Section 3 : ANALYSER DEUX ORGANISATIONS DE REMISE EN
CAUSE DES NORMES SOCIALES DE GENRE PAR LE GENRE
I) AMARGI et LAMBDA : deux organisations militantes
critiques du genre
A) Naissances des organisations dans leurs contextes et
revendications
Amargi une association féministe «
radicale ))
Amargi est une coopérative (au sens association) de
femmes, c'est aussi une librairie féministe, et un Café. Elle a
été créée en 2001 par un groupe de féministe
activiste. Elle cherche à défendre les droits des femmes et des
personnes LGBT, et à lutter contre toute forme de violence et de
discriminations et se décrit comme une organisation féministe,
anti-hiérachique, anti-nationaliste, et anti-militariste. L'un de ses
objectifs premiers, est d'aider a émanciper les femmes des normes de
genre dans la vie de tous les jours, et de vivre selon ses choix propres et non
selon les normes sociales. Et c'est en cela que l'on peut qualifier Amargi
d'organisation féministe radicale, car remettant en cause l'ordre social
établi sur cette hiérarchie des normes de genre. Cette
émancipation individuelle et collective passe d'abord par une «
prise de conscience )) au cours de lectures personnelles, de discussions, de
débats, d'ateliers. Le combat de cette organisation est aussi politique,
et elle dénonce principalement le système même du
patriarcat présent dans les familles, l'économie, l'armée,
l'Etat, et la religion. Les militantes mènent aussi divers projets, et
font parti de réseaux associatifs, de partenariats, et de coalitions
nationales et internationales. L'un des principaux combats menés par
Amargi en termes d'amélioration des Droits des femmes, en partenariat
avec d'autres associations est la lutte contre la violence faite aux femmes, au
sein notamment de la « Coalition des femmes contre la violence sexuelle
faite aux femmes )). Il y a 28 groupes de femmes au sein de cette coalition.
Cette coalition veut forcer le gouvernement a mettre en place des centres
d'accueil pour les femmes ayant subies des agressions sexuelles. Ce combat
mené par Amargi et les autres associations est révélateur
d'une situation grave de violence domestique dans lesquelles encore trop de
femmes se trouvent en Turquie.
Amargi dans le contexte de la «
3ème vague féministe »
C'est dans ce contexte d'oppression des femmes, que les
organisations féministes et de soutiens sont nés, dans les
années 1990, 2000. Chaque organisation défend une politique, une
philosophie, une identité collective singulière et
différente, mais elles se rejoignent en plateforme ou en coalition sur
des enjeux aussi urgent que celui de la violence faîte aux femmes. Cette
périodes qui débute dans les années 90 est appelée
par certains chercheurs la « troisième vague )) du mouvement
féministe. Quelque soit le pays elle se différencie des
mouvements des années 60-70-80 appelés « deuxième
vague ))et caractérisé par la lutte contre la patriarcat,
c'est-à-dire domination des hommes dans toutes les sphères de la
société, sphère privées comme publiques. Les
mouvements des années 90-2000 reprennent les concepts de la «
deuxième vague )), notamment l'anti-patriarcat dans toutes les
sphères, mais diversifient aussi leur combat et accordent notamment de
l'importance à la diversité au sein des groupes, par exemple une
meilleure visibilité des femmes considérées comme «
doublement marginalisées )) (de couleurs, autochtones, lesbiennes,
transsexuelles, handicapées). Dans cette optique Amargi est ouvert a
toutes personnes quelque soit sa couleur, sa religion, sa classe sociale,
notamment les trans et lesbiennes et elle soutient les minorités, comme
les kurdes, les réfugiés. Amargi est donc sur plusieurs combats,
et a un double objectif ; émanciper les femmes des normes de genre, et
de manière plus pragmatique faire en sorte que les institutions turques
et l'Etat turc protègent les femmes contre les violences domestiques de
manière efficace. Cette polyvalence du mouvement, qui ne défend
pas une idéologie unique, et dont les causes sont diverses et
variées, caractérise aussi la plupart des organisations
féministes de la troisième vague, et peut être
critiqué comme « dispersant le mouvement )). Un autre aspect qui
les caractérise est la manière dont ces associations investissent
le champ des médias, publient des magazines et développent des
sites internet, diffusant ainsi leurs idées, et des informations
permettant la diffusion de la prise de conscience de la situation des femmes
dans la société turque. Depuis les années 90, le mouvement
féministe s'est donc diversifié dans le monde, mais aussi et
surtout a l'échelle d'un pays comme la Turquie. Les différentes
branches du mouvement féministe y sont désormais très
nombreuses et variées. Les féministes sont radicales comme
Amargi, socialistes, islamiques, kémalistes, kurdes ou encore
arméniennes, et se construisent avec une identité collective
différente. Ainsi il y aurait environ 250 groupes de femmes et
féministes en Turquie, revêtant diverses formes,
idéologies, structures allant de l'association féministe au
centre d'accueil des femmes ayant subies un viol.
Lambda une organisation LGBT (Lesbiennes Gays
Bisexuels Transexuels)
Lambda est une association crée en juillet 1993
après que le jour de la gay pride (Cristopher Street day sexual
Liberation activities) soit interdit. Cette association est comme Amargi non
hérarchique et fonctionne avec des bénévoles. L'essence
même de l'organisation est la défense du droit premier de
s'associer, car le gouvernement a interdit a plusieurs reprises aux LGBT ce
droit là, les accusant d'être « un outrage à la morale
publique » et (( d'encourager un mauvais comportement ». Lambda a
depuis porté plainte à la Cour européenne, et a obtenu un
statut légal, qui reste cependant menacé. Un des objectifs
fondamentaux de Lambda est la défense les droits LGBT, et le changement
de la Constitution turque qui contient notamment des discriminations à
leur égard. Les militants organisent aussi des campagnes nationales et
internationales contre l'homophobie, la transphobie, les crimes d'honneurs les
meurtres et agressions des personnes LGBT. Lambda se positionne aussi sur les
problématiques féministes, anti-militariste, et les concepts
alternifs aux normes de genre comme ceux de la mouvance transgenre ou de la
mouvance Queer. Lambda est avant tout un lieu de rencontres, d'échanges,
de discussions, de prise d'informations. C'est aussi une bibliothèque,
une terrasse, un café. De nombreux workshops (ateliers) ainsi que la ((
Pride March ~ sont organisés en partenariat avec Amargi. Lambda n'est
pas une organisation féministe comme Amargi dans le sens ou elle
défend prioritairement les droits LGBT, mais aussi dans le sens
où certains cadres d'identités collectives militants
diffusées au sein de l'association vont plus loin que le cadre
féministe en refusant de s'inscrire dans l'une ou l'autre des
catégories de genre, comme c'est le cas pour l'identité
transgenre.
Le contexte turc de discrimination et de violences
faîtes a l'égard des personnes LGBT
L'homosexualité n'est pas un crime en Turquie. Mais le
code pénal contient des interdictions contre (( outrage à la
morale publique », qui sont utilisées pour harceler les personnes
LGBT. Les crimes contre les personnes LGBT sont fréquents, ainsi que les
crimes d'honneur, commis par des membres de la famille. Les
harcèlements, agressions physiques, verbales et les discriminations sont
courantes. Il n'existe pas en Turquie de lois de protection des personnes LGBT
contre les discriminations à l'embauche, au logement, au soin... Les
sujets de l'homosexualité et de la transsexualité provoquent des
crispations, des rejets, de la censure et de la violence. L'Armée
interdit le service militaire aux personnes LGBT, et fait faire des examens
humiliant pour prouver l'homosexualité, Human Rights Watch. Enfin, il y
a en Turquie une grande disparité dans l'acceptation et la
visibilité des personnes LGBT suivant les différentes
régions, et les différents milieux sociaux.
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