Le theme de la scolarisation en Afrique en
général et au Burkina Faso en particulier a été
abordé par plusieurs auteurs. Ils ont tenté non seulement de
donner une explication au phénomene de la sous scolarisation
constaté dans les écoles africaines de faQon
générale mais aussi aux stratégies sous-tendues par les
familles dans le processus de scolarisation de leurs enfants.
C'est ainsi que pour Francois ROUBAUD
(1992), les contraintes objectives que rencontrent les ménages pour
scolariser leurs enfants sont percues de faQon aiguë par les chefs de
famille. Pres de 60% d'entre eux déclarent éprouver des
difficultés a mettre leurs enfants a l'école et celles-ci vont
croissant au fur et a mesure que les conditions socio-économiques se
détériorent. La principale cause de cette situation est la
faiblesse des revenus, que ce soit par rapport aux frais d'éducation ou
au cofit d'opportunité (revenu tiré de l 'exercice d 'un emploi).
A cela s'ajoutent d'autres raisons. En effet, certains parents ne trouvent pas
d'écoles publiques pres de leur domicile, souvent situé a la
périphérie de la ville et les écoles privées quand
elles existent sont jugées trop cheres. Se retrouvant dans une situation
paradoxale oil de nombreuses écoles publiques ferment tandis que la
demande est insatisfaite, ROUBAUD préconise de réétudier
la carte scolaire et la localisation de écoles publiques en fonction des
besoins. Une autre cause de la sous- scolarisation évoquée par
l'auteur est le phénomene de
corruption de certains responsables d'écoles
publiques, qui sélectionnent les enfants en fonction des statuts des
parents, voire pratiquant même le régionalisme.
De leur côté, les études de cas
sur la scolarisation menées sous la direction de Marie France LANGE
(1998) mettent l'accent plutôt sur les rapports écoles-
sociétés, c'est-a-dire l'influence de l'éducation scolaire
sur la construction des rapports hommes- femmes. Pour sa part, Laurence PROTEAU
pense que malgré la progression des effectifs scolaires féminins
depuis l'indépendance de la Côte d'Ivoire, les
inégalités entre sexes restent fortes et en défaveur de la
grande majorité des filles puisqu'elles ne représentaient entre
1991 et 1992 que 41.7% de la population du primaire, 32.4% de celle du
secondaire et 20% des effectifs de l'université. Le taux de
scolarisation primaire obtenu d'apres le recensement de 1998 est
également un indicateur des inégalités scolaires entre les
sexes (79% pour les garcons et 54% pour les filles). Il est alors
évident pour l'auteur, qu'avant que la différence sexuelle ne
joue comme une différenciation des chances de réussite scolaire,
elle intervient dans l 'inscription a l'école. En définitive, les
filles sont souvent moins scolarisées que les garcons et leur niveau
d'instruction est plus faible. Car elles sont souvent exclues de la
scolarisation par décision familiale, puis plus soumises a la
sélection en cours de cursus.
C'est d'ailleurs le point de vue d'Etienne GERARD qui
convoque SCHEMMER pour montrer la place et le rôle des femmes en Afrique
subsaharienne : "force de travail et biens matrimoniaux, elles participent
a la production et sont gages de la reproduction biologique et sociale, de la
parenté, au point que leur libération en de hors du cadre
lignager et des réseaux d'alliance en menacerait l'équilibre
social et économique" (1998 : 197). Selon GERARD, pour
éviter tout déséquilibre social et économique, les
femmes sont tenues a l'écart des domaines masculins, des savoirs et
pouvoirs favorables a leur libération, alors que le domaine scolaire est
de ces champs sinon même le plus important.
Cette analyse de GERARD mettant en relation
écoles et sociétés se retrouve dans ses réflexions
menées sur les cas d'écoles maliennes et burkinabe. En effet,
pour Etienne GERARD (1997), les stratégies d'éducation
sont sous-tendues par un ensemble de facteurs afférents a deux
principaux ensembles le plus souvent distingués : le champ scolaire et
l'espace social qui sont en constante interaction, car les dynamiques sociales
portent en elles les marques des dynamiques du champ scolaire et
réciproquement. Il est alors évident que tous les parents ne
scolarisent pas leurs enfants de la même maniere. Leurs comportements
different selon le nombre et le sexe de leurs enfants et tous n'optent pas non
plus pour les
mêmes secteurs d'éducation.
L'enquête menée a Bobo Dioulasso par l'auteur entre 1995-1996
crédibilisait déjà son analyse. En effet, la population de
cette ville, témoignait de la complexité de ses rapports a
l'institution scolaire et du poids de leurs représentations dans
l'évolution de la scolarisation. En effet, certains paramétres
sociaux et déterminants extrascolaires jouent un role important dans le
processus de scolarisation. Pour les populations a majorité rurale,
faiblement instruites, la scolarisation de tous les enfants est rendue
difficile par le manque de ressources financiéres, mais aussi parce que
cela ne constitue pas de leurs avis une obligation. Quant aux populations
citadines, notamment lettrées, le savoir scolaire n'est pas un capital
distinctif. Pour eux, la scolarisation représente un enjeu relatif. Elle
n'est pas indispensable. Cependant, tout autre est le cas des populations qui
détiennent déjà le capital scolaire ou qui cherchent a
l'acquérir parce qu'elles vivent dans un milieu oil le savoir est un
instrument de communication ou une référence sociale.
