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Formation professionnelle et professionnels formateurs : le cas des stages cliniques infirmiers

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par Gaà¯ta Le Helloco-Moy
Université Bordeaux 2 - Master 0000
  

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4.2 - Le travail en équipe : mythe ou réalité ?

Si nous partons du principe que l'équipe infirmière est effectivement une équipe dans le sens d'un groupe de personnes unies par une tâche commune, il apparait ici que ce que nous observons c'est l'action de construction du futur professionnel à travers les actions d'enseignement des professionnels. Ceci reste dans le cadre du travail infirmier puisque cela fait partie intégrante de ses fonctions. Le mode d'interrogation utilisé pour le recueil de données a donc ajouté la dimension du collectif et c'est probablement par ce biais que nous nous sommes retrouvée confrontée à des attitudes d'équipe face à un problème plutôt qu'une juxtaposition de points de vue. En plus des hochements de tête et des assentiments par onomatopées relevés tout au long de tous les entretiens, lors du deuxième entretien, une infirmière nous dit de manière totalement explicite : « voilà, on est d'accord (...) c'est pour cela que l'on travaille dans la même équipe !! » (S) Nous avons ici compris que l'accord de paroles venait d'un travail en équipe plutôt que d'un choix de travail en fonction de l'équipe, même si des liens se créent effectivement au sein de ces équipes. Nous avons effectivement ressenti des cohésions au sein de chaque groupe qui dépassent la probabilité d'avoir systématiquement regroupé ensemble des professionnels ayant des liens d'amitié au sein de chaque équipe rencontrée. Comme le notifient les infirmières du premier entretien, lors de la prise en charge des étudiants par l'infirmière référente, «  il y a aussi une aide extérieure par un encadrement ponctuel sur un soin » (A), « cela permet de voir ce que nous on n'aura pas forcément vu et qu'elle pourra nous dire même ce qu'on n'aura pas vu » (B).

Dans un élan de groupe, l'ensemble des infirmiers interrogés pointe l'importance d'évaluer le niveau des étudiants lorsqu'ils arrivent car, comme le dit un des infirmiers du troisième groupe : « c'est vrai que le cursus maintenant, avec les stages en psy etc. etc. qu'elle n'ait pas beaucoup de technique... » (R). Ainsi les professionnels nous annoncent unanimement qu' « on lui demande aussi quel a été son parcours de stage » (A), « où est-ce qu'elle en est, c'qu'elle sait faire c'qu'elle peut faire machin lalala » (V) ou encore « d'abord tu demandes, oui » (C). Le deuxième groupe nous affirme en plus que « c'est aussi en fonction de ce que l'étudiant nous renvoie de son assurance et des stages précédents qu'il a faits (...), c'est la base de la conduite du stage aussi, c'est ce qui va nous permettre de savoir déjà quelles sont les craintes, quels sont les points forts, les points faibles » (S). Il semble donc que l'attitude des professionnels se fera ici en fonction du niveau auquel prétend être l'étudiant ce qui pose le questionnement de l'adéquation entre ce qu'il prétendra et le ressenti des professionnels. Autant, en termes de technicité, il apparait simple de réaliser des outils permettant de définir ce niveau, autant, sur le plan relationnel et pour les attitudes professionnelles, il semble clairement que les questions restent en suspens à l'heure actuelle, ce qui engendre d'ailleurs certaines difficultés. La prise en compte du niveau auquel est l'étudiant, une information ainsi reprise par le premier groupe interrogé : « ce qui va primer [dans l'évaluation] c'est si il y a une évolution dans le stage » (A), montre l'importance de la connaissance du niveau duquel part l'étudiant. Cependant, ce groupe ayant évoqué cet aspect de l'évaluation conclut tout de même par la constatation que « la progression ne sera quand même pas la même qu'un autre étudiant de 3e année donc on ne peut donc pas mettre la même note non plus ni l'appréciation » (A). De cet aspect d'évaluation, le troisième groupe reprend l'évolution liée à la réforme en renforçant l'importance que prennent les professionnels dans l'évaluation, avec la disparition des mises en situation professionnelles évaluées. Ces MSP sont, aujourd'hui encore, la plupart du temps typiquement effectuées par un formateur et le cadre infirmier du service, et nous pouvons dire que les professionnels qui s'expriment sur ce sujet apprécient le changement qui devrait en découler :

