I - Qu'est ce que la politique étrangère
?
Par son énoncé, cette question est illustrative
de notre prétention à donner un contenu à une notion qui
n'a de cesse d'alimenter la rivalité entre courants doctrinaux.
A priori, la politique étrangère renvoie
à un rapport d'extranéité par opposition à la
politique intérieure si l'on considère que la politique
intérieure se consacre à la gestion des affaires domestiques
tandis que la politique étrangère traite des affaires du
dehors.
19 Voir Introduction générale, p3.
20 C'est l'objectif global visé par le
programme des grandes ambitions que le président Paul BIYA nourrit pour
son peuple pour son second septennat à la tête de la
République tel qu'énoncé lors dans sa campagne
électoral d'octobre 2004 et réaffirmé lors de sa
prestation de serment du 03 novembre 2004. Voir Touna Mama (2008), Op. cit.,
p373.
21 Touna M. (2008), Op. cit., p 373.
Toutefois, et comme le précise fort
opportunément le Docteur FOZEING22, « cette
perception géographique immédiate et statocentrique de la
politique étrangère ne rend pas compte de la complexité de
son objet ». Deux postulats corroborent cette assertion :
D'une part, « l'Etat n'est plus l'acteur exclusif
des relations internationales »23. En effet, la crise de
l'Etat-nation s'est accompagnée d'une remise en cause de l'unité
de base du système international avec notamment l'irruption de nouveaux
acteurs sur la scène internationale. Désormais, le système
international, composé d'une infinité d'intervenants ayant des
rationalités très souvent divergentes, est comme frappé
d'une anomie, dans une dialectique de l'ordre et du désordre, de
l'unité et de la fragmentation exacerbée par le
phénomène de la globalisation qui se nourrit autant de la logique
d'intégration que d'exclusion. Dans cette perspective, l'acteur
étatique doit pouvoir subsister comme unité souveraine de
façon à garder la liberté de ses choix fondamentaux en
s'inscrivant dans le jeu international grâce à sa politique
étrangère. On peut dès lors conclure avec FOZEING que
« la politique étrangère, en tant que politique
publique, est au centre de toute réflexion sur les relations
internationales »24.
D'autre part, le postulat classique d'inspiration Hobbesienne
selon lequel il existerait une différence de nature entre les affaires
du dehors et les affaires du dedans n'est plus d'actualité. En effet,
tenant compte de la dépendance de plus en plus marquée du monde,
la politique intérieure des Etats n'est pas mise en oeuvre dans un
néant de contraintes extérieures. Et même, les choix de
politique étrangère sont tributaires de contraintes
intérieures. Dit autrement, « il existe un continuum entre la
politique intérieure et la politique extérieure, l'une et l'autre
en interaction permanente, ne pouvant être menée en état
d'apesanteur dans un système international dont la nature et les
caractéristiques ont connu de profondes mutations depuis le
XVIIIè siècle »25.
La politique étrangère apparaît
dès lors comme l'instrument privilégié par lequel les
Etats s'insèrent dans le jeu international, cherchant à y
maintenir ou à y accroître leur capacité d'influence. A cet
égard, la politique étrangère émerge comme la
matière première par excellence des relations internationales et
cela dans la mesure où son objet inclut par définition les
actions et les décisions des Etats envers les autres membres de la
22 Fozeing (2006), Cours « Politique
étrangère du Cameroun », in Chapitre préliminaire
: Qu'est-ce que la politique étrangère ? Maîtrise
professionnelle en relations internationales, IRIC
23 Idem
24 Idem
25 Charrionn F. (2006), Les politiques
étrangères : ruptures et continuités, Paris, La
documentation française, p115.
société internationale.
Au-delà de la concurrence des paradigmes sur la
définition de la politique étrangère, concurrence rendue
plus complexe encore du fait des bouleversements qui ont cours dans l'ordre
international, il reste indéniable que la politique
étrangère est aussi faite de permanence. En effet, « les
forces du changement ne font pas beaucoup changer l'esprit ni les
méthodes d'une politique étrangère pour nombre de raisons
dont la première est qu'un pays ne change pas de position sur la carte,
ni de langue, ni de sous-sol, ni de commerce extérieur en changeant de
coalition gouvernementale »26. Ainsi, la politique
étrangère est tributaire de déterminants qui transgressent
les clivages politiques et doctrinaux. C'est aussi une réalité
complexe qui s'exprime aussi bien comme rapport de force27 que comme
gestion des contraintes endogènes et exogènes.
