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La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.

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par Gérard MPOZENZI
Université du Burundi - Licence en Droit 2003
  

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II.2.2.1. Notions

L'immunité est une prérogative reconnue à certaines personnes afin de leur permettre d'exercer leurs fonctions en toute liberté et à l'abri de toute pression, y compris celle judiciaire. L'immunité de juridiction permet ainsi à ceux qui en bénéficient d'éviter les poursuites judiciaires. Elle concerne notamment les diplomates, le personnel des NU, les parlementaires, mais aussi les membres de gouvernement290(*).

Il existe deux types d'immunité dans le droit international coutumier : l'immunité ratione materiae (de fonction) et l'immunité ratione personae (personnelle).

L'immunité de fonction protège certains hauts fonctionnaires (chefs d'Etat, premier ministre et ministre des affaires étrangères,...) de poursuite judiciaire dans un pays tiers pour des actes commis dans le cadre de leur fonction. Cette immunité est justifiée dans le droit international coutumier par le fait que les actions de ces personnes sont attribuées à l'Etat291(*). L'immunité de fonction est donc liée à un poste et non à une personne spécifique. De plus, elle est permanente, c'est-à-dire un fonctionnaire bénéficiant d'immunité ne pourra jamais être traduit en justice, même après avoir quitté son poste, pour les actes commis lorsqu'il était en fonction292(*).

Par exemple, en novembre 2007, un procureur français aurait refusé de poursuivre en justice l'ex- Secrétaire américain à la défense M. Donald RAMSFELD, pour des crimes qui auraient été commis pendant l'invasion de l'Irak en 2003, en justifiant qu'il continuait de bénéficier d'immunité de fonction293(*).

Mais une personne bénéficiant d'immunité de fonction peut être traduite en justice pour des actes commis à titre personnel, c'est-à-dire en dehors de ses fonctions officielles.

L'immunité personnelle, elle, est absolue, individuelle et temporaire. Elle protège certains hauts fonctionnaires (chefs d'Etat, agents diplomatiques, ministres des affaires étrangères, etc.) de toutes poursuites judiciaires pendant leur service. L'existence de cette immunité est justifiée par la nécessité d'une certaine indépendance de la part des diplomates et hauts fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions294(*).

En juin 2002, la Cour internationale de justice, ci- après CIJ, a affirmé l'immunité absolue d'un ancien ministre des affaires étrangères congolais. La Cour a décidé qu'un mandat d'arrêt ne pouvait être délivré contre un ministre des affaires étrangères en fonction puisque celui-ci devait pouvoir voyager librement pour pouvoir se livrer à ses occupations295(*). Cependant, d'après la Cour, aucun texte de droit international ne reconnaît les immunités des chefs d'Etat et de gouvernement et, à ce niveau, des immunités des chefs d'Etat et de gouvernement résultent de la coutume et s'apparentent aux immunités diplomatiques296(*).

Cette coutume est toujours en évolution. Ainsi, les juridictions nationales ont, à la manière de la CIJ, largement affirmé le droit absolu à l'immunité personnelle. Il en est notamment des plaintes contre Fidel CASTRO rejetées en Belgique (2001) et en Espagne (2005) en raison de son immunité de chef d'Etat297(*), plaintes contre le colonel Kadhafi298(*) et Ariel SHARON299(*) rejetées pour la même raison par les Cours de Cassation française et belge respectivement.

Cependant, rien n'empêche que des poursuites soient entamées au niveau international contre ces personnalités dans les cas limités des crimes de droit international les plus graves, tels que les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, le génocide et la torture300(*). Concernant ces crimes, en effet, le droit international prévoit expressément qu'aucune immunité ne pourra être invoquée301(*). Et si les juridictions nationales et la CIJ302(*) ont souvent considéré les immunités comme excuse de la responsabilité pénale, les TPI ad hoc n'ont cependant pas reconnu cette exonération dans leurs Statuts303(*) pas plus que dans leur jurisprudence304(*).

II.2.2.2. Le rejet de l'exception fondée sur les immunités

Devant les juridictions internationales, il est reconnu que cette défense ne protège pas contre les poursuites du chef des crimes internationaux les plus graves (crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide, ...). Ces crimes ne peuvent jamais être considérés comme faisant partie de la fonction légitime d'un agent étatique. Cette défense est faite depuis Nuremberg jusqu'au récent Statut de la CPI305(*).

Les Statuts des TPI ad hoc prévoient que la qualité officielle d'un accusé, qu'il s'agisse d'un chef d'Etat ou de gouvernement, qu'il s'agisse d'un haut fonctionnaire, ne constitue pas une excuse de la responsabilité pénale. Au contraire, les supérieurs hiérarchiques sont considérés comme responsables des crimes commis par leurs subordonnés s'ils avaient connaissance mais n'ayant pas pris des mesures adéquates de les empêcher306(*). Pratiquement parlant, la mise en accusation de Slobodan Milosevic307(*) en plein conflit au Kosovo alors même qu'il restait l'interlocuteur des forces de l'alliance en vue d'une solution négociée pour le Kosovo et la condamnation de Jean KAMBANDA308(*), 1er ministre intérimaire du Rwanda, en ont été une démonstration vivante.

Dans le même ordre d'idées, le fait qu'un accusé ait agi en exécution d'un ordre d'un gouvernement ou d'un supérieur hiérarchique ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale. Toutefois, l'obéissance à un ordre peut être considérée comme un motif de diminution de la peine309(*).

Dans le cas Drazen Erdemovic, le TPIY a eu l'occasion de se prononcer sur cette question. En effet, la chambre d'appel a minoré la peine prononcée par la chambre de Ière instance de 10 ans à 5ans en retenant entre autres, les circonstances atténuantes suivantes : l'âge de l'accusé au moment des faits et son niveau de subalterne dans la hiérarchie militaire, les remords qu'il a eus, son absence de dangerosité actuelle, etc310(*).

Sous d'autres cieux, les tribunaux internationaux ont aussi refusé de reconnaître cette immunité. En mai 2004, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, ci- après TSSL, a considéré que l'égalité des souverainetés des Etats n'empêchait pas un chef d'Etat d'être poursuivi par une Cour ou un Tribunal pénal international et que Charles Taylor pouvait donc être jugé par le TSSL. En effet, le 23 juillet 2003, Charles Taylor s'était opposé à l'acte d'accusation ainsi qu'au mandat d'arrêt émis à son encontre en alléguant qu'il bénéficiait d'une immunité juridictionnelle en tant que chef d'Etat au moment de l'acte d'accusation et du mandat d'arrêt. Après avoir examiné la jurisprudence internationale en la matière, la chambre d'appel a considéré qu'un principe de droit international établit que l'égalité souveraine des Etats n'empêche pas un chef d'Etat d'être poursuivi par une Cour ou un Tribunal pénal international311(*).

Le 4 mars 2009, la CPI a, elle aussi, jugé que l'immunité de fonction n'était pas une défense impénétrable quand elle a délivré un mandat d'arrêt contre le Président soudanais Omar El- Béchir312(*). Ceci est par ailleurs le premier mandat d'arrêt émis par la Cour visant un chef d'Etat en exercice.

II.3 : Les compétences ratione loci et ratione temporis des TPI ad hoc

Une des spécificités des TPI ad hoc réside dans leur compétence territoriale et temporelle. En effet, le TPIY tout comme son frère jumeau, le TPIR, ne sont compétents que pour des faits commis sur une période de temps et sur un territoire bien définis. En d'autres mots, ils sont ad hoc.

* 290Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, art.41 §2 ; Convention de Vienne sur les relations consulaires, 24 avril 1963 ; Convention de New York sur les missions spéciales, 8 décembre 1969 où l'art.21§2 précise que :« le chef de gouvernement, le ministre des affaires étrangères et les autres personnalités de rang élevé, quand ils prennent part à une mission spéciale de l'Etat d'envoi, jouissent dans l'Etat de réception ou dans un Etat tiers(...) des facilités, privilèges et immunités reconnus par le droit international ».

* 291 Affaire Blaskic, décision de la chambre d'Appel du TPIY, 29 octobre 2007, §38.

* 292 Trial : Amnistie et immunité : consulté sur http://www. trial-ch. org/fr/droit-international/amnistie-et-immunité. html, sp, le 12 avril 2009.

* 293 La levée, Donald RUMSFELD, la loi internationale et la torture, 31 octobre 2007, consulté sur http://lalevee. blogspot. com/2007/10/la-leve-31-octobre-2007/html, le 12 avril 2009.

* 294 Trial : Amnistie et immunité, op. cit., sp.

* 295 CIJ, Mandat d'arrêt du 11 avril 2002 (RDC c. Belgique), Arrêt du 14 février 2002, Recueil CIJ, §75, 2002 (Yerodia).

* 296 CIJ, Mandat d'arrêt du 11 avril 2002 (RDC c. Belgique), Arrêt du 14 février 2002, Recueil CIJ, §52 in fine et §53. Voy. Aussi Bréviaire de jurisprudence internationale (Yerodia), pp.910-911.

* 297 Trial Watch, Mettre le droit au service des victimes des crimes les plus graves ; consulté sur http://www. trial- ch. org/fr/trial- watch/profil/ab/legal- procedures/fidel ; Le Figaro du 13/12/2007.

* 298Trial : Amnistie et immunité, Mettre le droit au service des victimes des crimes les plus graves, sur http://www. lefigaro. Fr/flash- actu/2007/12/13/0111-1007

* 299 Media, Biographie Ariel SHARON, Août 2008 consulté sur http://www. media. be/index. Html/ ? doc= 275, le 12 avril 2009.

* 300 BOUCHER-SAULNIER (F.), op. cit., p. 301.

* 301 Statuts, CPI, art. 27; TPIY, art. 7 §2; TPIR, art. 6 §2; La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, art. 4 ; La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, art. 1 ; Le droit humanitaire (CG I, art. 49 ; CG II, art. 50 ; CG III, art. 129 ; CG IV, art. 146) ; Le Statut du tribunal de Nuremberg, art. 7.

* 302 CIJ, RDC c. Belgique,Yerodia, arrêt du 14 février 2002, Recueil CIJ (Yerodia), §58 ;voy. Aussi Bréviaire de jurisprudence internationale (Yerodia), p.913.

* 303 Statut du TPIY, art.7§2 et celui du TPIR, art.6§2.

* 304 La documentation française, Les grandes affaires de la justice internationale, cas Milosevic (Slobodan), consulté sur http : //www.ladocumentationfrançaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale, le 09 mai 2009.

* 305 Statuts, CPI, art. 27; TPIY, art. 7 §2; TPIR, art. 6 §2; La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, art. 4 ; La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984, art. 1 ; Le droit humanitaire (CG I, art. 49 ; CG II, art. 50 ; CG III, art. 129 ; CG IV, art. 146) ; Le Statut du tribunal de Nuremberg, art. 7.

* 306 Statut du TPIY, art7§§2-3 et celui du TPIR, art.6§§2-3.

* 307 La documentation française, Les grandes affaires de la justice internationale, cas Milosevic (Slobodan), consulté sur http : //www.ladocumentationfrançaise.fr/dossiers/justice-penale-internationale, le 09 mai 2009.

* 308 TPIR, Le Procureur c. Jean KAMBANDA, Jugement portant condamnation, 4 septembre 1998 in Bréviaire de jurisprudence internationale, pp.1372-1385.

* 309 Statuts, TPIY, art. 7 §4 ; TPIR, art.6. §4.

* 310 Trial Watch : http://www. trial- ch. org/fr/trial- watch/profile/db/facts/drazen_erdemovic_287. Html, consulté le 12 avril 2009.

* 311 Trial Watch: http://www. trial- ch. Org/fr/trial- watch/profil/db/legal- procedures/charles_taylor_98. Html, consulté le 12 avril 2009.

* 312 Global Voices : http://fr. globalvoiceonline. org/2009/03/05/3272/, consulté le 12 avril 2009.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote