2. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
2.1. Définition des concepts
+ Exploitation agricole
Chombart et al. (1963) définissent
l'exploitation agricole comme une unité économique dans laquelle
l'agriculteur pratique un système de production en vue d'augmenter son
profit. Dufumier (1996) abonde dans le même sens en définissant
« l'exploitation agricole comme une unité de production au sein de
laquelle l'exploitant mobilise des ressources de natures diverses (terres,
main-d'oeuvre, cheptel, plantes, intrants, matériel, bâtiments...)
et les combine dans des proportions variables, pour obtenir certaines
productions végétales et / ou animales, et satisfaire ainsi des
besoins et des intérêts ». De ce fait, l'exploitation
agricole est gérée sous l'autorité d'un centre de
décision unique (individuel ou collégial) pour ce qui se
réfère à l'emploi des ressources disponibles et au devenir
des productions et revenus obtenus. Dans un sens beaucoup plus large, Osti
(1978) la définit comme un système finalisé par les
objectifs de l'agriculteur et de sa famille. Pour cet auteur, étudier
l'exploitation agricole comme un système revient à
considérer d'abord l'ensemble de l'exploitation avant l'étude
à fond de ses différentes composantes. Il s'agit de prendre en
compte, même qualitativement, les relations internes essentielles et
notamment leur articulation dans le temps. Pour ce faire, le diagnostic des
exploitations agricoles est nécessaire.
En effet, le but du diagnostic est d'analyser les
décisions des agriculteurs, de s'interroger sur l'évolution de
leurs exploitations, en particulier leur devenir et les conditions de leur
"reproduction", de mettre en évidence les problèmes et les
difficultés que rencontrent les agriculteurs dans la conduite de leurs
exploitations (Jouve et al., 1994). Ainsi, on pourrait
réellement identifier les exploitations agricoles si on se
réfère aux définitions données
précédemment, même en Afrique où l'unité de
résidence, l'unité de consommation, l'unité de production
et l'unité d'accumulation sont dissociées (Gastellu, 1980).
On retiendra de tout ce qui précède que dans le
cadre d'un diagnostic axé sur les modes d'exploitations agricoles, il
faut privilégier "l'unité de production" comme unité
d'analyse, tout en gardant à l'esprit, les relations
qu'elle a avec les autres unités mentionnées
précédemment.
·: · Unité de
production
Pour pouvoir cerner les unités de production dans le
cadre de notre recherche, nous allons nous référer aux 3
critères recommandés par Gastellu (1996) cité par Dounias
(1998) que sont : (i) l'unité de production (UP) correspond à un
groupe de personnes qui dépendent d'un même responsable, le chef
de ménage, qui effectue les choix principaux pour l'organisation des
activités quotidiennes, même si chaque individu pourrait jouir
d'une autonomie dans l'accomplissement de ses tâches; (ii) l'UP est un
groupe de personnes qui constituent une équipe de travail permanente,
même si cette dernière est affectée de nombreuses
variations. Ce groupe se distingue de celui occasionnel qui se forme à
l'occasion d'une entraide; (iii) l'UP est un groupe de personnes qui disposent
en propre de leurs outils de travail dont certains en commun.
En nous référant au développement
conceptuel ci-dessus, nous identifierons l'unité de production dans le
cadre de notre étude aux ménages agricoles. De ce fait, le
ménage agricole sera «le petit groupe de personnes
apparentées ou non qui reconnaissent l'autorité d'une seule et
même personne (le chef de ménage), vivent dans un même
logement, prennent souvent leurs repas en commun et subviennent en commun aux
dépenses courantes » (Sala-diakanda, 1988). Cette définition
n'est pas applicable dans tous les contextes car les critères «
même logement » et « prise de repas en commun » sont
discutables. A Dridji par exemple, des chefs de ménages disposent hormis
les enfants qui sont avec eux dans le village, d'autres qui résident
dans le village d'origine et qui sont sous leur autorité. Dans ce cas
tous les membres du ménage ne vivent pas dans le même logement, ni
ne prennent en commun leur repas. Le ménage est défini comme
étant l'ensemble constitué d'un père, ou d'une mère
(chef de ménage), des personnes à charge (femmes, époux,
enfants et collatéraux), au sein de ce groupe de personnes il existe un
réseau de droits et devoirs acquis par le biais des us et coutumes
(normes) de la société dont ils font partie intégrante.
·: · Main-d'oeuvre agricole
La main-d'oeuvre agricole est une ressource précieuse
dont dispose le ménage rural pour la production agricole. C'est
grâce à cette main-d'oeuvre et aux connaissances dont elle
dispose, que le ménage est en mesure d'utiliser les ressources
naturelles telles que le sol, l'eau, la végétation et le climat,
de même que les intrants achetés tels que l'engrais, les produits
phytosanitaires et les outils (Dvorak, 1995). L'Encyclopédie des
sciences sociales, précise que, le terme de main-d'oeuvre dans la
terminologie anglo-saxonne, se réfère généralement
aux termes "work force", ou "Manpower" ou "labour force". Sur le plan macro, ce
concept est défini comme la portion de la population qui est
économiquement active (Jaffe et al., 1972), c'est-à-dire
la portion de la population qui entre dans l'organisation du travail
caractéristique de la culture de chaque société. Ainsi,
dans les sociétés primitives par exemple, la force de travail qui
représente la main-d'oeuvre se distingue difficilement de la population
totale, car on remarque la participation de la population entière aux
tâches communes de production des biens et services nécessaires
à la subsistance. Ceci est dû au faible niveau de
développement des technologies.
De nos jours, la main-d'oeuvre se distingue-t-elle clairement
de la population totale. On peut dire que la main-d'oeuvre est fonction de la
structure socio-économique de la société et du niveau de
progrès. Les récentes études de Aho et Kossou (1997) ont
permis d'opérationnaliser le concept de la main-d'oeuvre agricole en
Afrique tropicale. Pour eux, c'est l'ensemble des personnes utilisées
par l'exploitant agricole contre une rémunération en
espèce ou en nature, et liées à celui-ci par un contrat de
travail écrit ou verbal, précisant les droits et obligations de
chaque partie sauf les membres de la famille qui ne sont
généralement pas couverts par des contrats de travail. Cette
définition fait ressortir les différentes catégories de
main-d'oeuvre: la main-d'oeuvre salariée, la main-d'oeuvre familiale,
l'entraide et l'invite à l'aide, et fait aussi allusion à la
nature des contrats qui lient le paysan et le travailleur.
Cette définition reste pourtant insuffisante en ce sens
qu'elle ne donne aucune précision sur les facteurs qui
caractérisent l'utilisation de la main-d'oeuvre. Ainsi, en nous
référant à la théorie de Long (1984), la
main-d'oeuvre doit être définie en tenant compte de
l'environnement socio-économique et culturel de l'exploitation.
+ Allocation et productivité des
ressources
L'étude de l'allocation des ressources permet de se
rendre compte du niveau et de l'efficacité d'utilisation des ressources,
et leurs affectations à des activités alternatives (Biaou,
1991).
Biaou (1995) dans son étude sur l'analyse de
l'organisation et du fonctionnement du système d'exploitation agricole
sur le plateau Adja (Bénin) constatait que contrairement à ce
à quoi on devrait s'attendre, l'efficacité de l'utilisation des
ressources productives ne s'explique pas, par le niveau de dotation en
celles-ci. Elle n'est pas non plus fonction des types de ménage (cycle
de vie des ménages). Ogunfowora et al. (1978) cités par
Affomassè (1982) pensent que pour mesurer cette efficacité de
l'utilisation des ressources, il faut déterminer le ratio individuel
extrant-intrant. Par exemple la productivité de la main-d'oeuvre peut
être mesurée en termes de ratio de la production totale à
la quantité de main-d'oeuvre investie. C'est ainsi qu'ils ont
montré qu'à partir d'une estimation de l'utilisation des
ressources, peuvent être déduites, le calcul de la
productivité marginale de n'importe quelle ressource ou de toutes les
ressources prises ensemble. Ils ont par suite d'autres analyses, conclu que
l'agriculture de l'Etat de Kwara au Nigeria est improductive, car le ratio de
la production totale à la quantité de main-d'oeuvre investie est
très faible et est un exemple d'une utilisation excessive et inefficace
de la main-d'oeuvre en agriculture traditionnelle. Cette définition
paraît incomplète dans la mesure où elle ne tient par
compte des facteurs d'allocation de la maind'oeuvre, et de la marge brute
obtenue après utilisation de cette main-d'oeuvre.
+ Revenu du ménage
Le revenu agricole est la différence entre la
production et les charges liées à cette production. On distingue
deux types de revenu : le revenu net et le revenu brut.
Selon Adégbidi (1994), le Revenu Agricole Net (RAN) =
Valeur Ajoutée (VA) - Rente Foncière (RF) - Taxes et Impôt
(T) - Intérêts sur emprunts (I) - salaires des travailleurs
extérieurs (W). Dans ce cas, Valeur Ajoutée (VA)= Produit Brut
(PB) - Consommations Intermédiaires (CI) - Amortissements (Am). Ce
revenu prend en compte l'autoconsommation, l'accumulation en nature et le
revenu monétaire.
Le Revenu Agricole Brut (RAB) par contre est la
différence entre la production brute et les charges réelles
payées pour cette production. Les charges comprennent les coûts
des intrants variables à savoir les semences, les différents
engrais, les insecticides et le coût de la main-d'oeuvre
(défrichement, labour, semis, sarclages, fumures, pulvérisation,
récolte). Il est calculé pour une seule campagne agricole. C'est
en réalité, cette forme de revenu qui sera utilisée dans
la présente étude. A ce revenu sera ajouté, le revenu des
autres activités (RA) génératrices de revenu au sein du
ménage. Avec RA = ÓRAi ; Rai étant la recette issue d'une
activité donnée de laquelle sont déduites les
dépenses effectuées pour réaliser l'activité.
Le revenu annuel du ménage sera alors RAB + RA.
+ Autres concepts
Des études de OBEPAB (2005) ont permis
d'opérationnaliser certains concepts. Dans son étude sur la
problématique du genre dans la gestion des produits chimiques de
synthèse, l'OBEPAB a recensé trois catégories de
producteurs : riche ou aisé (gros producteur), moyennement riche (moyen
producteur), pauvre (petit producteur).
Tableau n°1 : Eléments de
conceptualisation des catégories de producteurs.
Catégories
|
Caractéristiques
|
Gros producteur
|
- Possède grosse moto (sanili, corbillard, etc. voire
voiture comme moyen de déplacement).
- Possède de titre de propriété dans les
grandes villes ou est propriétaire de beaucoup de terres.
- Construction en matériaux définitifs.
- Prend 3 repas par jour avec assez de poissons et de viande dans
la sauce. - Possession de plantations (anacardiers, palmeraies, orangeraies,
etc.).
- Peut recruter des ouvriers agricoles et commercialiser les
vivres sans difficultés. - Possède de moulin à
maïs.
- Peut supporter les frais de santé de ses enfants.
|
Moyen producteur
|
- Possède comme moyen de déplacement BBCT, AV 85,
Mate, etc.
- Prend au moins 2 repas par jour, peut se nourrir de viande et
trouve à manger toute l'année.
- Construction en matériaux définitifs ou toit en
tôle.
- Peut contracter de prêt pour recruter des ouvriers.
- Possède de jeunes plantations avec possibilité de
transformer le vin de palme en sodabi.
- Greniers non vides à aucune période de
l'année.
- Possède des ressources financières pour
satisfaire les problèmes d'urgence.
|
Petit producteur
|
- Construction en matériaux locaux.
- Possession de vélo comme moyen de déplacement.
- Prend 1 repas par jour.
- Pas de garantie pour contracter des prêts dans les
institutions de micro-crédit
- Pas de ressources financières pour faire face aux
besoins quotidiens du ménage. - Contracte des prêts auprès
des usuriers pour payer la main-d'oeuvre salariée,
- puis ne parvient pas à rembourser ces crédits.
- Exploite de petites superficies.
- Vend les produits juste après la récolte.
- Achète les vivres en période de soudure ou
pendant la saison sèche à crédit.
|
Source : OBEPAB, (2005)
Cette catégorisation présente à notre
avis des limites, car elle met plus l'accent sur le bien matériel. En
effet, certains producteurs sont riches mais n'investissent pas dans le bien
matériel. Il n'est pas rare de voir des producteurs âgés
qui sont la plupart du temps riches, ne pas disposer de grosses motos ou d'un
moulin à maïs. D'autres, par contre ne construisent pas en
matériaux définitifs. Ces derniers accordent peu d'attachement
à ces biens. C'est pourquoi nous avons retenu les critères
contenus dans le tableau n°2 pour la catégorisation des
producteurs.
Tableau n°2 : Conceptualisation des
catégories de producteurs.
Types de producteurs
|
Caractéristiques
|
Gros producteur « do koun non lè »
|
- superficie emblavée par saison > 5 ha.
- propriétaire d'assez de terres.
- peut recruter des ouvriers agricoles et commercialiser les
vivres
sans difficulté.
|
Moyen producteur « mè glo a do
lè»
|
- superficie emblavée par saison 2-5ha.
- possession de peu de terres par rapport au gros producteur.
- peut contracter des prêts pour recruter des ouvriers.
|
Petit producteur « wa man mon non lè »
|
- superficie emblavée par saison < 2ha.
- dispose de moins de terres que le précédent.
- contracte des prêts auprès des usuriers pour payer
la main- d'oeuvre
salariée mais ne parvient pas à rembourser les
crédits.
|
Source : Nos enquêtes de terrain
juillet - septembre 2005
|