3 - L'action à
analyser : de l'interactionnisme symbolique à l'utilisation de la
microsociologie
L'action de formation que nous souhaitons analyser au sein des
stages cliniques correspond à toutes les interactions formelles ou
informelles, explicites ou implicites qui peuvent exister au sein de ces stages
entre infirmiers et professionnels. Dans ce travail nous souhaitons rendre
compte des logiques mises en oeuvre par chacun des acteurs dans le sens de
Goffman : « je ne m'occupe pas de la structure de la vie sociale
mais de la structure de l'expérience individuelle de la vie
sociale. » (Goffman, 1991, 22) Rendre compte de la
réalité selon les schèmes mis en place par les acteurs
c'est tenter d'étudier les circonstances d'apparition de cette
réalité aussi. Dans la lignée des travaux de Goffman et en
parallèle avec ceux de Bourdieu, notamment dans Le sens
pratique, nous avons souhaité comprendre ce qui permettait à
un étudiant de devenir infirmier et reconnu en tant que tel par ses
pairs au sein des stages, dans son évolution durant ces périodes
et en fonction de ce qui semble être demandé par l'ensemble du
corps des infirmiers dans la structure observée.
Nous ne verrons ici qu'un instantané d'une
réalité circonscrite aux limites de l'échantillon et nous
ne prétendrons pas définir le réel uniquement par ce qu'en
dit l'acteur mais aussi à travers ces actions. Nous ne pourrons pas non
plus rendre compte de l'évolution de cette réalité et
c'est bien ce qui empêche le caractère décisif de
l'analyse, et ce bien qu'à l'instar de Goffman nous tenterons de
répondre à la question : « que se passe-t-il
ici ? » (id., 16) La question centrale posée par Goffman
est « dans quelles circonstances pensons-nous que les choses sont
réelles ? » (ibid., 10) Et, en utilisant les outils qu'il a
construits pour penser l'activité sociale, les rôles sociaux et le
degré de réalité que nous leur accordons, nous analyserons
les différents niveaux de réalité et nous proposerons
d'analyser non pas ce qu'est le réel mais dans quelles conditions sont
produites des impressions de réel ou de fiction. « Nous devrons
donc réserver le terme réel, effectif, littéral, pour
indiquer qu'une activité n'est pas plus transformée qu'il ne
paraît habituel ou normal de le faire » (op.cit, 56)
Nous suivrons Bourdieu dans l'idée que les pratiques ne
peuvent être comprises en dehors du contexte dans lesquelles elles
prennent vie et qu'elles participent d'ailleurs à construire en retour.
Les pratiques des professionnels ne peuvent être comprises en dehors de
celles des étudiants dans notre recherche puisqu'elles participent
ensemble à la création de ce contexte et,
« caractériser tout élément par les relations
qui l'unissent aux autres en un système, dont il tient son sens et sa
fonction » (Bourdieu, 1980, 11), nous a donc
semblé ici indispensable. Un mode de pensée relationnel, c'est ce
que nous allons nous efforcer de conserver durant l'analyse afin de
déterminer la logique des cadres des représentations, des
représentations des pratiques et des actions en elles-mêmes, sans
pour autant verser dans le rationnel à tout prix et, au contraire,
composer avec les incohérences que nous ne manquerons pas de rencontrer.
Ces incohérences, une fois intégrées dans les cadres,
devraient nous permettre de rendre compte de la combinaison des
habitus des acteurs pour donner un sens à leurs pratiques.
L'individu trouve en effet une lisibilité du monde grâce à
cette combinaison, justifiant ainsi ses pratiques alors rendues naturelles,
dans une logique de l'évidence que nous cherchons donc à
déconstruire pour mieux mettre à jour ces combinaisons.
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