« M : Et, le côté positif de la réforme, qui est majeur, c'est que maintenant ce sont des professionnels qui vont évaluer la pratique professionnelle, ce ne sont plus.. c'est plus un jury, ce ne sont plus les écoles. Ce sont les professionnels ! Et ça c'est une très bonne chose puisqu' on arrivait à un système un peu comme le permis de conduire : Le permis de conduire n'a rien à voir avec la manière de conduire sur la route derrière, c'est une ineptie ! Tous les professionnels de l'automobile le disent, c'est une ineptie un permis de conduire comme cela !

Nous à notre époque c'était un petit peu ça, on avait des jurys qui venaient d'endroits divers et variés, qui s'attachaient chacun avec leurs « dadas » techniques qui n'avaient rien à voir avec la réalité du service, il fallait faire un soin dans le cadre du DE (Diplôme d'Etat), au jour d'aujourd'hui ça va être dans le service où il passe la pratique qu'ils vont être évalués par leurs pairs, dans le service, et là on va avoir.. c'est une évaluation professionnelle, ça c'est essentiel. (...)

R : C'est vrai que par expérience on a quand même vu, de nombreuses fois, des enseignants, surtout dans notre service, où on est quand même, bon en réanimation, je ne sais pas combien cela représente ceux qui ont travaillé en réanimation par rapport à un service de chirurgie ou de médecine, donc on a des pratiques et des démarches de soins qui sont complètement différentes, un concept d'organisation qui est complètement différent aussi et on a vu des enseignants ne pas s'adapter à la spécificité du service quoi, en demandant même à l'élève une démarche, enfin une procédure.. je ne trouve pas le mot.... de respecter une procédure d'école qui n'est pas adaptée à notre service !

M : J'vais même vous citer un exemple tiré de mon expérience personnelle, bon c'est vieux mais ça a existé ! Moi j'ai fait, on avait la possibilité, j'ai fait... ma grosse dernière année d'étude au service des grands brûlés, stage temps plein, plusieurs stages et tout, je devais aller travailler là-bas et... bon, le contexte de l'époque a fait que j'ai pas pu aller travailler là-bas.. Et donc j'ai eu ma dernière évaluation avant le DE (diplôme d'Etat) en salle de pansements des brûlés c'est-à-dire à 37°C dans la salle, les baignoires les ci les là, détersion des plaies etc. etc. et on m'avait envoyé une... une formatrice je sais plus, d'Agen, je sais plus trop d'où elle était, enfin bref, elle arrive là-dedans, enfin elle a dû voir dix minutes du soin, pouf elle est tombée dans les pommes et elle s'est réveillée trois quarts d'heure après. Bon, évidemment, le médecin chef, bon le patron actuel mais il était chef de clinique à l'époque, bon on avait fait du bien lourd, du bien gras, il était mort de rire : il m'a dit, « aujourd'hui je te fais tomber l'oreille ».

Brouhaha et rires

Bon, malgré cela, j'ai eu ma dernière note là-dessus, elle m'avait dit : « bon, pour ce que j'ai vu, c'était bien », ça c'est sûr, c'était bien... bon c'est un exemple

R : Mais en plus, pour l'image que peuvent donner les formateurs aux élèves, je trouve, pour eux, qu'il y a une perte de crédibilité des fois des enseignants quand ils viennent sur le... les élèves se rendent compte quand même des lacunes de leur enseignant et je trouve qu'après... forcément ces élèves vont le rapporter à leurs collègues et il y a une perte de crédit et cela peut être dangereux je crois, enfin, je ne savais pas que cela allait être à ce point-là mais c'est très bien que ce soient les gens du service qui... parce que... moi il m'est arrivé, je ne sais pas si tu te rappelles, lors de la mise en place... la première année d'existence du PRODAFALGAN®, il fallait mettre les gants, c'est une recommandation, parc'qu'il y avait des allergies cutanées et, j'ai fait une évaluation, cela faisait 6 mois que cela existait quand même, une évaluation avec une élève, bon c'est une histoire vécue, bon, il doit y avoir 4-5 ans, plus que cela peut-être et donc, l'élève prépare du DAFALGAN® et met donc des gants et se fait reprocher par l'enseignante d'avoir fait un excès de zèle en matière d'asepsie en mettant les gants, non stériles évidemment. Elle lui dit : « hé bé non, c'est obligatoire pour la préparation, c'est une recommandation du laboratoire etc. etc. » et perte de crédit de l'enseignant là quand même pour lequel l'élève cela fait 6 mois qu'il prépare du PERFALGAN® avec des gants quoi, et là ...pfiouuuu. Bon, c'est énorme comme exemple mais cela montre quand même le peu de réalité quotidienne de l'enseignant et je pense que ... voilà. » (M+R, E3, 249-304)

Cependant, lorsque nous reprenons la difficulté retrouvée dans ce qu'il faut évaluer, dextérité, évaluation ou un mélange des deux, nous devons ici modérer l'enthousiasme de ces deux infirmiers en notant qu'aucune formation à l'évaluation n'est dispensée durant le cursus infirmier et que les disparités risquent d'être nombreuses et importantes non seulement d'un professionnel à un autre mais d'avantage encore d'un service à un autre. Ceci fait partie du futur mais il est intéressant de noter que cet état des choses est déjà relevé et fait l'objet de réflexions de la part des professionnels en place. L'argumentation de ces infirmiers est tout à fait légitime mais il appartient maintenant aux praticiens de démontrer leurs capacités à évaluer de manière consensuelle sur l'ensemble des stages effectués par l'ensemble des étudiants en Soins Infirmiers de France.

La seule différence notable entre les groupes, ici, est l'observation de l'absence d'accueil retrouvée et mise en lumière par le troisième groupe : « c'est bizarre qu'on ne présente pas le service, qu'au bout d'une heure on passe sur un soin spécifique technique » (R) ; « les présentations de service, c'est une petite lacune dans les formations. On y est confronté assez souvent sur le sujet » (M). C'est un effort d'analyse que font alors les professionnels pour tenter de détecter les causes d'erreurs des étudiants ou tout au moins la recherche d'une mise en confiance des étudiants, reliant le fait que ces deux groupes donnent la confiance d'emblée et tentent donc toujours de faire en sorte qu'elle s'épanouisse. Ainsi, le dernier groupe manifeste que «c'est un peu rapide et je comprends que l'étudiante se sente, non pas agressée mais... trop vite sollicitée dans le soin finalement parce qu'il faut toujours un temps d'observation, d'écoute et puis voir un petit peu comment cela se passe, repérer les lieux » (V), et ce en faisant un parallèle avec leur propre expérience, relatant que « nous, quand on arrive dans un endroit qu'on connait pas, la première chose qu'on veut faire c'est voir comment c'est, prendre conscience de son environnement » (V).

Le travail d'équipe s'effectue donc ici entièrement sur la base d'une complémentarité apportée par certains professionnels. L'équipe infirmière est donc bien une réalité pour les acteurs, existant à travers la continuité des soins, les transmissions et l'intégration de chaque nouveau professionnel au sein de cette équipe cohésive. Sans nier l'individu, cette équipe vise cependant un but commun sans que l'on sache pour autant quand a démarré ce collectif si fort qu'il pourrait presque être comparé aux mythes fondateurs tellement il semble difficile aux professionnels de penser le soin en milieu hospitalier en dehors du groupe et de la cohérence au sein de ce groupe ; l'empêchant même parfois de discerner qui de l'équipe ou du travail est apparu avant l'autre.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe