L'interprétation des conventions fiscales( Télécharger le fichier original )par Sabrine Arbi Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis - Mastère spécialisé droit fiscal 2009 |
B- La distinction de l'interprétation de notions prochesL'interprétation est à ne pas confondre avec la qualification. Selon M. Marchessou la qualification est une « opération qui consiste à caractériser en termes juridiques une situation de fait, c'est-à-dire à la rapporter à l'une des catégories établies par le droit positif. »49(*)Il en découle que la qualification est l'acte de rétribuer le sens juridique à un cas réel. L'interprétation, dans le droit, consiste à préciser le sens d'une règle de droit. Pour emprunter une formule à M. Guez « L'interprète a pour tâche d'expliciter le sens et le contenu d'une norme. »50(*) L'interprétation et l'application peuvent ne pas être discernées. 51(*)L'interprétation en cas d'ambigüité et l'application en cas de clarté.52(*) Le professeur Yasseen définit les deux notions en les dissociant « L'application est l'opération qui assure le passage de l'abstrait au concret, elle détermine les conséquences de la règle dont le sens est dégagé par l'interprétation dans une situation concrète. L'interprétation, pour autant qu'il s'agisse de règles juridiques en vigueur, est une étape vers l'application. Elle peut, toutefois, ne pas viser une application immédiate comme dans le cas d'une interprétation doctrinale. »53(*) L'interprétation est débattue sous des visées différentes. C-Les écoles de l'interprétationM. Marchessou déblatère d'une « conception classique » et d'une « interprétation juridique dans une perspective moderne ».54(*) La doctrine classique défend fervemment l'interprétation authentique, acheminement de l'histoire française traumatisée par les juges d'une époque révolue.55(*) La doctrine moderniste prône le caractère incontournable de l'interprétation sauf cas de texte limpide, translucide et écarlate.56(*) Une distinction s'effectue entre défenseurs de la lettre formant la doctrine classique et défenseurs de l'esprit formant la doctrine moderne.57(*) Les premiers sont pour un attachement à la lettre du texte au vu du maintien de la sécurité juridique et de la légalité protectrice, à leurs yeux, de la prévisibilité et de l'équité alors que les seconds privilégient la pensée et le détachement de la rigidité du texte dans un souci humaniste et pragmatique. 58(*) Sans rentrer dans les détails, les professeurs Ost et Van de Kerchove nous renseignent sur les « directives linguistiques » qui se basent « sur le contexte linguistique auquel appartient le mot ou la phrase dont l'interprète cherche à déterminer la signification »59(*) et les « directives systémiques » par lesquels ils visent « toutes celles qui relèvent traditionnellement des méthodes dites systématiques et logiques et s'appuient sur l'idée qu'une norme juridique fait partie d'un tout complexe qui comprend non seulement l'ensemble des normes explicitement adoptées, mais encore toutes celles qu'il est possible d'inférer logiquement à partir de celles-ci (même si une telle interférence suppose également la mise en oeuvre de directives d'un autre ordre). »60(*) M. Guez peint deux courants qui s'opposent radicalement, et avance ce qui suit « Le positivisme juridique nie toute démarche interprétative en droit, les autorités chargés de l'appliquer sont tenus par le sens littéral des normes sans pouvoir y ajouter ou retrancher quelque chose. Le réalisme juridique fait le constat inversement, d'un pouvoir d'interprétation qui détermine la signification des normes, l'interprétation des normes constituant un acte de volonté et non une opération de connaissance. »61(*) Un ultime courant opte pour la conciliation entre la lettre et l'esprit c'est-à-dire la dialectique de l'interprétation. Le problème majeur pour l'interprétation est le degré de son efficacité. Dans quelle mesure les règles d'interprétation des conventions fiscales améliorent leur application ? L'interprétation entre le droit et le réel : une harmonisation difficile (Première partie) et l'interprétation entre les intérêts et la bonne foi : la paranoïa de l'arbitraire ? (Deuxième partie) retracent les vicissitudes des règles d'interprétation des conventions fiscales. * 49 49 Ibid, p.5. * 50 50 Guez, op cit, p. 3. * 51 51Makhlouf, op cit, note 45, p.36 * 52 52Ibid. * 53 53 Yasseen (M K) « L'interprétation des traités d'après la Convention de Vienne », RCADI, Vol. III, n°151, p. 10. * 54 54Ibid. pp.5 et8. * 55 55Ibid. * 56 56Ibid. * 57 57Ost (F) et Van De Kerchove (M) « Entre la lettre et l'esprit Les directives d'interprétation en droit ». Bruxelles, Bruylant, 1989. * 58 58 Ces idées sont développées dans l'ouvrage précité. Détailler équivaudrait à précipiter des analyses ultérieures dans le mémoire. * 59 59 Ibid, p. 50. * 60 60 Ibid, pp. 56 et 57. * 61 61Guez, op cit, p.25. |
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