II. IMMUNOLOGIE ET L'INFECTION A VIH
Les conséquences clinique de l'infection par le VIH
sont liées à la capacité qu'a le virus de désarmer
le système immunitaire de l'hôte, car la première cible du
virus est le sous- groupe des lymphocytes auxiliaires ( « Helper
inducer » lymphocytes). Ce sous-groupe lymphocytaire défini
par la présence de la molécule de surface CD4, intervient comme
coordinateur central d'une myriade de fonctions immunitaires. L'infection
à VIH peut être considérée par conséquent
comme étant une maladie du système immunitaire
caractérisée par la perte progressive de lymphocytes CD4+
(Tableau XVI), avec finalement des conséquences fatales pour
l'hôte infecté.
Tableau XVI. Causes potentielles de
déplétion en cellules CD4
[99]
1. Conséquences toxiques directes de l'infection
2. Formation de syncitia
3. Destruction de cellules spectatrices innocentes ayant
adsorbé gp 120
4. Régénération altérée du
compartiment périphérique des cellules T
5. Destruction auto-immune
6. Super antigènes
7. Apoptose
Malgré cette immunosuppression induite par le VIH, un
certain nombre de défenses immunologiques spécifiques contre le
virus se développent chez les sujets infectés, susceptibles de
contribuer à la longue phase asymptomatique qui suit la contamination en
contenant au moins partiellement le virus. La signification potentielle de
telles réponses est encore soulignée par la mise en
évidence récente chez l'animal d'une protection immunitaire
contre des rétrovirus apparentés au VIH, induite par vaccination.
La compréhension des modifications immunologiques dues au VIH permet non
seulement d'avoir un aperçu des conséquences cliniques de
l'infection, mais aussi des perspectives de développement efficaces
contre le VIH.[99]
1. Cellules infectées par le VIH
Dès sa découverte clinique, il était
évident que le sida était dû à un défaut
important de l'immunité cellulaire. Des études ont
révélé une réduction marquée des lymphocytes
TCD4+ à la fois dans le sang et les tissus. Après identification
du VIH, on a montré son tropisme pour ces cellules, dont les
molécules CD4 servent de récepteur pour VIH. De nouveaux virions
bourgeonnent à partir des cellules CD4+ infectées ; la
plupart sont détruites, les cellules restantes, habituellement exemptes
de signes de présence de virus latent, présentent des anomalies
fonctionnelles.
Beaucoup d`autres altérations immunitaires
observées peuvent être mises en relation directe ou indirecte avec
l'attaque primordiale des cellules CD4+. Cependant, il est apparu de plus en
plus nettement que les macrophages ainsi que d'autres cellules accessoires,
comme les cellules folliculaires dendritiques peuvent aussi être
infectées. Ceci peut provenir du faible taux d'expression de
l'antigène CD4 par ces cellules ou par d'autres molécules comme
les récepteurs pour Fc. Même si ces cellules paraissent
moins fréquemment détruites (au début de
l'infection), elles montrent certains changements fonctionnels et surtout
semblent constituer un réservoir pour le VIH.
[99]
Lymphocytes TCD4+
o Destruction des lymphocytes CD4+
Une question qui est loin de recevoir une réponse
claire est de savoir comment les lymphocytes CD4+ sont détruits. Le VIH
est certainement un virus cytopathique avec le pouvoir de provoquer la lyse ou
la formation de syncytiums, mais il est peu probable que cela puisse à
soi seul causer la perte de la majorité des cellules CD4+
Le taux fort bas de latence du VIH parmi les cellules
survivantes est estimé de façon variable entre 1 pour 100 et 1
pour 10.000 et a fait germer des hypothèses pour expliquer
l'élimination des cellules non infectées. Cependant, il n'est
peut être pas opportun de considérer les cellules restantes comme
représentatives, en terme de fréquence d'infection par le VIH des
cellules ayant été éliminées.
A part la cytotoxicité directe par le virus, il est
probable que les mécanismes de l'hôte
sont impliqués dans la destruction des cellules CD4+
exprimant l'antigène viral soit par ADCC (Cytotoxicité cellulaire
dépendante des anticorps) , soit par cytotoxicité T restreinte
par le CMH, ou par des mécanismes non spécifiques. Il est
également plausible que des cellules CD4+ soient éliminées
par fusion en syncytiums avec des cellules infectées ou par
adhérence avec des glycoprotéines gp120 du VIH à la
molécule CD4, amenant une élimination par l'hôte.
Probablement plusieurs mécanismes agissent en concert et aboutissent
à cette déplétion de cellules CD4+.
[99,100]
o Conséquences fonctionnelles de la destruction
de cellules CD4+
Les cellules CD4+ assument des fonctions auxiliaires et
d'induction et coopèrent avec des macrophages dans l'élimination
d'agents pathogènes intracellulaires facultatifs et d'organismes
reliés. Ainsi, il s'ensuit que la perte de ce sous-groupe cellulaire
perturbe des fonctions souvent médiées par des cytokines comme
IL-2, IFNã ou d'autres activateurs de macrophages. Il y a certains
indices que des cellules CD4+ sont plus touchées que d'autres amenant un
déséquilibre, mais il n'est pas établi que des populations
cellulaires Leu8 ou 4B4 positives soient plus sensibles.
Certaines des déficiences fonctionnelles ne peuvent pas
simplement s'expliquer par la perte de cellules CD4+ et donc de leurs
cytokines. Il a été montré que des cellules
infectées par le VIH libèrent la protéine gp120 et
probablement d'autres produits provoquant une suppression des réponses
des cellules T. Ceci peut provenir d'une activation chronique des signaux de
transduction (inositol polyphosphate) rendant ces cellules réfractaires
à des stimulations subséquentes. De plus, les cellules
présentatrices sont légèrement réduites en nombre,
mais leurs fonctions et l'expression d'antigènes de classe II sont
fortement réduites ; ces anomalies contribuent probablement, en
partie, aux changements constatés des fonctions immunitaires.
[99]
Monocytes/macrophages
Il a été clairement démontré que
le VIH infecte également la lignée des monocytes/macrophages,
probablement en s'attachant aux molécules CD4 de la surface de ces
cellules. L'infection des progéniteurs médullaires des
monocytes/macrophages a été également
démontrée, avec niveau élevé de réplication
virale, ce qui peut contribuer à la pancytopénie
rencontrée dans l'infection à VIH. Contrairement aux lymphocytes
CD4 cependant, les macrophages semblent relativement résistants aux
effets cytopathogènes de l'infection à VIH, et ils peuvent
constituer par conséquent un réservoir de virus. Les macrophages
peuvent aussi jouer un rôle important dans la dissémination virale
chez l'individu infecté, en particulier en transportant le virus dans le
système nerveux central (SNC) au travers de la barrière
hématocérébrale. [98,
99,100]
Un certain nombre d'anomalies des monocytes/macrophages a
été détecté chez des sujets séropositifs
pour le VIH ; elles sont au moins en partie la conséquence de
l'infection à VIH. La capacité qu'ont les monocytes/macrophages
de jouer le rôle de cellules présentatrices d'antigènes est
altérée, en particulier au stade avancé de l'infection.
Chez les patients atteints par le SIDA, certains anomalies de ces cellules,
telles que l'augmentation de l'expression du récepteur de l' IL-2, la
sécrétion d'IL-1 et l'expression accrue du ligand chimiotactique,
peuvent être la conséquence de leur activation chronique in vivo.
Les raisons de cette activation chronique sont vraisemblablement
multifactorielles, et elles pourraient être liées à
l'exposition à des protéines virales ou à des lymphokines,
ou être des effets directs de l'infection à VIH.
[100]
Lymphocytes CD8, NK et VIH
Les lymphocytes CD8 augmentent significativement en valeur
absolue et en pourcentage dans les différents stades de la maladie.
Parmi les cellules CD8, il existe trois sous-population distinctes : CD8
cytotoxiques, les CD8 suppressives et les CD8 « natural
killer » (NK). Les deux premières sous-populations sont
significativement augmentées pendant l'infection par le VIH, tandis que
les cellules CD4 NK sont diminuées.
Un des faits troublants de l'infection par le VIH est la
capacité du virus à persister malgré une réponse
immunitaire détectable. La production d'anticorps et le
développement d'une immunité cellulaire induite par les
lymphocytes CD8 ne paraissent pas affectés chez les sujets
séropositifs. Ces anticorps et ces cellules tueuses qui remplissent
parfaitement leur fonction « in vitro » ne sont pas
capables d'empêcher, dans la majorité des cas, la progression de
la maladie.
Le nombre de cellules NK est peu diminué chez les
individus infectés par le VIH. Cette diminution discrète est
expliquée par une diminution de la population NK qui exprime CD8 avec
faible densité. Les cellules NK des sujets séropositifs
conservent bien leur capacité à s'attacher aux cibles, mais ont
une activité cytotoxique diminuée par rapport aux cellules NK
normales. [98, 99, 100,102]
Les lymphocytes B
Les malades infectés par le VIH présentent une
hypergammaglobulinémie, des complexes immuns circulants et des taux
élevés d'anticorps, qui traduisent une stimulation polyclonale de
lymphocyte B. Malgré l'hypergammaglobulinémie, ces malades ont
une réponse très diminuée à l'égard des
néoantigènes et ont une capacité moindre à
produire des IgM face à des antigènes nouveaux.
Les causes de cette stimulation polyclonale du lymphocyte B ne
sont pas encore bien établies. La forte incidence, d'infections par
l'EBV ou par les CMV connues comme stimulants polyclonaux du lymphocyte B,
contribue certainement à expliquer ce phénomène.
Cette stimulation polyclonale pourrait être à
l'origine de la haute incidence de lymphome B observée chez les malades
atteints de SIDA. Elle pourrait en effet créer les conditions propices
pour l'apparition de mutations et de translocations chromosomiques, à la
base de processus oncogénique. [98, 99,
100,101]
2. Marqueurs biologiques de la maladie VIH
Depuis le début de l'épidémie à
VIH, il y a eu des tentatives pour mettre au point des tests permettant de
déterminer l'état immunitaire du sujet, même si peu d'entre
eux informent davantage que l'anamnèse et l'examen clinique. Le profil
sérologique de l'infection par le VIH devient de mieux en mieux
établi.
Anticorps anti-VIH
L'identification de la grande majorité des sujets
infectés a été atteinte par l'utilisation de tests par
anticorps anti-VIH. On peut réaliser d'abord une recherche ELISA
(anti-globuline ou par compétition) et, en cas de positivité, on
vérifie par Western blot, ce qui permet d'éviter les faux
positifs. Le taux de faux-positifs a été réduit par
l'utilisation d'antigènes recombinants de l'enveloppe pour l'ELISA,
plutôt que des lysats de cellules infectées.
Au début, des faux négatifs ont
été trouvés parmi des sujets avec SIDA, cependant, les
tests actuels se révèlent plus sûrs. Le problème
subsiste toutefois au niveau des tests décelant surtout les anticorps
anti-nucléocapside (p24 ou p17), ceci du fait du déclin dans le
titre de ces anticorps avec la progression d la maladie.
[99,102]
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