6.1.3. Main-d'oeuvre salariée
Elle intervient lorsque la main-d'oeuvre familiale est
insuffisante (Biaou, 1995). La main-d'oeuvre salariée (MOS) constitue un
casse-tête pour les populations de Dridji dans la mesure où sa
mobilisation présente d'énormes contraintes liées à
sa disponibilité. Elle donne lieu à un véritable
réseau de négociation. Seulement 30% de cette main-d'oeuvre est
locale. Elle est utilisée par 86,68% des ménages
enquêtés, et représente la forme dominante de maind'oeuvre
dans 51,11% des ménages. 100% des gros producteurs utilisent ce type de
maind'oeuvre, 90,9% des producteurs moyens l'utilisent contre 79, 07% des
petits producteurs. Ceci s'explique par le fait que les gros producteurs
disposent de grandes superficies à emblaver. Aussi ont-ils
déjà accumulé une certaine richesse qui leur permet
d'engager facilement la main-d'oeuvre salariée. L'utilisation de la
main-d'oeuvre salariée diminue des gros producteurs aux petits
producteurs. Lorsqu'elle est utilisée, elle est soit combinée
à la main-d'oeuvre familiale (60% de ceux qui l'utilisent), soit
combinée à la main-d'oeuvre salariée et à
l'entraide (26,68%) comme l'indique le graphe n°8. Son coût varie
suivant les opérations culturales. Le tableau n°15 indique le
coût des différentes opérations culturales par ha de terre
emblavée.
Tableau n°15 : Coût des
différentes opérations culturales par ha
Activités
|
Toutes les cultures
|
Coton
|
Toutes les cultures
|
Coton
|
Défriche- ment
|
Labour
|
Semis
|
Démari age
|
Sarclag e
|
Epandage
|
Pulvé risation
|
Rebu- tage
|
Récolte 1 seul passage
|
Récolte double
|
Prix en FCFA/ha
|
|
16500
|
13500
|
3750
|
3000
|
8250
|
3750
|
3000
|
9750
|
12000
|
5000
|
Source : Nos enquêtes de terrain
juillet - septembre 2005
+ Les types d'ouvriers
La catégorisation des ouvriers est fonction du contrat qui
lie l'ouvrier au producteur. On distingue deux types d'ouvriers : les
occasionnels et les permanents.
1' Les occasionnels
Ils sont constitués majoritairement des ouvriers
salariés locaux (30%) et d'une faible proportion (11,9%) des ouvriers
salariés externes. Pour les premiers, cela se justifie par le fait
qu'ils vivent dans le village. Pour les seconds, il s'agit principalement
d'élèves, qui profitent des vacances pour se rendre dans d'autres
contrées, pour aller chercher de quoi préparer la rentrée.
Aussi trouve-t-on parmi les occasionnels, des chefs ménages des villages
environnants de Dridji qui ont un besoin pressant d'argent (cas de maladie d'un
proche parent, tontine à payer, dette à rembourser, etc.). Les
occasionnels externes exercent ce métier pour juguler une crise
financière passagère. L'agriculture n'est pas forcément la
première activité de ceux-ci. On trouve parmi eux des
maçons, des menuisiers, des mécaniciens qui en absence de travail
se convertissent en ouvriers occasionnels. Au dire des paysans, les ouvriers
salariés locaux dans le cas d'espèce, sont plus efficaces car ils
ont tout le temps pour finir le travail. Par contre, les externes dans le but
de gagner beaucoup d'argent en peu de temps bâclent le travail.
Les occasionnels sont rémunérés à
la tâche. Le type de rémunération dans ce cas peut
être en espèce (25,72% des cas rencontrés), en
espèce plus nourriture (54,28% des cas), et en nature plus nourriture
(20% des cas). La dernière forme de rémunération
intervient pour les activités de récolte de cultures
vivrières. La tradition veut que l'ouvrier qui vient travailler soit
nourrit par l'employeur. C'est un signe d'hospitalité, mais
également un stimulant pour l'ouvrier. La nourriture n'est pas
comptabilisée dans la rémunération.
Cependant, face à la paupérisation grandissante,
il y a des paysans et surtout les petits producteurs qui payent uniquement en
espèce leurs ouvriers. Ce fait a des inconvénients sur la
mobilisation de la main-d'oeuvre, car des ouvriers ont fait savoir que le
métier ne serait plus rentable s'ils doivent sortir de l'argent de leur
poche pour se nourrir au moment du travail.
1' Les permanents
Les ouvriers salariés locaux ne se retrouvent pas dans
cette catégorie de main d'oeuvre. Elle est constituée uniquement
d'ouvriers externes (78,10% des ouvriers externes). Le titre de permanent est
fonction de la durée du séjour de l'ouvrier dans le village.
Lorsque le temps est relativement court, on parlera de semi-saisonnier et
lorsqu'il est long (toute la saison) on parlera de saisonnier. Les
semi-saisonniers sont en très forte proposition (80%) par rapport aux
saisonniers (20%). Cette faible proportion de saisonnier se justifie pour deux
raisons. On n'a pas de très grandes exploitations à Dridji.
Aussi, les paysans ne disposent pas de moyens pour supporter les charges
(nourritures, soins sanitaires en cas de maladie...) des saisonniers qui
arrivent parfois avec leur petite famille. Les permanents sont de
véritables cultivateurs. Le salariat est leur principale activité
(source de revenus). Ce sont surtout des agriculteurs sans terre qui se
déplacent vers d'autres régions pour y travailler. Des
saisonniers peuvent passer plusieurs mois dans un même village. Ce qui
peut faire d'eux des allochtones quelques années plus tard. Car, ils
peuvent bénéficier des terres de la part du Gohonon et y faire
leur propre champ.
Les permanents sont engagés la plupart du temps par les
gros producteurs. Ils sont rémunérés lorsqu'ils sont
semi-saisonniers à la tâche ; rémunérés
à la saison lorsqu'ils sont saisonniers. Pour les premiers, le type de
rémunération est la nourriture plus logement plus espèce
pendant toute la durée de leur séjour ; tandis que pour les
seconds, le type de rémunération diffère du premier par la
prise en charge des soins sanitaires de l'ouvrier lorsqu'il est malade. Ce
comportement trouve sa justification dans les propos d'un producteur «
si tu engages un ouvrier, il vit sous ton toit. Supposons un instant qu'il
tombe malade et tu ne le soignes pas. S'il meurt tu seras responsable et tu
iras répondre au commissariat. Tu peux t'attirer des ennuis. S'il tombe
malade et tu ne le soignes pas, c'est le travail dans ton champ qui va
s'arrêter, la pluie ne t'attendra certainement pas ». Ces
propos témoignent non seulement, de la valeur qu'attachent les paysans
à la vie humaine ; mais sur d'une politique rationnelle pour atteindre
les objectifs de la campagne. C'est certainement là, une
stratégie de bonne gestion de la ressource dont le paysan s'approprie
les services.
Toutefois, en acceptant de loger, de nourrir, de soigner un
ouvrier permanent en plus du cash qu'il reçoit, le producteur ne
perçoit pas qu'il dépense plus que lorsqu'il s'agit d'un ouvrier
occasionnel. C'est une preuve que les producteurs ne valorisent pas
correctement les ressources productives.
+ La provenance des ouvriers
La carte n°4 présente le flux de la main-d'oeuvre
extérieure. 97,65% des ouvriers salariés externes sont d'origine
fon, contre 2,35% qui sont Adja. Ce taux élevé des fons se
justifie pour plusieurs raisons. La majorité des ouvriers proviennent
des villages d'origine des habitants de Dridji. 37,65% des ouvriers externes
proviennent de Tindji (Commune de Zakpota) village d'origine des habitants de
Tèzounkpa, 10,58% proviennent de Avogbanan (Commune de Bohicon), village
d'origine des habitants de Asségon, 3,53% viennent de Fonkpamè
(Commune de Djidja), village d'origine des habitants de Kindogon. Au total
51,76% des ouvriers enquêtés proviennent des villages d'origine
des populations de Dridji. Pour les paysans, la confiance est un facteur
déterminant dans le choix des ouvriers. Selon un paysan rencontré
« quelqu'un que tu dois héberger pour les travaux
champêtres doit être
proche de toi, si non il risque de te dévaliser la
nuit et partir. Tu iras le chercher où ? ». Ce n'est pas la
seule raison qui motive les paysans pour recourir aux proches parents pour les
travaux agricoles. Les difficultés de recrutement de la main-d'oeuvre
les y obligent également.
