L'interprétation des conventions fiscales( Télécharger le fichier original )par Sabrine Arbi Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis - Mastère spécialisé droit fiscal 2009 |
Sous-section I : les moyens traditionnels d'interprétation« S'il est vrai qu'il existe toujours plus d'une façon d'interpréter un texte, il n'est pas vrai que toutes les interprétations sont équivalentes. »105(*) La démarche interprétative oscille entre la lettre et l'esprit. Paragraphe 1 : la lettre« Rigoureusement parlant, « la lettre » renvoie à une signification littérale, une signification qui privilégie les éléments d'interprétation sémantiques (et notamment les enseignements lexicologiques qu'attestent les dictionnaires) et les informations syntaxiques qui dérivent des règles de la grammaire. A la limite, l'interprétation selon la lettre exclut la prise en compte de tout autre élément : clara non sunt interprenda. » 106(*) L'interprétation par la lettre est soit littérale (A) soit stricte (B). A- L'interprétation littéraleLa « logomachie » est flagrante : l'interprétation commence là où cesse la littéralité. Il a déjà été signalé que l'interprétation littérale signifie l'absence d'interprétation.107(*) Le non sens étymologique relate un principe fondamental de l'interprétation « Il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'est pas besoin d'interprétation. Quand un acte est conçu en termes clairs et précis, quand le sens est manifeste et ne conduit à rien d'absurde, on n'a aucune raison de se refuser au sens que cet acte présente naturellement. »108(*) L'école de l'exégèse représente le courant militant en faveur de la théorie du « sens claire » ; des mystificateurs de la lettre c'est la plus radicale. L'exégèse revient à appliquer littéralement les dispositions conventionnelles. Se basant sur le respect des principes du droit fiscal l'on pourrait s'aligner sur cette doctrine. En effet, une interprétation littérale permettrait une prévisibilité de la jurisprudence. Le requérant n'aurait pas à s'inquiéter d'un revirement jurisprudentiel. Le principe de sécurité juridique ne serait pas bafoué. Les contribuables demeureraient égaux devant l'impôt du moment où la même solution vaudrait pour les litiges semblables. Des nuances s'imposent. De prime abord, il est à rappeler que l'exégèse défend la littéralité aussi obscure soit le texte ce qui est aberrant. Appliquer littéralement un texte obscure reviendra à dénaturer son sens exacte ce qui est à l'encontre des préceptes exégétiques. Par ailleurs, pour ce qui est du principe ci-dessus invoqué, la clarté est une notion vague et floue. Quels seraient les critères permettant de déceler la limpidité d'un terme ou d'une disposition ? Le terme clair est en lui-même sujet à interprétation. A supposer que la clarté est bien définie, les dispositions conventionnelles sont loin d'être d'une précision sans faille. La transparence des termes d'une convention fiscale tient plus de l'hypothèse d'école que de la réalité. Ce sont là les arguments édifiants des détracteurs de l'interprétation littérale. La cour suprême canadienne, dans une optique modérée, s'est prononcée en faveur du principe du « sens claire », selon la dite cour la clarté d'une disposition conventionnelle est possible et dans ce cas il faut appliquer le texte littéralement. 109(*)La jurisprudence tunisienne, consultée, reste muette sur la question de l'interprétation des conventions fiscales ; le juge de l'impôt tunisien se contente de les appliquer sans se prononcer sur une quelconque méthode.110(*) L'interprétation littérale n'est pas vraiment le moyen adéquat pour rallier le texte au réel. L'harmonie entre les objectifs des conventions fiscales et leurs textes n'est pas toujours au rendez-vous. L'interprétation stricte permettra-t-elle une meilleure symbiose ? * 105 105 Ricoeur (P) « Interpretation theory: discourse and the surplus of meaning », cité par Ost (F) et Van De Kerchove (M), op cit, p. 6. * 106 106Ost et Van De Kerchove, op cit, p.8. * 107 107Supra. * 108 108 Voir Vitanyi, op cit, p. 24. * 109 109 Shell Canada Limité c. La Reine, 99 DTC 5669, p. 5676. « ... Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit tout simplement être appliquée... » Voir Ward (D -A), « Accès aux bénéfices découlant des conventions fiscales », 2008, p. 11. http://www.apcsit-gcrcfi.ca/06/rr-re/RR12%20-%20Ward%20-%20fr%20-%20final%20-%20090619.pdf * 110 110 TA. Cass. req. n°32479 du 14 juillet 2001, Direction générale du contrôle fiscal/ Société Haliburton limited, voir Makhlouf, ibid, annexes. TA. Cass. req. n°33578 du 17 mars 2003, Société FTS/ Direction générale du contrôle fiscal, RTF, 2005, pp. 181 et 182. TA. cass. req. n°33726-33769 du 9 juin 2003, Direction générale du contrôle fiscal/ Compagnie saoudienne de l'air, RTF, 2005, pp. 182 et 183. |
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