A l'instar des analyses de Laurence PROTEAU et d
'Etienne GERARD, le MFI (1995), affirmait déjà qu'au
Burkina Faso, 24.31% des filles seulement sont scolarisées contre 36,78%
des garcons. Les raisons qui limitaient l'accés des filles a
l'école étaient entre autres l 'insuffisance des infrastructures,
le long trajet a pied pour aller a l'école certes mais surtout la
préférence donnée aux garcons par les familles tandis que
les filles sont confinées aux tâches
ménagéres.
Yacouba YARO (1995) quant a lui s 'étale sur
les raisons de cette préférence accordée aux garcons par
rapport aux filles en matiére de scolarisation. Selon YARO, les
stratégies de scolarisation des familles se distinguent fondamentalement
selon qu 'elles résident en zone rurale ou urbaine, qu 'elles observent
des pratiques religieuses animistes, islamiques ou chrétiennes. C 'est
également en fonction de la catégorie sociale que les parents
décident de scolariser toute ou une partie de leurs progénitures
et de préférer ainsi le plus souvent, l 'instruction des garcons
a celle des filles. L 'analyse des stratégies scolaires, sur un plan
macro spatial, doit prendre en compte un ensemble de facteurs inhérents
aux différentes localités du Burkina Faso.
En résumé, les enjeux de la
scolarisation dans les sociétés dépendent de la position
sociale des individus, de la structure de chaque groupe et enfin de leur
rapport au savoir scolaire c'est-à-dire du degré de vulgarisation
de la culture scolaire qui lui même est fonction du capital scolaire des
parents. Dans cette situation, il est difficile de parler
d'égalité des chances devant l'éducation en terme
d'égalité des ressources mises a la disposition des
éléves
et des types d'écoles fréquentés
par les différents groupes ou en termes d'égalité de
performances entre éleves. La scolarisation en Afrique et
particulierement au Burkina Faso est tributaire de multiples facteurs sociaux,
culturels et économiques. C'est d'ailleurs le même point de vue
chez Raymond BOUDON (1973) pour qui, la mobilité sociale de
chaque individu est fonction de son origine sociale. Par conséquent, il
y aurait donc une inégalité de chances des le début
même de la scolarisation d'autant plus que les individus ne naissent pas
égaux.
Ces écrits sur la scolarisation placent d 'une
faQon générale l 'école africaine et ses systemes dans une
impasse qui profite aux élites, aux personnes économiquement
favorisées et aux hommes au détriment des moins nantis et des
femmes. Cependant, bien qu 'ils aient contribué a générer
de nombreuses réformes qui prônent une éducation pour tous,
les prises de position de certains auteurs ne sont pas exemptes de toute
critique et méritent d'être nuancées souvent dans le temps
et dans l 'espace. En effet, l 'on peut constater que de nos jours, des efforts
remarquables de la part des gouvernements africains et de leurs partenaires
tendent vers la révision et la rénovation des systemes scolaires
et du fonctionnement de l 'école. Au Burkina Faso, ces efforts se
traduisent par l 'adoption de nouveaux plans (PDDEB) et politiques en matiere d
'éducation, conséquences de la loi n°013/96/ ADP, portant
loi d 'orientation de l 'éducation. A travers ces réformes, le
recrutement et la formation du personnel enseignant ainsi que la construction
de nouveaux établissements ont été effectifs favorisant de
ce fait la réduction de la disparité scolaire entre les
entités administratives et entre zones urbaines, périurbaines et
rurales. Aussi, en affirmant que les filles sont plus soumises a la
sélection au cours de leur cursus scolaire que les hommes, Marie France
LANGE court le risque d'être taxée d 'avoir des positions
plutôt féministes. L 'auteur parle comme si filles et garcons ne
sont pas soumis aux mêmes bases d 'évaluation et qu 'il y 'avait
une école et des sujets spécialement concus pour les filles. Il
faut reconnaitre que la tendance actuelle de scolarisation en Afrique et
particulierement au Burkina Faso est impulsée par l'effet
conjugué des flux financiers en provenance des Etats, des bailleurs de
fonds et par une demande d'éducation particulierement dynamique. Cette
situation est donc favorable au développement de la scolarisation aussi
bien masculine que féminine et permet ainsi de réduire certaines
inégalités constatées des le début de la
scolarisation. Mais si la tendance actuelle semble favorable au
développement de la scolarisation en général qu'en est-il
alors des systemes éducatifs et du fonctionnement de l'école
?