Une des innovations du droit des procédures
collectives dans le projet OHADA est la suppression de l'obligation solidaire
existant entre le gérant libre et le loueur. Cette solidarité
avait été instituée pour lutter contre la
spéculation à laquelle se livraient les loueurs de fonds de
commerce.
Il s'agissait de faire participer le bailleur aux risques de
l'exploitation. Cette mesure a entraîné la désapprobation
de la doctrine qui s'oppose au fait que le propriétaire soit tenu alors
qu'il demeure complètement étranger à la gestion du fonds.
Ainsi, les créanciers du gérant qui connaissent le contrat,
bénéficient sans raison d'une situation privilégiée
par rapport aux autres créanciers.
Désormais, il n'existe plus de responsabilité
solidaire du propriétaire du fonds de commerce avec le
locataire-gérant, pour les dettes contractées par celui-ci
à l'occasion de son exploitation.
En droit positif ivoirien, l'article 9 de la loi du 27
juillet 1972 relative à la locationgérance des fonds de commerce,
stipule que «l'article 8 de la même loi qui prévoit la
solidarité entre le locataire et le bailleur ne s'applique pas au
contrat de location gérance passé par les mandataires de justice
chargés, à quelque titre que ce soit, de l'administration d'un
fonds de commerce, à condition qu'ils aient été
autorisés aux fins des dits contrats par l'autorité de laquelle
ils tiennent leur mandat et qu'ils aient satisfait aux mesures de
publicité» 38.
L'exclusion de la responsabilité solidaire du loueur
et du locataire-gérant est expressément
formulée par l'article 117 al 1 du projet OHADA inspiré du
décret
38 La question de la détermination du bailleur
s'était posée car la loi de 1972 ne règle pas cette
interrogation. En se référant au droit français
antérieur à 1960, on peut dire que dans ce contrat, le bailleur
c'est la masse des créanciers. En général le contrat est
conclu au nom et pour le compte de la masse.
L'admission de la responsabilité solidaire de la masse
n'a pas toujours été admise. Certains auteurs ont estimé
que la masse doit répondre des dettes du locataire- gérant.
D'autres au contraire, s'appuyant sur l'origine de la masse des
créanciers estiment inadmissibles que les créanciers constituant
la masse soient considérés comme débiteurs avec un
locataire-gérant qu'ils ne connaissent pas. .
La responsabilité solidaire de la masse est donc
controversée. Selon nous, il n'y a pas lieu de l'admettre car elle n'est
pas conforme a l'esprit de la procédure.
français de 1956 qui a supprimé cette obligation
solidaire. Une telle disposition lève ainsi les obstacles à la
mise en location-gérance d'une entreprise.
En droit positif ivoirien, cette exonération est
subordonnée à l'existence de deux conditions: La première
tient au fait que l'autorisation de louer doit avoir été
donnée par l'autorité de laquelle les mandataires de justice
tiennent leur mandat (il s'agit en l'occurrence du tribunal et non pas le juge
commissaire). Cette solution ne ressort pas expressément du code de
commerce. Cependant, nous pensons avec Charles KOUASSI 39qu'il y a
lieu de soumettre la conclusion de ce contrat à l'approbation du
tribunal.
L'article 470 du code de commerce subordonne la continuation
de l'exploitation à l'approbation du tribunal, ce qui témoigne du
caractère exceptionnel de cette continuation. Il n'y a pas de raison que
s'agissant de l'exploitation par un tiers, les conditions soient moins
strictes, d'autant que la masse court toujours de grands risques en ce qui
concerne la conservation du gage que constitue le fonds de commerce.
A l'égard de la liquidation judiciaire, un
problème se pose : l'exonération de l'article 9 de la loi du 27
juillet 1972 ne semble s'appliquer que lorsque l'on est en présence de
mandataires chargés de l'administration du fonds de commerce.
L'interprétation stricte de cet article semble exclure le liquidateur
judiciaire qui ne fait qu'assister le débiteur.
Selon nous, il appartient aux tribunaux d'interpréter
ce texte de façon souple afin de l'appliquer à la liquidation
judiciaire car la différence entre ces régimes ne s'impose pas.
Sur ce point, la jurisprudence française a opté pour la
thèse de l'assimilation. Pour elle, il n'y a pas lieu de distinguer le
cas de la faillite de celui de la liquidation judiciaire.
La cour d'appel de Toulouse a, dans un
arrêt40 opté pour l'unicité de régime
entre la faillite et la liquidation judiciaire en décidant qu'il serait
erroné de ne
39 Charles KOUASSI : Traité des faillites et
liquidation judiciaires en Cote d'Ivoire, ed. SOCOGEC, 1987, page 134, n°
341
40 Cour d'appel Toulouse 6 décembre 1966 D.S. 1967 page
324 à 325 note Jacqueline RUBELLIN- DEVICHI
voir dans le liquidateur (administrateur en droit
français) qu'un "assistant pur et simple".
Cette solution est celle qui paraît la plus conforme
à l'esprit de l'article 9 de la Loi du 27 juillet 1972, car il n'y a pas
de raison que le commerçant en liquidation soit plus rigoureusement
traité que le failli qui, par définition est moins digne
d'intérêt.
Pour que cette exonération soit appliquée dans
la liquidation judiciaire, la location-gérance devra être
décidée par l'autorité compétente. La loi de 1889
ne nomme pas l'autorité ayant compétence pour en décider.
Toutefois, il faut préciser que bien que l'article 6 de la Loi du 4 mars
1889 permette la continuation du fonds sur autorisation du juge commissaire, en
raison de la responsabilité solidaire qui pèse sur la masse
durant les six premiers mois, l'autorisation du tribunal paraît
nécessaire.
La deuxième condition tient à l'accomplissement
de mesures de publicité.
Il s'agit de l'accomplissement des formalités de
l'article 2 de la Loi du 27 juillet 1972. Ce sont, d'une part, la publication
du contrat de location-gérance dans la quinzaine de la date du contrat
et d'autre part, de la modification du registre du commerce avec la mention
expresse de la mise en location-gérance.
Le contenu de cet extrait ou avis publié n'est pas
précisé mais il devra être suffisamment complet pour que
les tiers soient clairement informés.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, le loueur du
fonds n'est pas tenu du passif du locataire gérant pendant les 6
premiers mois. Le défaut d'existence de ces conditions fait survivre
cette responsabilité solidaire. Ainsi, le bailleur sera tenu
solidairement. De même, si les mesures de publicité ont
été effectuées tardivement, cette responsabilité
solidaire sera maintenue.
TITRE II : NECESSITE DU MAINTIEN DE L'EXECUTION
DES
CONTRATS EN COURS
Avant le jugement d'ouverture de faillite ou de liquidation
judiciaire, le débiteur était à la tête de son
entreprise qu'il gérait. Au cours de cette gestion, des contrats ont
été conclus entre lui et ses contractants.
Après le jugement d'ouverture, une nouvelle gestion de
l'activité est amorcée; il s'agit de la gestion au nom et pour le
compte de la masse.
Quel est le sort des contrats conclus par le débiteur
antérieurement au jugement d'ouverture ? L'on s'est demandé si
ces contrats sont résolus ou maintenus de plein droit pendant la
continuation. Après de nombreuses hésitations, le principe du
maintien des contrats en cours au jour du jugement a été admis.
En effet, l'on s'est rendu compte que le maintien du réseau contractuel
du débiteur peut être utile, voire indispensable à la
continuation de l'exploitation. C'est le cas par exemple du contrat de bail qui
maintient la clientèle du débiteur. La résiliation d'un
tel contrat porterait un coup à l'exploitation de l'entreprise.
Ce maintien des contrats en cours répond à la
prise en compte de deux intérêts :
· d'une part, l'intérêt de l'entreprise pour
qui le maintien peut être une opportunité pour
générer des fonds;
· d'autre part, celui des créanciers et des
salariés.
Aussi a-t-on instauré deux régimes de maintien
des contrats en cours au jour du jugement: un régime dit
général parce que s'appliquant à tous les contrats, qui ne
revêt aucune particularité (CHAPITRE I). Un
autre, dit spécial dans lequel certains contrats sont maintenus avec des
aménagements (CHAPITRE II).