I.1.3. Les travaux
économétriques
Gary Becker (1957) dit "It is his insight to observe that
finding a discriminatory effect of race or gender at a randomly selected firm
does not provide an accurate measure of the discrimination that takes place in
the market as a whole. At the level of the market, the causal effect of race is
defined by the marginal firm or set of firms with which the marginal minority
member deals. The impact of market discrimination is not determined by the most
discriminatory participants in the market, or even by the average level of
discrimination among firms, but rather by the level of discrimination at the
firms where ethnic minorities or women actually end up buying, working and
borrowing. It is at the margin that economic values are set." (Heckman)
La discrimination de marché représente donc la
distribution des coefficients de discrimination dans la population qui
déterminera l'écart de salaires de marché. Elle n'est pas
la moyenne des coefficients de discrimination des employeurs di.
Les écarts de salaires, sont omniprésents sur le
marché du travail, différents travaux visent à les
utiliser afin de repérer les discriminations sur le marché.
La mesure de base consiste en une équation dans
laquelle on explique le logarithme du salaire par différents facteurs
tels que l'éducation, l'expérience et différentes
variables muettes.
On pose :
Log wi =
ái+ â qualificationi + ã
sexi + åi
á, â et ã sont des valeurs de
paramètres à estimer et å représente une variable
aléatoire normale d'espérance nulle.
ã représente la valeur de la discrimination
à l'encontre des femmes si ã=1.
Il apparaît que cette méthode ne soit pas
très fiable :
· Variable muette valant 0 ou 1 pour le sexe, ce qui
n'est pas suffisant pour évaluer la discrimination sur le
marché.
· Le mode de formation des salaires est supposé le
même pour les deux sexes, chose irréelle.
En découle le choix d'utiliser la méthode
d'Oaxaca-Blinder (Oaxaca 1974-Blinder 1973).
Cette méthode estime séparément des
équations de salaires pour un groupe de référence et pour
d'autres groupes comparés au groupe de référence.
lnWi = âXi + åi
Où lnWi est le log naturel du salaire annuel brut
de i, Xi est le vecteur des variables pertinentes qui
influencent le salaire et â le vecteur des coefficients à
estimer.
ln Wm = ám + Xmâm
lnWf = áf + Xfâf
Sachant que la droite de régression des MCO passe par le
point moyen, on peut écrire :
ln Wm - ln Wf = ám - áf + âmXm -
âfXf
On obtient :
lnWm - lnWf = ám - áf + (âm-âf)Xf +
âm(Xm-Xf)
Avec partie expliquée : ám - áf +
(âm-âf)Xf
partie discriminatoire : âm(Xm-Xf)
Si on applique cette méthode aux
inégalités salariales en France, cela nous donne à capital
humain identique entre les 2 sexes d'un échantillon âgé
entre 30 et 45 ans, un résultat où les femmes obtiennent des
salaires inférieurs à celui des hommes. Pour l'ensemble des
salariés, à même nombre d'années d'études
identiques et expérience professionnelle réelle, les hommes ont
un salaire moyen supérieur de 27 % par rapport à celui des
femmes.
Mais étant donné la composition de la
méthode d'Oaxaca-Blinder, donc le fait que l'écart entre les
différents coefficients des variables soit celui qui donne la mesure de
la discrimination, pose le problème de la spécification et le
biais de sélection dans l'échantillon qui est dû au fait
qu'un taux plus faible de participation des femmes peut altérer les
coefficients associés aux femmes comme le présente Meurs et
Ponthieux (2000).
Après la correction du biais par Heckman (1976 ;
1979), l'écart inexpliqué reste de 4.2 %.
La mesure de la discrimination est sensible à la
précision avec laquelle sont mesurées les variables.
Selon l'exemple de Bayet (1996), Meurs et Ponthieux(2000),
mesurer l'expérience sans prendre en considération les
interruptions de travail telles que les congés de maternité ou
l'ancienneté, conduit à une sous évaluation de
l'expérience pour les femmes, ce qui est accroîtra la part de
l'écart de salaire dû à la discrimination.
Plusieurs économistes ont commencé par estimer
les équations de salaire seulement à partir des variables
individuelles. Mais cette estimation s'est révélée
inefficace car elle n'explique que la moitié de la variance des
salaires.
C'est pour cela que des variables d'emploi ont
été introduites pour augmenter le pouvoir explicatif des
équations de salaire, ce qui augmentait la part expliquée de
l'écart de salaire et ainsi réduisait la mesure de
discrimination.
Comme le prouve l'exemple d'Oaxaca (1973), l'écart de
salaire dû à la discrimination salariale passe de 77 % à 58
% lorsqu'il est mis en avance avec la CSP et le secteur d'activité.
Mais un problème se pose : ces différences
observées grâce à ces variables sont-elles celles
concernant la discrimination à l'embauche ou ne
représentent-elles que des différences de
productivité ?
Certains économistes, comme Thiry, choisissent de
bannir toute variable pouvant représenter des différences qui
sont le fruit de pratiques discriminatoires sur le marché du travail.
Cela suppose par exemple qu'on enlève la variable CSP de
l'équation de salaire. Une rentabilité plus faible de la part des
femmes peut alors soit, représenter une discrimination salariale soit,
pour des hommes et des femmes de même formation, une discrimination
à l'embauche. Elle peut aussi représenter un différentiel
de productivité non observé. Ce qui est mesuré n'est donc
plus très clair.
Dans la lignée de cette théorie, Sofer (1990)
supprime le taux de féminisation de la régression car elle
considère qu'elle capture en elle-même des comportements
discriminatoires. L'écart de salaire passe de 20.3 % à 17.8 %.
Il nous apparaît que la discrimination à
l'embauche est difficilement quantifiable et que la MOB ne la représente
pas. C'est pour cela que Brown, Moon et Zoloth (1980) l'ont remaniée
pour intégrer le fait que les femmes ont moins de chances d'obtenir des
postes hiérarchiques, ce que Bayet va démontrer sur un
échantillon homogène, indépendamment de
l'expérience professionnelle, qu'à formation égale les
femmes ont moins de chance d'occuper des postes importants.
Le peu de données ne pouvant permettre de mener cette
étude en France, la plupart des études se sont focalisées
sur la discrimination salariale. Une des plus récentes, celle de Meurs
et Ponthieux, montre sur un échantillon d'hommes et de femmes à
temps complet de l'enquête Jeunes et Carrière 1997, l'écart
entre les hommes et les femmes s'explique principalement par les
caractéristiques propres à chaque type (durée de travail
hebdomadaire, période d'inativité...). Après leur prise en
considération et en corrigeant le biais de sélection,
l'écart passe de 27 % à 5.4 %, et est interprété
comme étant de la discrimination salariale.
Les études économétriques se focalisent
sur la discrimination salariale qui se heurte aux problèmes de
spécificité des variables. Selon les variables choisies, les
résultats varient et donnent des estimations diverses de la
responsabilité de cette discrimination dans l'écart salarial.
Cependant toutes les études montrent que les femmes
subissent un écart de salaire comparativement aux hommes, dû en
partie à la discrimination salariale. Seule sa proportion reste
incertaine.
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