Conclusion
Nous avons cherché tout au long de ce travail à
démontrer trois choses : la première est la
nécessité d'impliquer le genre dans l'étude des mouvements
sociaux, la deuxième est l'utilité encore de cet outil analytique
dans l'étude du contexte politicoculturel, contexte étant
primordial à saisir pour comprendre les raisons des revendications des
mobilisations étudiées, et donc de la cause de leurs
émergences, et de leur développement, et enfin nous avons voulu
prouver que l'étude de genre était d'autant plus importante dans
l'étude des mouvements qualifiés ici de « critiques du genre
», c'est-à-dire des féministes radicales et des mouvements
LGBT, afin de rendre compte au mieux de toute leur
spécificité.
Nous avons donc d'abord étudié brièvement
les failles des théories classiques des mouvements sociaux,
c'est-à-dire leur langage « rationalisant, stratégique
» suivant une logique masculine de la rationalité et ne permettant
pas de rendre compte pleinement des mouvements féministes et LGBT. Nous
avons ensuite établis un rapide « état des lieux ~ des
théories novatrices combinant l'apport du genre dans l'étude des
mouvements sociaux. En effet le genre permet de rendre compte, des structures
d'opportunités en étudiant les champs culturels, politiques du
contexte des mobilisations. Il permet aussi de faire ressortir les structures
organisationnelles et les répertoires d'action des mobilisation de
femmes et féministes qui suivent une logique différente que celle
invoquée dans les théories classiques de l'étude des
mouvement sociaux, en raison de l'appartenance sexuée de leurs
participantes. Enfin nous avons vu avec les théories de Ferree et de
Acker que le travail émotionnel d'une organisation pouvait être
étudié à partir du genre, car les organisations suivraient
en majorité une « éthique masculine de la rationalité
» (selon le concept de Joan Acker), alors que les mobilisations
féministes et LGBt ne suivent pas cette logique, et donc font un travail
émotionnel différent.
Afin d'étudier l'émergence des mobilisations
féministes et LGBT, il utile de comprendre le contexte turc, contexte
fortement normé. Afin de tenter de saisir d'oü vient cette division
hiérarchique culturelle des rapports de genre, nous avons exploré
l'image de la femme dans l'imaginaire collectif, c'est-à-dire à
partir des mythes nationalistes, de la religion majoritaire : l'Islam, et de
l'idéologie kémaliste encore prégnante actuellement. Dans
les mythes nationalistes, Nous avons vu d'abord que la Terre était
personnifiée en femme, la « Bien - aimée » et en
mère nourricière ayant enfanté les hommes de la
communauté. Ces métaphores sexuelles presque érotiques ne
sont pas sans répercutions sur les femmes, puisque l'objectivation de la
femme la rend dans l'image collective passive sexuellement, fragile, objet
« que l'on prend et viole », et mère nourricière.
Images de la femme que l'on retrouve dans l'imaginaire collectif religieux,
celui des interprétations islamiques. Ainsi le voile rend symboliquement
la
femme inaccessible de tout regard étranger, et sa
protection permet la sauvegarde de l'honneur, sans quoi l'ordre social de la
communauté tout entière serait menacé. Nous avons
abordé aussi brièvement le cas des féministes islamiques,
qui portent le voile de manière politique, qui revendique une relecture
de l'Islam alternative, c'est-à-dire permettant aux femmes d'être
actrice dans la sphère publique, en revendiquent son identité
musulmane (porter le voile a l'université par exemple), et tout en
restant dévouée à son mari et ses enfants dans le
privé. Ces féministes islamiques réagissent en
réaction a l'Occident et aux femmes occidentales, qui montrent leurs
sexualité dans la sphère publique, mais aussi a
l'idéologie kémaliste qui a bridé l'identité
populaire islamique en bannissant le voile, le fez, la musique traditionnelle,
et en pratiquant un laïcisme forcé. L'idéologie
kémaliste qui nous l'avons débute dans les années 20 en
Turquie et reste prégnante jusque dans les années 80 et laisse
des traces encore aujourd'hui a été le moteur du « State
Feminism )) avec le développement des lois en faveur des femmes, et leur
encouragement à être visible sur la scène publique, en
fréquentant comme les hommes les universités, les professions
jusque là (( masculines )) comme en médecine, en droit, ou en
politique ...Mais malgré ce qui semble être un grand pas en avant
pour les femmes turques, il semblerait que Kemal Atatürk, fondateur de la
République de Turquie, ne se soit en fait servit de l'image de la femme
(( émancipée )) pour montrer aux puissances occidentales à
quel point la Turquie s'était modernisé. La femme turque
étant l'instrument du projet politique kémaliste, n'était
donc pas réellement émancipée, et n'était pas
actrice de sa vie.
Ensuite, nous avons abordé l'émergence de la
société civile liée a la libéralisation
économique et politique de la Turquie dans les années 80, et en
son sein l'émergence des mouvements de femmes et féministes.
Faisant écho à la théorie de Gurr sur la (( frustration
relative ~, en effet le mouvement des femmes naît d'un assouplissement du
contexte, créant une brèche de liberté, permettant la
prise de conscience d'une inégalité profonde des hommes et des
femmes dans la société turque vis-à-vis de
l'extérieure, et donc cette « tension )), entre assouplissement des
conditions prise de conscience de ce qu'elles méritent, les femmes ont
donc commencer a se mobiliser. Malgré ces mobilisations de femmes et
féministes dans les années 80, nous avons abordé la
situation actuelle de la femme en Turquie qui reste plus que
préoccupante, avec ce qui fait office de (( fléau national )) :
la violence domestique faîte aux femmes. Selon les rapports des Nations
Unis pour l'équité de genre, il faut pour stopper la violence
faîte aux femmes des mesures d' (( empowerment )), c'est-à-dire
afin de rendre les femmes plus fortes, les mesures permettant l'augmentation de
l'instruction des jeunes filles et des femmes mais aussi les mesures
encourageant les institutions et la société a favoriser
l'entrée des femmes sur le marché du travail et donc a devenir
indépendante financièrement.
Dans une troisième et dernière section, nous
avons étudié les mobilisations féministes et LGBT
à Istanbul. Après avoir rapidement présenté les
deux organisations Amargi
(féministe) et Lambda (LGBT), nous avons abordé
les différentes identités collectives des militantes,
identité féministe radicale (a conscience de la hiérarchie
des rapports de genre et souhaite s'émanciper de cette
hiérarchie), les identités transgenres, qui remettent
complètement en question les normes de genre en ne rentrant dans aucune
catégorie, et les Queer, qui eux aussi renverse la norme et floute les
notions de genre.
Nous avons ensuite abordé ensuite le mode
organisationnel et les répertoires d'actions des organisations qui ne
sont pas conventionnels, et qui suive une logique propre ayant a voir avec
l'identité sexuée des participantes, mais aussi la volonté
de ne pas se conformer à la logique masculine, logique étant
finalement la seule valorisée dans nos sociétés. Bien que
ces organisations « critiques du genre » suivent une logique qui peut
apparaître comme identitairement genrée, ce qui peut sembler
paradoxal avec la nature de leurs revendications, il faut souligner le fait que
ces organisations soient aussi des espaces de résistances aux normes de
genre en permettant aux militantes de s'affirmer en tant que femmes ou
individus autres que selon la norme sociale du féminin, et ce en
dépit de leur identités sexuée. Enfin nous avons pu
observer que les militantes femmes (féministes et LGBT) assumaient
fièrement les rétributions du militantisme (rétributions
autre que monétaires), telles que l'intégration dans un
réseau social, l'amélioration de la confiance en soi, le soutien
émotionnel et affectif, et qui fait que ces militantes perdurent dans
leur engagement.
L'outil analytique du genre est donc primordial dans
l'étude des mouvements féministes et LGBT, ainsi que dans
l'étude du contexte d'émergence de ces mouvements, et plus
globalement dans l'étude des mouvements sociaux, et dans la recherche en
science sociale en général.
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