Section I. Le contexte historique d'étude de la
société Bamiléké
Ce chapitre s'appesantit sur l'origine du mot
Bamiléké. Pour PERROIS et NOTUE (1997, 21), Le terme
Bamiléké est inconnu au XIXe siècle. Ces
derniers notent que selon la tradition orale, l'un des explorateurs allemands,
émerveillé par le beau paysage du mont Bamboutos qu'il apercevait
devant lui, demanda au guide-interprète comment s'appelaient les
habitants de cette région. Il lui répondit
"Mbalékéo". En citant Jean Louis DONGMO, ils affirment
:
Il s'agit en fait d'un vocable administratif, un
néologisme, apparu et très vite largement utilisé à
l'époque coloniale, issu de la déformation de l'expression locale
Mbalekeo, à la fois mal entendue et mal prononcée, qui signifie
en langue Bali "les gens d'en bas.
Il est à constater que ce terme est d'autant
étranger aux autochtones qu'aux allogènes. Pour GHOMSI (1972,
10), «le mot est d'origine et d'usage très récent
».
mot est un monstre de corruption contenant autant de fautes
que de syllabes. Quant à Lucien GRAY, administrateur à Dschang
à la période Française, Mbuleke indique la
position géographique du pays compris entre les monts Bamboutos au nord,
Fodonera à l'ouest, Fontsa-Fomepea au sud et Bafoussam à l'est.
Il décortique l'appellation du guide interprète comme suit :
BA = Les gens de ; LEKEO =
trou, ravin, bord de la falaise, en bas... Cette hypothèse est
très proche de celle du Père STOLL et confirmée par les
documents allemands. En effet, le lieutenant Allemand RAUCH décrivant la
population qu'il rencontre au cours d'une expédition en 1910 dans la
région comprise entre le Noun et le Nkam, note : «La région
est peuplée d'une race bien bâtie, grande et étroitement
apparentée aux populations installées autour de Dschang et qui
portent le nom de Bamiléké.» (PERROIS et NOTUE, 1997)
Nous pouvons affirmer que malgré elles, les populations
vivant dans cette partie occidentale du territoire ont accepté et
adopté l'appellation Bamiléké (une erreur de l'histoire)
qui leur a été imposée comme une erreur de traduction.
Carte 1 : La province de l'Ouest dans le
Cameroun et en Afrique, reproduite à partir de celle de Negha, J, 1976,
L'ascension dans la société traditionnelle : étude de
la chefferie Bansoa en pays Bamiléké (Ouest
Cameroun)
Section II : Présentation de Bansoa
1- Situation administrative
Partie intégrante des pays Bamiléké,
l'Arrondissement de Penka-Michel dans le Département de la Menoua,
Province de l'Ouest, est constitué de quatre villages à savoir
Balessing, Baloum, Bamendou et Bansoa. Ce dernier est le plus vaste en
superficie et reçoit tous les services administratifs de
l'Arrondissement.
2- Situation géographique
Il est compris entre le 5°22 et le 5°33 de latitude
Nord et entre le 10°13 et le 10°21 de longitude Est et couvre une
superficie de 113 Km2 pour environ 77 000 âmes1.
Bansoa partage ses frontières avec neuf villages : Bafounda et Bamendjo
au Nord, Baloum et Bamendjou au Sud, Bamendou et Balessing à l'ouest,
Batcham au Nord-ouest, Bameka à l'Ouest et Bamoungoum au Nord-est.
Situé à environ 10 Km de Bafoussam (Chef lieu de la province) et
28km de Dschang (Chef lieu du Département), Bansoa est à la
croisée de chemin entre la province de l'ouest et du Nord-Ouest. Ce
phénomène a fait de Bansoa dans le passé, un carrefour et
a enrichi les formes artistiques que l'on a observées à une
certaine époque. Par propagation, de nouvelles formes ont
été intégrées comme le costume du ku'ngang
qui est étudié et qui est passé par certains villages
limitrophes pour arriver à Bansoa.
3- Situation linguistique
Bien que situé dans le Département de la Menoua,
il appartient au groupe linguistique ?g?mbà
2 qui englobe les villages Bafounda dans le Département du
Bamboutos, Bameka et Bamendjou dans les Haut-plateaux et Bamoungoum dans la
Mifi. Ces cinq villages ont eu le même ancêtre et au fil de
l'histoire, la crise de succession3 et plus tard le découpage
administratif a amené chacun sur le site qu'il occupe actuellement.
Néanmoins, ils ont gardé la langue malgré quelques
accents. Des études ont été menées sur cette langue
et à propos, Pierre Achille FOSSI (2005, 14) démontre que :
Le ?g?mbà signifie en structure
profonde «m? ghà ?g?mbà» qui
veut dire « je dis que hein ? ». Cette structure a subit des
modifications pour des raisons de simplification pour ne se limiter qu'à
«?g?mbà» c'est-à-dire « que hein
? » Cette formule est pratiquement un code de reconnaissance entre les
locuteurs. On l'utilise également lorsqu'on désire obtenir un
renseignement. Le ?g?mbà est une langue Bantoue
parlée dans la province de l'ouestCameroun (le pays
Bamiléké). Sur les sept départements que compte la
province de l'ouest, le ?g?mbà est parlé dans
quatre.
quelque peu influencéé par celle des villages
limitrophes et où on peut rencontrer au moins un clan
ku'ngang.
4- Le climat et la
végétation
Le climat est de type camerounien d'altitude avec un
régime de pluies équatoriales à l'allure tropicale.
Généralement, les saisons sèches vont de Novembre à
Mars et les saisons pluvieuses d'Avril à Octobre. Ces deux saisons sont
entrecoupées chacune d'une brève saison contraire. La
végétation est faite de savane arborée et arbustive. Les
sols sont sableux, volcaniques et assez propices à l'agriculture. Un
cours d'eau principal (Membi) traverse le village du nord au sud. On y
retrouve les petites chutes de Nehok et surtout le mythique Nkeu
Nta'a Tet4.
5- L'activité rurale
L'essentiel de l'activité paysanne repose sur
l'agriculture et le petit élevage. Les principales cultures sont le
café Arabica, le maïs, l'arachide, le bananier et le plantain, le
manioc, le macabo, les pommes de terre, le haricot et les fruits divers que
l'on retrouve parfois sur la même portion de terre. La population
continue à croire que le ku'ngang avec sa danse
ésotérique a une influence remarquable sur l'abondance des
produits agraires. Le café est resté assez longtemps une culture
privilégiée pour l'exportation et les autres, bien que de plus en
plus commercialisées, sont destinées à la consommation
locale. Avec la difficile conjoncture économie, beaucoup de Bansoa se
sont lancés dans des activités libérales comme le petit
commerce et les affaires.
La plupart des sites touristiques comme le
Nkeu-Nta'a-Tet cité plus haut sont généralement
des lieux Sacrés. Nous avons parmi eux, le Gwo-gwong, lieu
où se trouve une grosse pierre du même nom sur laquelle les
princes frères Bansoa, Bamendjou et Bameka se sont séparés
en allant chacun s'installer de son côté. C'est sur cette
pierre5 qu'ils ont juré d'aller fonder
séparément leurs chefferies et d'y vivre en paix sans se nuire
les uns les autres. On a aussi le Ngho Lah6, ce lieu
où le Chef du sous-quartier Banock est «parti» en
amenant sa population et où aucune herbe ne pousse. Le
Keue-me-Mbeuh7 est une plaine très verdoyante et
luxuriante où se trouve un amoncellement de pierres superposées
de manière extraordinaire sous lesquelles se trouve une grotte. Les
chutes de Metché représentent l'un des sites
touristiques mais succitent beaucoup de crainte de la part des villageois.
Situées entre Bansoa et Bafounda, les populations s'y rende pour des
sacrifices et d'autres rituels conduit par le ku'ngang. Il se pourrait
que lors des guerres d'indépendance, les résistant aient
été
exécutés et jetés dans ces chutes,
d'où l'idée selon laquelle cet endroit est hanté et seuls
les sorciers et autres hommes puissants peuvent s'y rendre.
Ce sont là les principaux sites touristiques de Bansoa.
Chacun est un lieu sacré plein d'histoires. Les photographies sont
interdites sur certains de ces sites.
6- L'activité artistique
L'activité artistique a malheureusement disparue du
village, les villageois ayant jugé qu'elle ne nourrissait plus son
homme. Il n'existe pratiquement plus d'artistes sur les 113km2 que
compte le territoire si ce ne sont quelques fabricants isolés de
mortiers ou d'autres ustensiles de cuisine. Les sculptures récentes sont
faites par des parents qui ont changé de métier mais on
gardé le réflexe, ou par des utilisateurs eux-mêmes,
à l'exemple des membres du ku'ngang qui en fabriquent pour
leurs rituels.
Si le groupement Bansoa est entouré d'autant d'endroits
mystérieux, nous jugeons utile de jeter un coup d'oeil sur sa structure
interne et de parler de son organisation socio-politique.
Carte 2 : Les chefferies Bamiléké
de L'Ouest-Cameroun (Source : G 7, Hengue P O. et al.1998 :11)
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