Autant les paysans sont à la recherche d'ouvriers
salariés, autant les ouvriers sont à leur tour à la
recherche des travaux agricoles. Cependant les raisons diffèrent. Si
produire plus est la principale raison des chefs ménages, elle est toute
autre chez les ouvriers. Le déplacement de la ville (Abomey et Bohicon
par exemple) vers la campagne à cause de la pression
démographique, amène les paysans à aller vers les
profondeurs du pays pour servir de main-d'oeuvre. Le nombre de bouches à
nourrir élevé amène d'autres à opter pour le
salariat. L'insécurité foncière galopante dont sont
victimes certains paysans, les oblige également à se
déplacer pour servir de main-d'oeuvre ailleurs. Un ouvrier agricole nous
a confié ce qui suit :
Encart n°2
Je suis arrivé de Tindji, c'est le village de ma
femme. Au fait moi même je suis originaire de Mougnon (Commune de
Djidja). Dans ce village, j'ai hérité des terres de mon
père avec mes frères. En réalité, je suis seul
enfant à ma mère, j'ai été donc lésé
dans le partage des terres alors que j'ai plus de charges qu'eux tous. Ma
première femme vient de Mougnon comme moi et elle m'a fait sept (07)
enfants, la seconde vient de Tindji et elle en a fait six (06). Je n'arrivais
plus à couvrir les besoins de mon ménage. Alors, le père
de ma petite femme qui est un propriétaire terrien à Tindji m'a
demandé de le rejoindre. Il m'a donné de terres que je labourais
avec ma petite femme et ses enfants. J'ai dû abandonner les autres
enfants avec leur mère au village. Tout allait bien jusqu'au
décès de mon beau-père. Mes beaux-frères ont alors
décidé de m'arracher les terres. J'ai résisté mais
ils
s'organisaient pour détruire tout ce que je semais
et également pour me dévaliser. Alors j'ai cédé, je
me suis mis dans le salariat. Il m'est déjà arrivé d'aller
jusqu'à Banikoara dans les champs de coton pour servir de
main-d'oeuvre.
|
Ces propos prouvent bien, jusqu'à quel point les
difficultés de survie, sont les raisons fondamentales du travail
d'ouvrier agricole adopté par certains paysans.
Lorsque qu'il arrive que les ouvriers quittent
spontanément leur village à la recherche de travaux agricoles,
ils se rendent directement vers les habitants supposés être du
même village d'origine qu'eux. Une fois chez les paysans, les ouvriers
pourront se déplacer vers d'autres producteurs lorsque leurs parents
proches n'ont pas besoin d'ouvriers pour les travaux agricoles. En agissant
ainsi, l'ouvrier montre son attachement à ses frères qui ont
migré. Il pourra de ce fait, négocier par exemple ces honoraires
ou des emprunts qu'il remboursera plus tard.
On retiendra que la Commune de Za-kpota est la zone la plus
productrice de maind'oeuvre salariée au village de Dridji (57,65%),
viennent ensuite successivement Bohicon (21,58%) ; Djidja (9,71%), Abomey
(5,85%) ; Klouékanmè (2,35%), Agbangnizoun (2,85%) (voir
graphique n°9).
21,58%
9,71%
5,85%2,35%2,85%
Za-kpota Bohicon Djidja Abomey Klouékanmè
Agbangnizoun
57,65%
Graphique n°9 : Provenance de la
main d'oeuvre salariée externe
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