Il s'agit des contrats conclus intuitu personae (A)
et des contrats résolus au jour du jugement déclaratif
(B).
A - Les contrats conclus intuitu
personae
Est déclaré conclu intuitu personae, un contrat
conclu en considération de la personne des parties contractantes; de
sorte que l'un et l'autre ont vu leur consentement déterminé par
cette considération.
Ces contrats impliquent une idée de confiance mutuelle
qui y joue un rôle prépondérant. En effet, les parties sont
présumées n'avoir fait confiance qu'au seul cocontractant. Cet
élément de confiance a amené le législateur
à ne pas maintenir ces contrats lorsque l'un des cocontractants est en
cessation de paiement.
Ainsi, les contrats conclus intuitu personae sont-ils
résiliés de plein droit dès l'ouverture d'une
procédure collective. A leur égard, le syndic n'a aucune
faculté d'option. Ce principe de la résiliation de plein droit
des contrats conclus intuitu personae ne ressort pas expressément du
code de commerce. Ce sont de nombreuses dispositions du code civil qui
l'admettent.
En effet l'article 2003 al 3 du code civil (relatif au mandat)
sur lequel s'est formé cette opinion, met fin au mandat en cas de
déconfiture de l'une des parties. La solution énoncée pour
la déconfiture est appliquée en cas de faillite44
De même, l'article 1865 al 4 dispose que le contrat de
société finit par la déconfiture de l'un des
cocontractants.
Dans le projet OHADA, ce principe résulte d'une
disposition expresse de l'article 107 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives selon lequel dans les contrats conclus en
considération de la personne du débiteur, la cessation des
paiements est une cause de résolution du contrat.
La détermination du caractère intuitu personae
est une question
44 Cass., Civ., 12 Novembre 1809, Dalloz, 1891, 1,
408
d'interprétation de la volonté des parties. Il
faut préciser que ces contrats peuvent ne pas être
résiliés de plein droit par le moyen d'une clause
insérée au contrat.
B - Les contrats résolus
Certains contrats sont définitivement résolus
au jour du jugement déclaratif. Ils sont donc exclus du maintien des
contrats. Cependant, d'autres ont fait l'objet d'une demande en
résolution judiciaire sur laquelle il n'a pas été
définitivement statué au jour du jugement déclaratif. Quel
est le sort de ces contrats? Enfin, il se pose le problème du sort des
contrats contenant une cause résolution expresse.
1 - Les contrats définitivement résolus
Ce sont des contrats qui au jour du jugement déclaratif
de faillite ou de liquidation judiciaire, n'existent plus.
Il s'agit en premier lieu des contrats résolus de
plein droit par une clause résolutoire expresse qui a déjà
joué avant le jugement d'ouverture. Ainsi ne constitue pas un contrat en
cours, un contrat de crédit-bail contenant une clause de
résiliation de plein droit (en cas de non-paiement à une
échéance d'un seul terme du loyer) lorsqu'avant le jugement
déclaratif, la société bailleresse a, par une lettre
recommandée avec accusé de réception,
réclamé le paiement des loyers acquis en mentionnant la sanction
qui y est attachée45.
En second lieu, nous avons les contrats dont la
résiliation est intervenue avant le prononcé du jugement
d'ouverture. C'est l'hypothèse d'un contrat de bail qui a
été résolu avant le jugement d'ouverture. Ce contrat
n'existe plus à cette date et ne peut faire partie du domaine du
maintien des contrats en cours.
En troisième lieu, nous avons les contrats qui ont
fait l'objet d'une résolution amiable entre le débiteur et son
cocontractant avant le jugement d'ouverture. Une telle résiliation est
valable et ce contrat est donc exclu du principe du maintien des contrats en
cours.
45 Aix en Provence, 17 Décembre 1976, D.,
Sirey, 1977, info., Rap., 319
Enfin, nous avons les contrats qui ont fait l'objet d'une
résolution amiable entre le débiteur et son cocontractant avant
le jugement d'ouverture. Une telle résiliation est valable et ce contrat
est donc exclu du domaine du principe du maintien des contrats en cours.
2 - Les contrats en cours de résolution
C'est l'hypothèse dans laquelle le cocontractant du
débiteur introduit une demande en résolution judiciaire bien
avant le prononcé du jugement déclaratif mais qu'à cette
date, le tribunal ne se prononce pas sur cette demande. C'est par exemple, le
cas du bailleur qui introduit une demande en résiliation du contrat de
bail pour défaut de paiement les loyers antérieurs au
jugement.
Quel est le sort d'un tel contrat ?
