I.2. La
discrimination statistique
La discrimination statistique explique le comportement
discriminatoire de l'employeur en se reposant sur l'hypothèse
d'imperfection de l'information. Les entreprises ont une information
limitée sur les qualifications des candidats et sont alors
incitées à utiliser des caractéristiques facilement
observables, autrement dit des caractéristiques physiques pour
évaluer les productivités et les salaires. La discrimination est
alors fondée sur des jugements statistiques car les entreprises
considèrent que les caractéristiques physiques tel que la race,
le sexe sont en corrélation avec les performances.
I.2.1.
Fiabilité de l'information
Les employeurs disposent d'informations sur les candidats mais
il existe des différences dans la précision de l'information
entre les sexes pour évaluer les productivités individuelles.
Edmund Phelps émet cette hypothèse de base d'une
différence dans la qualité de l'information sur la
productivité fournie par chaque sexe. La discrimination sera alors
fondée sur des erreurs de mesure de la productivité. Les
employeurs basent leur décision d'embauche sur un signal
reflétant les compétences individuelles des salariés afin
d'obtenir de l'information sur la véritable productivité des
salariés. Bien que la productivité des hommes et des femmes soit
supposée identiques, les signaux de productivité eux, sont
supposés moins précis pour les femmes que pour les hommes. Ainsi,
une même valeur pour le signal est moins fiable à la vraie valeur
pour une femme que pour un homme. Les erreurs de mesure de la
productivité sont plus fréquentes chez les femmes donc, les
employeurs tiennent moins compte du signal de productivité lors de la
détermination des salaires féminins. Ainsi, pour un même
signal de productivité, les femmes ont une rémunération
inférieure à celle des hommes. Ce résultat conclut que
la structure salariale diffère entre les sexes mais est peu convaincant
dans l'explication de la présence et la persistance des écarts de
salaires hommes femmes.
Afin d'améliorer le résultat, il est par la
suite complété par deux principaux changements. D'une part, S.
Lundberg et R. Startz améliorent le résultat d'E. Phelps à
travers l'endogénéisation de l'investissement en capital humain
c'est-à-dire que les femmes sont moins incitées à suivre
une formation pour améliorer leur productivité puisqu'il y a une
discrimination initiale, et d'autre part, le résultat est
amélioré à travers l'intégration du concept
d'appariement, ce qui signifie que les employeurs qui ont plus mauvaise
perception des performances des femmes auront plus de mal à leur
proposer un emploi qui leur soit vraiment adapté.
S.Lundberg et R. Startz modélisent explicitement
comment les différences d'information influencent les décisions
d'investissement en formation des salariés, et cela en
considérant les salaires et l'investissement en capital humain comme
endogènes. Plus précisément, ils associent les concepts de
la théorie du capital humain et ceux du modèle de Phelps. Ainsi,
leur hypothèse est que la productivité d'un salarié dans
un emploi donné dépend de ses capacités innées qui
sont prédéterminées et de son niveau d'investissement en
capital humain. Les salariés décident alors d'investir ou non en
comparant les coûts de formation par rapport aux bénéfices
qu'elle apporte c'est-à-dire la perspective d'un salaire plus
élevé sur le marché. Les salariés vont alors
choisir leur niveau de formation tout en tenant compte de l'idée de
Phelps sur l'incertitude plus importante de la productivité des femmes
par rapport à celle des hommes, autrement dit que finalement les hommes
avec un fort signal vont être mieux payés que les femmes avec un
signal équivalent. Le coût d'amélioration par la formation
est alors le même pour les hommes et les femmes tandis que le
bénéfice attendu ne l'est pas. Les femmes seront alors moins
incitées que les hommes à investir en formation, ce qui se
traduit donc par une productivité moyenne des femmes plus faibles,
malgré des capacités innées identiques aux hommes. Les
salaires moyens des hommes et des femmes connaissent alors un écart.
S.Lundberg et R. Startz permettent donc de rendre les intuitions du
modèle de Phelps cohérentes avec les faits observés sur le
marché du travail.
L'intégration du concept d'appariement pour
améliorer le résultat de Phelps d'une structure salariale
différente entre les sexes a été faite par M.Rothschild et
J. Stiglitz. Ils obtiennent une discrimination de groupe en donnant une
fonction de production dans laquelle la productivité dépend de la
qualité de l'appariement. Les compétences des femmes sont moins
bien évaluées par les employeurs à cause du manque de
fiabilité de leurs signaux ; ainsi, elles ont moins de chances que
les hommes à'être véritablement bien appariées avec
leur emploi.
Par conséquent, leur productivité et leur
salaire sont en moyenne plus faibles.
Gerald Oettinger reprend l'idée de base en la
transposant dans un modèle dynamique. L'intérêt principal
de cette approche est de fournir un fondement théorique au creusement
des écarts de salaire hommes/femmes au fur et à mesure du
déroulement des carrières. Il montre qu'à l'entrée
sur le marché du travail, les hommes et les femmes devraient en moyenne
gagner les mêmes rémunérations mais qu'il apparaît
des écarts de salaires au fur et à mesure du déroulement
des carrières. En fait, les salariés se sélectionnent
eux-mêmes dans les meilleurs appariements possibles, par le jeu des
mobilités (le changement d'emplois). Mais plus les mesures des
productivités individuelles sont de bonne qualité, plus ce
processus de sélection a des chances d'être rentable en moyenne.
Dans ce contexte, les hommes qui ont des signaux plus fiables que les femmes
vont mieux tirer partie du jeu des mobilités en prenant des
décisions plus efficaces. En seconde période, ils vont gagner en
moyenne des rémunérations plus élevées que leurs
collègues féminines.
La fiabilité de l'information sur les
productivités des hommes et des femmes détermine donc la
situation des femmes sur le marché du travail. Comme leurs signaux sont
plus incertains que ceux des hommes, elles connaissent finalement des salaires
plus faibles.
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