V. MANIFESTATIONS HEMATOLOGIQUES ET
IMMUNOLOGIQUES
AU COURS DU VIH/SIDA
I. ANOMALIES HEMATOLOGIQUES
Classiquement l'évolution par le VIH s'accompagne de la
diminution progressive des chiffres d'hémoglobine, de leucocytes et de
plaquettes. [75] Ces anomalies sont non
seulement dues à l'action directe du VIH lui-même, mais aussi
à de nombreuses drogues anti-infectieuses.
[75,76]
1. Anomalies sanguines périphériques
liées au VIH
Manifestations spécifiques
Les cytopénies liées à l'infection VIH, sont
connues et décrites dès le début de
l'épidémie (SPIVAK, 1983). Elles sont dues à :
- soit à l'infection des progéniteurs
médullaires
- soit à l'infection du microenvironnement
médullaire
- soit à la production d'Ac et de complexes immuns
circulants. [81]
1.1 Anémie
C'est la complication hématologique la plus
fréquente au cours de l'infection par le VIH [77,
78,79].De nombreuses études au monde rapportent une
fréquence de 63 % à 95% au stade SIDA déclaré et 15
à 20 % chez les patients
séropositifs.[79,81]
Chez les patients infectés par le VIH, l'incidence de
l'anémie augmente avec l'aggravation du déficit immunitaire
[52]. L'anémie est habituellement
normochrome normocytaire (61%), microcytaire (31%) et macrocytaire dans 6 % des
cas ; et arégénérative
[80,81].
Il existe de nombreuses causes d'anémie
reliées à l'infection à VIH :
· Quantité insuffisante de globules
rouges.
Lors d'une infection au VIH, l'organisme ne répond pas
aussi efficacement en produisant plus d'érythropoïétine et
de globules rouges. Le VIH peut également influer directement sur la
moelle et limiter la production de globules rouges.
Une altération de l'érythropoïèse
rend compte de l'anémie chez la plupart de individus infectés par
le VIH. Chez les patients sans anomalies rénales, pour des raisons
obscures le taux sérique d'érythropoïétine est
souvent relativement bas pour le degré d'anémie.
L'atteinte de l'érythropoïèse due à
l'infection à VIH elle-même pourrait être liée
à la libération d'inhibiteurs et/ou à une production
anormales de cytokines trophiques. [52,82]
· Infections.
Les infections bactériennes et fongiques ainsi que
certains virus (parvovirus, cytomégalovirus) détruisent la moelle
osseuse et peuvent nuire à la production de globules rouges.
[82,83]
· Traitement.
Nombre de médicaments antirétroviraux
utilisés pour traiter l'infection au
VIH peuvent affecter la moelle osseuse et provoquer
l'anémie. De plus, certains antibiotiques et médicaments
antifongiques peuvent contribuer à l'installation de
l'anémie. [82,83]
· Cancer.
Les patients qui souffrent du VIH courent un
risque élevé de contracter certains cancers, en particulier le
lymphome. Ces cancers envahissent fréquemment la moelle osseuse et
peuvent nuire à la production de globules rouges.
[82,83]
· Malnutrition.
L'infection au VIH peut se traduire par
l'absorption insuffisante d'éléments nutritifs comme le fer,
l'acide folique et la vitamine B12, ce qui accroît le risque
d'anémie.
Le test de Coombs (à l'antiglobuline) pourrait
être positif chez la plupart des patients ayant le SIDA, et chez un tiers
des individus infectés par le VIH et asymptomatiques. Bien que des
anticorps spécifiques anti-i ou d'autres puissent être
présents, la liaison d'anticorps antiphospholipides ou de complexes
immuns à des érythrocytes est plus fréquente.
[81, 83, 84, 85, 86,87]
.
1.2 Leuco-neutropénie
C'est la deuxième manifestation la plus
rencontrée : 60 à 75 % des patients stade SIDA
déclaré et 20 à 40% des
séropositifs.[81,88,89,90]
La lymphopénie est le témoin de
l'évolutivité de l'infection. Elle peut être
précédée au stade de primo-infection par un syndrome
mononucléosique.
La lymphopénie CD4 est un marqueur de la progression du
déficit immunitaire. Elle permet de prédire la survenue
d'infections opportunistes ou de néoplasies et d'orienter leur
diagnostic (par exemple la toxoplasmose cérébrale ou la
cryptococcose méningée apparaissent lorsque le taux de CD4 est
inférieur ou égal à 100 /mm3.
[91]
La neutropénie est surtout d'origine
toxique médicamenteuse. Elle est sans signification clinique sauf en cas
de maladie maligne associée qui nécessitera une
chimiothérapie. [81]
La neutropénie peut être due à l'atteinte
de la production et/ou à l'augmentation de la destruction des
leucocytes. Des anticorps fixés à la membrane des granulocytes
ont été observés chez près d'un tiers des individus
infectés par le VIH. La présence d'anticorps liés aux
neutrophiles ne permet pas d'augurer de la survenue d'une neutropénie.
L'atteinte de l'hématopoïèse est présumée
être la cause majeure de neutropénie due au VIH. En outre, des
troubles fonctionnels des neutrophiles ont été décrits
lors du SIDA. On ignore dans quelle mesure le défaut de neutrophiles
contribue à l'atteinte immunologique de l'hôte, et en particulier
à la mort des microbes. [52]
1.3 Thrombopénie
Fréquemment rencontrée au cours de l'infection
à VIH : 5 à 15 % des patients séropositifs.
[76, 89,90]
Elle apparaît très tôt au cours de
l'évolution et semble cependant n'avoir pas d'influence notable sur
l'évolution clinique, le sujet VIH séropositif ne
présentant que cette anomalie est d'ailleurs classé dans le
groupe A (Infection asymptomatique chronique) de la classification CDC
modifiée.[76]
Elle est souvent isolée et peut être transitoire.
Le plus souvent d'origine périphérique (auto-anticorps
anti-plaquettes et complexes immuns circulants) elle est associée
à la présence d'immunoglobulines liées aux plaquettes.
Cependant, l'incidence non négligeable d'immunoglobulines (de classe IgG
surtout) liées aux plaquettes (IgG-P) chez des patients
séropositifs non thrombopéniques retire à cette anomalie
biologique une partie de sa valeur diagnostique. La présence d'IgG-P en
l'absence de thrombopénie rend probable l'hypothèse de
l'existence et la persistance de particules antigéniques du VIH à
la surface plaquettaire.
On s'accorde à penser que l'association d'IgG-P et
d'une thrombopénie profonde n'est pas un argument décisif pour
expliquer l'hyperdestruction plaquettaire, un effet de dilution est connu quand
le chiffre des plaquettes est normal.
Les hypothèses physiopathogéniques des
thrombopénies VIH+ s'orientent actuellement vers deux directions :
Complexes Immuns Circulants (CIC) et autoanticorps antiplaquettaires :
· Rôle des complexes immuns
La prévalence nette des CIC au cours de l'infection par
le VIH concomitamment à l'existence d'une thrombopénie avait
permis d'affirmer le lien étroit entre présence de CIC et
survenue d'une thrombopénie. Cependant, le fréquent état
de polyinfestations rencontré chez les patients séropositifs
montrant l'absence de corrélation entre CIC et thrombopénie,
suggère que la présence de CIC pourrait n'être que la
conséquence de la thrombopénie, les plaquettes jouant un
rôle actif d'épuration des complexes immuns par le système
macrophagique.[76]
· Rôle des autoanticorps
antiplaquettaires
Un anticorps antiplaquettaire de 25 kDa et se fixant sur un
antigène de la membrane plaquettaire a été
récemment décrit. Il réagit également avec un
antigène provenant de virus Herpes Simplex types I et II en culture,
mais est distinct de la protéine du core du VIH. La
responsabilité de cet anticorps dans la thrombopénie demande
à être confirmée. Cependant la présence chez les
patients atteints de SIDA d'histiocytes médullaires engagés dans
un processus de phagocytose mérite d'être précisée
ainsi que le rôle des infections virales associées, si
fréquentes sur un tel terrain.
Un travail basé sur un modèle animal utilisant
un autre rétrovirus, le RMuLV (Rausher Murine Leukaemia Virus) a
proposé le rôle direct (ou indirect) du VIH lui-même dans le
développement de la thrombopénie au travers de l'infection des
mégacaryocytes et l'expression des antigènes viraux à la
membrane plaquettaire, induisant une production significative d'anticorps
antiviraux ; le rôle facilitant d'autres virus (herpes simplex types
I et II) n'est cependant pas exclu. [76, 92,
93,94]
Manifestations non spécifiques
A côté des cytopénies ci-dessus,
rencontrées à fréquence variable au cours de l'infection
à VIH ; on a des anomalies sanguines non spécifiques du VIH,
qui sont la traduction d'atteinte périphérique et/ou centrale.
Ces anomalies sont consignées dans le tableau XI.
Tableau XI. Anomalies
hématologiques non spécifiques au cours du VIH
[76]
ANOMALIES PERIPHERIQUES
|
- Bi- ou pancytopénie
- Cellules lymphoplasmocytaires
- Monocytes vacuolés
- Poïkilocytose
- Erythromyélémie
|
ANOMALIES MEDULLAIRES
|
- Hypercellularité ou hypocellularité
médullaire
- Dysérythropoïèse
- Aspect mégaloblastique
- Erythrophagocytose
- Raréfaction de adipocytes
- Dilatations vasculaires
- Hyperplasie mégacaryocytaire
- Dysmégacaryocytopoïèse
- Hyperplasie plasmocytaire
- Dysgranulopoïèse
- Dysmyélopoïèse
- Aplasie médullaire (SIDA confirmé)
- Myélofibrose
- Eosinophilie
- Sidéroblastes en couronne (rarement)
- Granulomes
- Fibrose réticulinique
- Histiocytose (rare)
- Infiltrats de lymphocytes atypiques
- Aspects de nécrose.
|
|