La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.( Télécharger le fichier original )par Gérard MPOZENZI Université du Burundi - Licence en Droit 2003 |
b. Procédure de la demande de transfertC'est au Procureur qu'il revient de prendre l'initiative d'une requête tendant à la remise d'une personne au Tribunal pénal international403(*) , mais c'est aux juges d'en décider404(*). La demande de transfert obéit à certaines règles de fond et de forme. Sur le fond, la requête ne peut être sollicitée par le Procureur que dans l'hypothèse où il estime avoir en sa possession suffisamment d'éléments à charge pour justifier la comparution d'une personne405(*). Devant les TPI ad hoc, la demande de transfert ne peut intervenir qu'après la confirmation de l'acte d'accusation406(*). Deux conditions cumulatives doivent alors être observées : d'une part, le procureur estime avoir en sa possession suffisamment d'éléments pour soutenir raisonnablement qu'un suspect a commis une infraction, d'autre part, le juge désigné pour examiner cet acte d'accusation considère qu'un dossier peut être établi contre le suspect 407(*). La demande de transfert ne peut intervenir qu'après la confirmation de l'acte d'accusation sauf en cas d'urgence où l'arrestation d'un suspect peut être demandée dès le stade de l'enquête sur base d'un chef d'accusation provisoire408(*). C'est au juge chargé d'apprécier la solidité d'un acte d'accusation, qu'il appartient, s'il décide de le confirmer409(*), d'émettre ensuite les mandats nécessaires à la conduite du procès, parmi lesquels le mandat d'arrêt qui permettra le transfert410(*). Sur la forme, la demande de transfert se traduit par une requête écrite aux fins d'arrestation et de remise. Ainsi, une fois émise par un Tribunal international ad hoc la demande de transfert est transmis à l'Etat requis qui doit répondre, sans retard, à la demande de coopération dont il est requis411(*). Les Statuts utilisent les termes « sans retard » parce que les obligations des Etats vis-à-vis des TPI ad hoc, parmi lesquelles l'obligation de transférer les personnes réclamées par ces derniers, « prévalent sur tous les obstacles juridiques que la législation nationale ou les traités d'extradition auxquels l'Etat est partie pourraient opposer à la remise ou au transfert de l'accusé ou d'un témoin au Tribunal international412(*) ».
Dans un arrêt du 29 mai 1998, la chambre d'appel du TPIY a confirmé ce principe. Elle a jugé que le principe de la spécialité ne s'applique pas aux TPIY en relevant que les relations entre un Etat requis et un Etat requérant n'avaient pas d'équivalent(ou de contre partie) dans les règles applicables au Tribunal international413(*). De même, en janvier 2000, la Cour suprême des Etats-Unis a refusé de statuer sur le recours introduit par Elizaphan NTAKIRUTIMANA contre l'arrêt d'extradition rendu par un tribunal texan, mettant ainsi fin aux procédures devant les juridictions américaines414(*). La transmission de la demande de transfert est suivie du traitement proprement dit de ladite demande dans l'Etat requis. Les Statuts et les Règlements des TPI ad hoc sont muets sur la question de savoir l'organe de l'Etat requis compétent pour accomplir cette mission ; Ceci est compréhensible car, selon Antoine BUCHET, « le droit international n'a pas pour vocation de dicter aux Etats les réorganisations administratives ou judiciaires »415(*). Seul le droit interne est ici applicable. Ainsi par exemple, dans le cas Elizaphan Ntakirutimana, c'est l'ancien secrétaire d'Etat américain, madame Albright, qui a signé, en mars 2000, la décision autorisant le transfert de l'accusé Elizaphan NTAKIRUTIMANA, ancien pasteur de l'Eglise adventiste du 7ème jour de Mugonero, préfecture de Kibuye arrêté aux Etats-Unis sur base d'un mandat d'arrêt international délivré par le TPIR416(*). Ce dernier a été transféré le 24 mars 2000 au quartier pénitentiaire du Tribunal international à Arusha417(*). Enfin, soulignons, à toutes fins utiles, qu'une fois arrêtée, la personne réclamée doit être dûment avisée des motifs de son arrestation. L'autorité compétente lui donne lecture de l'acte d'accusation dans une langue qu'elle comprend418(*). Après l'arrestation, la procédure de transfert entre dans sa phase opérationnelle et ne devient effective que par la comparution initiale de la personne réclamée devant la chambre de première instance du Tribunal pénal international. Mais pour arriver à ce stade, y a-t-il des obstacles inédits à cette procédure ? * 403 Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art.18§4 ; art.17§4. * 404 Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art 19§2 ; art 18§2.Voir aussi le R.P.P du T.P.I.R, art 40 bis, B). * 405RPP, art.40bis B) ii) commun aux deux TPI ad hoc. * 406 Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art.19 ; art.18. * 407RPP du TPIY, art. 47 B et E. * 408 RPP du TPIY, art. 40 et celui du TPIR, art.40 aussi. * 409 Statut du TPIY, art.19§1 et celui du TPIR, art.18§1 * 410 Statut du TPIY, art.19§2 et celui du TPIR, art.18§2. * 411 Statut du TPIY, art.29§2 et celui du TPIR, art.28§2 * 412 RPP, art.58 commun aux deux TPI ad hoc. * 413 TPIY,le Procureur c. Milan Kovacevic, IT-97-24-AR73, 29 mai 1998. * 414 Le groupe de la presse et des relations avec le public, centre international de conférences à Arusha, « Transfert du pasteur NTAKIRUTIMANA », 25 mars 2000, s.p., consulté sur http://www.ictr.org/FRENCH/PRESSREL/2000/225f.htm, le 10 janvier 2010. * 415 BUCHET (Antoine), op.cit., p.974 * 416Le groupe de la presse et des relations avec le public, centre international de conférences à Arusha, « Transfert du pasteur NTAKIRUTIMANA », 25 mars 2000, s.p., consulté sur http://www.ictr.org/FRENCH/PRESSREL/2000/225f.htm , le 10 janvier 2010 * 417 BUCHET (Antoine), op.cit., p.974 * 418 RPP du TPIY, art.55 E). |
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