Norman Kaplan (1960). L'innovation et l'incertitude sont analogues, et tout individu porteur d'idées ressent un besoin de sécurité important car ses idées, souvent vues comme risquées, demeurent fragiles jusqu'à leur réalisation. Pourtant, les situations perturbatrices favorisent le développement des germes de l'innovation. Cette problématique divise toujours les experts qui oscillent entre ces deux paradoxes.

William McKnight, président de 3M de 1949 à 1966, déclarait à ce propos : « L'innovation nécessite de déléguer des responsabilités et de stimuler la prise d'initiatives. Ceci réclame de la tolérance. Si vous déléguez à des gens compétents, ils vont faire les choses à leur façon. Ceci est toujours possible si l'on respecte le sens général du développement de l'entreprise. Les intéressés feront des erreurs mais celles-ci seront beaucoup moins dramatiques que les erreurs de management, notamment si les pratiques sont dictatoriales. Le management peut être critique et destructeur, et par voie de conséquences stopper toutes initiatives. Or, l'innovation c'est l'initiative. » (Boly, 2004).

D. Mettre en place un système d'information global

Comme il a été précédemment décrit, le traitement de l'information est crucial pour l'instrumentalisation de l'innovation au niveau organisationnel, que ce soit l'information d'origine externe à l'entreprise (détection au plus tôt d'un changement dans les modes de consommation alimentaire par exemple) ou interne (analyse des écarts de délais sur un projet d'innovations). Par conséquent, la maîtrise du système d'information est un facteur clé de succès pour les projets d'innovation.

Un système d'information (SI) représente l'ensemble des éléments participant à la gestion, au traitement, au transport et à la diffusion de l'information au sein de l'organisation (Delmond & al. 2008). Il permet lorsqu'il est généralisé à toute la structure :

- L'identification, le traitement et la diffusion de l'information utile,

- La capitalisation des savoirs et savoir-faire (management des connaissances),

- L'utilisation des outils de communication, coopération et coordination comme facteurs de succès des projets.

Un SI remplit quatre grandes fonctions de base : acquérir, traiter, stocker et communiquer.

Toutefois, comme le rappelle Mélissa Saadoun (2000) : « la raison d'être d'un système d'information, c'est l'accès au bon moment, à la bonne information, obtenu par l'harmonie entre les trois sous-systèmes suivants : le sous-système organisationnel (qui met en interaction les hommes, les métiers, les processus et les structures de l'entreprise), le sous-système applicatif (qui comprend toutes les applications existantes de gestion et de production ainsi que les applications bureautiques), le sous-système informatique (qui comprend toutes les infrastructures techniques, des réseaux aux normes, en passant par les ordinateurs)  ».

Ce système doit donc être profitable aux membres de l'organisation. Il doit pouvoir mettre en interaction les acteurs et les métiers de l'innovation, dans le cadre des structures et des processus inhérents aux développements de nouveaux produits ou services.

L'article "Teaming Up to Crack Innovation and Enterprise Integration" publié en 2008 dans la Harvard Business Review, fait en quelque sorte le parallèle avec le système d'information précédemment décrit et révèle la difficulté rencontrée par les entreprises, non pas pour générer de nouvelles idées, mais plutôt pour les identifier, les mettre à profit et leur allouer des ressources afin de les développer au mieux.

Les auteurs préconisent de fournir à la direction des systèmes d'informations (DSI) les outils permettant une articulation entre le local et le global. Il est également question de faire interagir des acteurs situés dans et hors des frontières de l'organisation. Marjolaine de Ramecourt et François-Marie Pons (2001) voit dans l'Intranet l'instrument idéal permettant d'atteindre ce but.

Figure 15 : Le tableau de bord du DSI (Centre d'expertise des progiciels54(*)).

Ces outils permettent aussi de libérer les individus de tâches mécaniques et répétitives qui auparavant, leur incombaient. La disparition de ces tâches à faible valeur ajoutée est en plus un gage d'autonomie pour les salariés qui pourront dés lors se voir confier des activités faisant appel à l'intelligence créative plus qu'à la simple capacité mécanique (Pons & Ramecourt, 2001).

L'information partagée, mise à jour en temps réel et accessible à tous permet de faire circuler des idées d'un point à un autre de la structure étendue55(*) ce qui facilite grandement le travail des équipes de projets dispersées en leur évitant par exemple, de répéter les mêmes erreurs ou de buter sur des problèmes déjà résolus (pour ne pas avoir à "réinventer la roue"). De plus James Gardner March et Herbert Simon (1965) déclarent à propos de l'utilité du partage du système d'information : « l'attribution des ressources aux nouveaux programmes (d'innovation) dépendra très largement du réseau de communication à travers lequel les propositions vont des entrepreneurs aux investisseurs ».

Cependant, Stefan Thomke (2001) attire notre attention sur le fait que ces technologies sont des ressources complexes et difficiles à appréhender pour les non-initiés. Le temps d'apprentissage peut être long et le risque d'une sous utilisation (phénomène de l'usine à gaz56(*)) ou d'une utilisation chronophage de ces technologies est bien réel.

Nonobstant ces contraintes, l'intégration de ce dispositif reste une étape essentielle sur le chemin ardu du management de l'innovation. Son utilisation généralisée alimente un immense cerveau collectif (notion de mémorisation et d'organisation apprenante) au service l'entreprise innovante. Les TIC permettent aussi permettre aux entreprises d'expérimenter leurs produits avant de les lancer sur le marché (via la simulation sur ordinateur par exemple).

Enfin nous mentionnerons pour conclure un panel non-exhaustif d'outils informatiques d'aide à la démarche d'innovation :

- Le QFD ("Quality Function Deployment") qui vise la traduction la plus fidèle possible des besoins du client sous forme de spécifications produits et procédés. Son intérêt principal réside dans une préparation minutieuse effectuée en amont de la conception du produit. Cela permet d'éviter les ajustements post-conception (Terninko & al. 1998).

- La méthode TRIZ déjà abordée dans le chapitre précédent, est l'oeuvre d'un ingénieur et scientifique russe du nom de Genrich Altshuller. Ce système part du principe que chaque innovation repose sur un compromis (ou "déséquilibre"). Le programme va donc explorer, à la demande de l'utilisateur confronté à un paradoxe (par exemple : fabriquer du beurre sans matière grasse), une série de solutions déjà éprouvées par le passé. Cette méthode permet de briser ce qu'Altshuller appel "l'inertie psychologique". Elle renforce ainsi la créativité des acteurs de l'innovation (Boly, 2004). Son champ d'application étant très large elle sera une nouvelle fois traitée dans le chapitre suivant.

- La méthode Taguchi57(*) se focalise sur la satisfaction du consommateur final. Taguchi estime que la satisfaction du client décroit à mesure que le produit conçu se détourne de ses objectifs initiaux en matière d'usage et de qualité. Cette méthode tend donc à prévenir toute déviation dépassant l'élasticité et la marge de manoeuvre déterminée par le client (Terninko & al. 1998).

Bien plus qu'une simple boite à outil, ces trois instruments ont une force synergique qui ne doit pas être sous-estimée dans une démarche d'innovation.

* 44 La boite noire est un terme inventé à l'origine par Ronald H. Coase, qui désigne un processus linéaire reliant, d'une part l'invention et, d'autre part, l'innovation. Elle est d'inspiration schumpetérienne.

* 45 En français Institut de technologie du Massachusetts. C'est une institution de recherche et une université américaine, spécialisée dans les domaines de la science et de la technologie.

* 46 Cupertino est une ville américaine de Californie dans le comté de Santa Clara au sein de la Silicon Valley.

* 47 Le premier ordinateur personnel fut commercialisé en 1975 sous le nom l'Altair 8800.

* 48 Dyson est une société d'électroménager design britannique, fondée et présidée par James Dyson. Cette société est devenue célèbre grâce à ses aspirateurs à séparation cyclonique, sans sac et sans perte d'aspiration.

* 49 Ce terme englobe la veille technologique, la veille méthodologique et managériale et l'intelligence économique.

* 50 Traduit de l'anglais "gatekeeper" ainsi retranscrit dans le texte orignal (cf. Cohen & Levinthal, 1990).

* 51 Des informations qui laissent à penser que pourrait s'amorcer dans l'environnement de l'entreprise des événements susceptibles d'avoir un impact significatif sur son devenir.

* 52 L'intranet est un réseau informatique utilisé à l'intérieur d'une entreprise qui utilise les techniques de communication d'Internet.

* 53 Terme plus connu sous sa forme anglaise : "Knowledge Manageement", plus souvent prononcé "KM".

* 54 Le CXP a été créé en 1973, sous l'impulsion du Ministère de l'Industrie, par de grandes sociétés françaises : Air France, Bred, BSN (aujourd'hui Danone), Charbonnage de France, EDF, la RATP, la Société Générale afin d'aider les entreprises dans leurs choix de progiciels.

* 55 Une entreprise étendue (dite aussi « en réseau », ou « matricielle », ou « virtuelle ») est un ensemble d'entreprises et d'acteurs économiques associés pour la réalisation de projets communs.

* 56 Cette expression péjorative désigne généralement quelque chose de disproportionnée par rapport à son usage final. Ce terme tire son origine dans la comparaison faite avec une usine de fabrication du gaz de ville, d'aspect monstrueux, compliqué et incompréhensible pour beaucoup.

* 57 Gen'ichi Taguchi est un célèbre ingénieur et statisticien japonais inventeur de la méthode éponyme.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius