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La réutilisation des données publiques en droit des archives

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par Mylène THISEAU
Université Paris XI, Faculté Jean Monnet - Master 2 Droit du patrimoine culturel 2009
  

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B. La marchandisation des données d'archives : la perception de redevances en contrepartie du droit de réutiliser des documents administratifs

La question de la tarification se pose dans le cadre de la mise en place du régime de réutilisation des données publiques aux Archives nationales. L'application d'un tarif est liée à la concession d'une licence de réutilisation de nature commerciale, sortant du cadre de la licence gratuite accordée dans le cadre des recherches. Toute personne qui souhaite obtenir un droit à réutilisation va déposer une demande auprès du service de la reprographie en identifiant les données contenues dans les documents, ainsi que les usages qu'elle envisage de faire de ces données, ce qui permettra au service administratif de calculer le montant de la redevance correspondant aux usages envisagés et d'adresser un devis au demandeur. Celui-ci pourra alors choisir de poursuivre sa demande de réutilisation en adressant son paiement, et la licence pourra commencer à courir. Si le demandeur considère que les tarifs qui lui sont proposés sont trop élevés pour l'utilisation qu'il souhaitait faire des données, il pourra décider de ne pas donner suite à sa demande.

L'élaboration des grilles de tarification est à mi-chemin entre la négociation politique et la négociation commerciale sur fond de dispositions juridiques.

L'enjeu de la tarification est le suivant : faut-il encourager ou contenir la réutilisation ? Des tarifs trop élevés auront tendance à décourager les particuliers, et, peut-être, certaines entreprises, tandis que des tarifs trop faibles vont inciter particuliers et entreprises à solliciter un droit à réutilisation. L'administration peut toujours choisir de refuser la réutilisation en fournissant à l'intéressé un motif juridiquement valable, non fondé sur un critère discriminatoire (lié à l'identité de la société par exemple), et conserver un certain contrôle sur les utilisations faites des données qu'elle conserve.

1. La détermination du droit à redevance

Pour déterminer le montant de la redevance, les administrations peuvent suivre les quelques « pistes juridiques » proposées par les textes législatifs et règlementaires, mais il faut bien garder à l'esprit qu'aucune des dispositions légales actuellement en vigueur n'a vocation à s'appliquer aux établissements sous régime dérogatoire, c'est pourquoi il est toujours possible d'observer les montants proposés par les services commerciaux des établissements culturels.

a) Les indicateurs de calcul posés par les textes législatifs et règlementaires pour la détermination des montants

Quelques textes proposent des méthodes pour la détermination des montants de redevance. C'est notamment le cas de l'article 15 de la loi de 1978, qui, sans avoir force contraignante pour les établissements d'archives, peut tout à fait servir de « guide » dans l'élaboration de modes de calcul.

Aussi, il résulte de l'observation des pratiques des différents établissements ainsi que des dispositions de l'article 15 de la loi de 1978 que les tarifs peuvent s'inspirer de ce qui se fait actuellement pour la reproduction des documents et qu'ils doivent inclure en plus les coûts de mise à disposition, notamment les coûts d'anonymisation, mais également les coûts de collecte et de production, ainsi que la rémunération raisonnable des investissements de l'administration.

Le montant ne doit pas être discriminatoire entre différentes catégories d'utilisateurs pour un même usage, mais il peut (et doit) être différent pour différentes catégories d'utilisations. Ainsi, il paraît pertinent de dégager plusieurs catégories de montants selon l'utilisation et selon le type de support destiné à accueillir les données sollicitées. Ces catégories peuvent aller du support papier, soit une réutilisation par voie de publication, au support numérique, soit une réutilisation par le biais d'une mise en ligne, en passant par le support alimentaire17(*).

La définition de ces catégories doit permettre d'établir une grille tarifaire qui va accueillir ensuite les tarifs. Cela permet notamment de mieux se rendre compte de la nécessité de pratiquer des tarifs plus élevés, par exemple, sur des grands formats ou sur des impressions couleurs qui ont pour l'administration un coût plus élevé à la numérisation ou à la reproduction suivant le mode de transfert des données.

Il faut également veiller à ce que l'assiette de calcul soit objective, c'est-à-dire calculée par exemple sur le pourcentage du chiffre d'affaires réalisé grâce aux informations s'il s'agit d'une société commerciale. Le but de l'administration n'est pas de réaliser de manière indirecte des bénéfices commerciaux sur la commercialisation que fera la société des informations, mais d'éviter que ces informations, qui restent la propriété de l'Etat, ne soient l'objet d'une utilisation commerciale outrancière qui créerait un manque à gagner certain pour l'Etat et pour le service d'archives qui continue à produire des coûts de gestion et de conservation pour la protection des supports originaux.

Enfin, le régime légal impose en son article 17 l'obligation de communiquer à toute personne qui en fait la demande les bases de calcul retenues pour la fixation du montant des redevances. Ces bases doivent donc être parfaitement établies par l'administration et respecter ainsi tous les principes de non discrimination et de proportionnalité, qui, sans être obligatoires sur le fondement du chapitre II de la loi de 1978, restent nécessaires et indispensables en droit public afin de garantir la transparence dans les rapports de l'administration avec les usagers du service public.

b) Les calculs reposant sur la politique commerciale des agences de photographie

Cette partie aura vocation à présenter les politiques commerciales pouvant être mises en place dans des établissements aux contenus de même nature que ceux conservés par les services d'archives. Elle s'appuiera donc sur les expériences de la Bibliothèque nationale de France et de la Réunion des musées nationaux.

L'alignement des tarifs sur ceux pratiqués par les agences de photographie privées

De grands établissements culturels comme la BnF et l'agence de photographie de la RMN ont décidé de calculer les montants de diffusion sur ceux pratiqués par les agences de photographie privées telles que Getty Images, Scala ou encore Bridgeman.

La RMN est un cas particulier, puisqu'il s'agit d'un établissement public à caractère industriel et commercial. L'agence de photographie de la RMN se place dans un cadre concurrentiel par rapport aux grandes agences privées, et n'entend pas se fonder sur le droit de la réutilisation pour calculer ses tarifs : elle considère en effet que les photographies des oeuvres muséographiques qu'elle loue ou prête sont protégées au titre du droit de la propriété intellectuelle de l'auteur de la photographie.

La BnF, quant à elle, travaille à la mise en place de nouveaux tarifs de réutilisation depuis presque six mois. Elle a fait appel à des sociétés de « consulting » qui ont travaillé à partir des tarifs pratiqués par ces mêmes agences photographiques privées.

Les modes de calculs élaborés à partir des coûts de numérisation

Pourquoi chercher à amortir les coûts de numérisation ? Parce qu'il s'agit en fait de compenser financièrement le « service rendu ». La réutilisation a effectivement un coût pour l'administration, notamment en termes de numérisation et d'anonymisation des données, pour lesquelles il serait évident que le demandeur paye les frais. Ces coûts s'analysent en coûts de personnel, coûts de matériel de numérisation et coûts de matériel de stockage des données.

Mais au-delà de la première opération de numérisation et d'anonymisation de la donnée pour laquelle un premier utilisateur a payé, pourquoi répéter ces frais auprès des usagers suivants, puisque le document est d'ores et déjà disponible et qu'il n'en résulte pas de coût supplémentaire pour l'administration ? Le directeur de l'Agence pour le développement de l'administration électronique Jacques SAURET a d'ailleurs déclaré lors du séminaire « Diffusion des données publiques » le 19 novembre 2004 : « quand on est en dehors du champ des missions de service public, les administrations doivent avoir une comptabilité analytique et il n'est pas raisonnable que le contribuable paie ». Il faudrait donc pouvoir répartir ce coût sur un nombre prévisible de demandes de réutilisation de la donnée. Ainsi, cette « redevance pour service rendu » serait plus équitable entre les usagers du service public car répartie entre eux.

Ce fût d'ailleurs le type de calculs opérés par la BnF au cours des derniers mois. A côté des outils de comparaison des prix pratiqués par différentes agences de photographie, la BnF a établi des tableaux de calcul des coûts de numérisation des documents, qu'il s'agisse d'images ou de textes. Ces coûts sont évalués par les services commerciaux conjointement avec le service de la reprographie à partir de devis de prestataires externes proposant des tarifs de numérisation pour un nombre global de documents. Il s'agira donc de compenser ces coûts en attribuant, par exemple, un pourcentage du coût unitaire de numérisation au montant de la redevance.

* 17 A titre illustratif, on peut mentionner la demande faite aux Archives nationales en juin 2009 d'utiliser les moules de sceaux pour réaliser des sceaux en chocolat.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery