Selon l'article 2101 du code civil et l'article L 33-2 du
code du travail ivoirien, les salariés jouissent d'un privilège
général -sur les meubles et immeubles du débiteur- qui
garantissent le paiement des salaires dus aux employés. Les
créances garanties sont les six derniers mois de salaire pour les
bénéficiaires de ce privilège
énumérés par l'article 549 du code de commerce.
Pour les gens de service de l'article 2101 du code civil, ce
privilège prend en compte les salaires dus pour l'année
échue et ce qui est dû sur l'année courante. Cette
dérogation faite en faveur des gens de service est justifiée par
leur plus grande dépendance.
L'article L. 33-2 du code de travail prévoit un
délai différent. Ce délai est de douze mois lorsqu'il
s'agit des créances de salaire. Lorsqu'il s'agit d'allocations de
congés payés, il porte sur l'année suivant la date
où le droit à ces congés a été acquis.
Il y a lieu de mettre en rapport ces textes et d'opter pour
les dispositions du code de travail en vertu du principe selon lequel, les
règles spéciales dérogent aux règles
générales; le code du travail étant perçu comme un
texte spécial. Ainsi, lorsqu'il s'agira de créances de salaires,
le délai pris en compte sera de douze mois et lorsqu'il s'agira des
allocations de congés payées, ce sera I'année suivant la
date où le droit à ces congés a été
acquis.
Que faut-il entendre par l'expression "douze derniers de mois de
travail" ?
Le code de travail ne donne pas de réponse à la
question. Le code de commerce quant à lui dispose qu'il s'agit des six
derniers mois précédent le jugement déclaratif. Il faut
toujours considérer dans un souci de protection des salariés
qu'il s'agit des jours précédent la cessation de travail comme la
jurisprudence l'a décidé en ce qui concerne le super
privilège des salariés118.
Le privilège garantit les sommes dues en
rémunération des services du salarié quels qu'en soit la
dénomination (salaires, appointements, traitements), le mode de calcul
(à l'heure, à la semaine, au mois, à la commission) et la
composition (principal et accessoires s'analysant en prime, gratifications,
congés payés, allocations familiales).
Le privilège garantit aussi les indemnités dues
en raison de l'inobservation du délai de préavis, les
indemnités de licenciement puis les dommages et intérêts
versés à la suite d'une rupture de contrat de travail selon
l'article L 33-3 du code du travail.
Bien que paraissant constituer une garantie efficace, ce
privilège souffre en réalité de plusieurs faiblesses.
D'abord, son rang n'est pas excellent lorsqu'il est en concours avec les autres
créanciers. Selon les articles 2101 et 2104 du code civil, le
privilège général des salaires occupe le quatrième
rang après :
· les frais de justice
· les frais funéraires
· les frais de dernière maladie.
Dans le projet OHADA, il occupe le septième rang
après :
· les frais de justice
· le super privilège
· les créanciers gagistes ou nantis
· les privilèges généraux
· les frais d'inhumation
· les frais de dernière maladie
Lorsque les créanciers munis d'un privilège
général sont en concours avec les créanciers
hypothécaires, ceux -ci occupent un rang favorable car ils sont
titulaires d'une sûreté réelle spéciale,
contrairement aux salariés qui ont un privilège
général. Cette priorité est fondée sur le principe
selon lequel les règles spéciales dérogent aux
règles générales.
Il faut préciser qu'en réalité,
malgré l'existence du privilège ordinaire, le paiement des
salaires reste hypothétique faute de disponibilité ou d'actif
suffisants. Cette situation a pour conséquence le fait que ces
créanciers ont en théorie un privilège mais en
réalité se retrouvent sans argent. Or que vaut un
privilège si son exercice n'est pas excellent ?
C'est la raison pour laquelle en France, un régime
d'assurance a été institué dans le but de garantir
à cent pour cent le paiement des salaires en cas de défaillance
de l'entreprise. Sa gestion est confié à I'A.G.S. (Association
Nationale pour la Gestion du Régime d'Assurance des Créances des
Salariés).
La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (C.N.P.S.) en
Côte d'Ivoire pourrait s'en inspirer afin que ce privilège soit
effectif.
SECTION II : LES CREANCES ANTERIEURES AU
JUGEMENT
DECLARATIF GARANTIES DE SURETES REELLES
SPECIALES
En plus des salaires certaines créances
antérieures au jugement déclaratif bénéficient de
sûretés qui leur donnent un rang prioritaire par rapport aux
créances postérieures. Cette priorité est justifiée
par le fait que ces créances garantissent un droit antérieur au
jugement déclaratif.
Ces sûretés n'ont pas la même portée
selon qu'elles sont exercées sur les biens
meubles (Paragraphe I) ou sur les biens
immobiliers du débiteur (Paragraphe II).