La jurisprudence 46 considère que lorsque
le contrat est né antérieurement au jugement déclaratif
mais que le jugement qui accorde les dommages et intérêts est
postérieur à la faillite, la date de ce jugement importe peu, car
si le droit du créancier est antérieur à la faillite, le
jugement est seulement déclaratif de droit.
Les créances de dommages et intérêts sont
considérées comme les créances dans la masse de même
que le montant des loyers impayés. Le contrat est
considéré comme né antérieurement au jugement
déclaratif et il fait partie des contrats que le syndic peut maintenir
dans le cadre de la continuation de l'exploitation. Cependant ce maintien ne
sera d'aucune utilité puisque le créancier a demandé la
résiliation du contrat.
3 - Le problème des contrats contenant une clause
résolutoire expresse
Il arrive que le débiteur et son cocontractant
insèrent dans leur contrat une clause résolutoire expresse par
laquelle le contrat sera résolu en cas de survenance d'une cessation des
paiements. Il s'est posé le problème de la valeur d'une telle
clause. En effet, l'on s'est demandé quel serait l'incidence de la
cessation de paiements sur les contrats contenant une clause résolutoire
expresse.
46 Seine Co., 1936, 6 Juillet 1936, Gaz., Pal., 1937.
2. 655, note C.
Le code de commerce ne répond pas expressément
à cette question, si bien que la jurisprudence et la doctrine
française ont essayé d'y trouver une solution. La jurisprudence
et la doctrine classique 47 admettent sans discussion de telles
clauses, par application des principes du droit commun.
Ces clauses constituent un pacte commissoire. Elles ont
l'avantage d'apporter une prompte solution à la question puisque le
contrat est résilié de plein droit. Le fondement de cette
thèse est le principe de la liberté contractuelle. Dans la mesure
où les parties ont librement convenu d'une telle clause, il y a lieu
d'en admettre la validité. Les tribunaux 48ont admis la
validité d'une telle clause dans le louage d'immeuble et le contrat de
vente de meuble notamment, quand le contrat emporte livraisons successives.
Le souci de protéger la masse a valu à
l'admission de la clause résolutoire expresse, une hostilité
croissante de la jurisprudence française 49 Cette
hostilité résulte de la crainte qu'un tel principe ne devienne
très vite une clause de style permettant au cocontractant de ne pas
demander en justice la résolution du contrat. L'on craint
également que le fonctionnement d'une telle clause, ne paralyse le droit
d'option du syndic, qualifié d'ordre public par Michel
PEDAMON50.
La cour de cassation française, 51 se
fondant sur le caractère impératif de l'article 551 al 1 du code
de commerce a jugé que la mise en oeuvre de la clause résolutoire
expresse pouvait être paralysée par l'offre d'exécution du
syndic même, lorsque la livraison des marchandises n'a pas
effectuée.
Le droit positif ivoirien, fondé sur le code de
commerce de 1807 et la jurisprudence française antérieure
à 1960, nous amène à adopter cette solution classique qui
admet la validité de telles clauses.
Pour mettre un terme à ce débat, le projet OHADA,
adoptant la position de la
47 Cass. Civ., 1er Avril 1936, D. H.,
1936, 281 ;
Cass., Civ., 1er Avril 1936, Sirey 1937, 1, 95
48 Voir arrêt précité
49
Cass. com., 29 Mai 1962, J. C. P. 1962. 2.
12886
50 Michel PEDAMON : Des clauses résolutoires
expresses pour cause de faillite ou de règlement judiciaire dans les
ventes mobilières, Dalloz 1963, chron., 145
51 Cass., com., du 29 Mai 1962,
précité
doctrine et de la jurisprudence françaises actuelles
va, par des dispositions claires trancher la question. En effet l'article 107
de l'acte uniforme sur les procédures collectives dispose clairement que
"la cessation des paiements déclarée par décision de
justice n'est pas une cause de résolution et toute cause de
résolution pour un tel motif est réputée non
écrite". Ainsi, les parties au contrat ne peuvent valablement
insérer dans leur contrat de telles clauses qui, selon le projet OHADA
sont réputées non écrites.
Les contrats en cours d'exécution ne sont pas maintenus
ipso facto, ils sont soumis à un droit d'option.
SECTION II : LE DROIT D'OPTION
Le maintien des contrats qui unissent le débiteur
à ses fournisseurs, banquiers et clients peut être
nécessaire et indispensable à la continuation de l'entreprise.
Aussi est-il instauré un régime général d'option
par lequel sont déterminés les contrats à maintenir.
Nous verrons, d'une part, comment est exercé ce droit
d'option (paragraphe I) et d'autre part, les garanties
offertes au cocontractant (Paragraphe II).