En définitive, en tant qu'instrument par lequel les
Etats organisent la gestion de leur interaction ou de leur rapport de force
avec les autres acteurs des relations internationales, la politique
étrangère a récemment connu de profonds bouleversements
qui se traduisent notamment par la complexité des enjeux, l'irruption de
nouveaux acteurs sur la scène internationale et l'apparition de
paramètres nouveaux qui commandent l'adaptation des perspectives voire,
la réforme des organigrammes. C'est sans doute pourquoi, toutes les
analyses portant sur les relations internationales aboutissent à la
conclusion selon laquelle la politique étrangère des Etats
s'adapte à l'environnement international dans une dialectique de rupture
et de continuité. Or, cette réflexion est confortée par
des aménagements institutionnels qui, au sein des gouvernements,
confère la responsabilité de la politique étrangère
à une administration distincte dont la responsabilité n'est pas
aussi aisément perceptible que les responsabilités des autres
administrations publiques.
II - Le rôle du MINREX en matière de
PEC
Nous dégageons ici ce qui semble être, du point
de vue de la politique étrangère du Cameroun, le rôle du
Ministère des relations extérieures du Cameroun d'une part et les
outils de performance utiles à l'exécution optimale de sa mission
d'autre part.
26 Debray R (1984), La puissance et les
règles. Paris, Dallima.
27 Au-delà des divergences fondamentales
qui les caractérisent, cette lecture apparaît comme le point de
commun des écoles réalistes et marxistes des relations
internationales. En effet, la politique étrangère y
apparaît comme une interaction entre les politiques d'Etats souverains
qui poursuivent des buts spécifiques.
A - Le rôle du MINREX
En matière de politique étrangère du
Cameroun, le rôle du Ministère des relations extérieures du
Cameroun est une déclinaison de la loi et est amplifié sur la
scène internationale par les représentations que s'en font les
principaux acteurs des relations internationales.
1 - Selon la loiLe décret
N° 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation du
gouvernement
fait du ministère des relations extérieures du
Cameroun « le seul département ministériel
entièrement dédié à la politique
étrangère du Cameroun »28. Toutefois, le
rôle du Ministère des relations du Cameroun en matière de
politique étrangère du Cameroun dérive de façon
implicite du dispositif légal qui lui a donné naissance. En
effet, au terme du décret N°2005/286 du 30 juillet 2005 portant
organisation du Ministère des relations extérieures du Cameroun,
« le Ministre des relations extérieures du Cameroun a pour
mission d'assurer la mise en oeuvre de la politique des relations
extérieures arrêtée par le Président de la
république »29. Cette disposition et les contours
de l'action y rattachée30 confinent, de façon tacite,
le ministère des relations extérieures du Cameroun aux
tâches d'exécution dans le champ de la diplomatie camerounaise.
Toutefois, on ne peut restreindre l'action du Ministère des relations
extérieures du Cameroun à l'exécution des directives
édictées de la présidence de la république. En
effet, l'analyse de la politique étrangère et la pratique
internationale des Etats en la matière consacrent aux administrations
publiques en charge de la politique étrangère des
responsabilités autres que l'exécution des tâches
initiées par le prince.
2 - Selon la pratique internationale
Nous avons relevé plus haut que la politique
extérieure des Etats est une réalité complexe qui peut
s'entendre comme gestion de contraintes aussi bien exogènes
qu'endogènes. Ces contraintes tiennent essentiellement au
caractère bureaucratique de la politique étrangère en ce
qu'elle constitue une politique publique particulière et fait intervenir
plusieurs acteurs imbriqués de façon hiérarchique les uns
aux autres. Ainsi, les déci-
28 Fozeing (2006), Cours « Politique
étrangère du Cameroun », Maîtrise professionnelle en
relations internationales, IRIC
29 Article 2
30 Article 2, op. cit.
sions de politique étrangère résultent
d'un arbitrage entre les inputs des différents intervenants. Cette
analyse relativise le mythe d'une politique étrangère
imposée par le haut et obéissant aux seules exigences de
l'intérêt national. En tant tel, ce qui sera qualifié au
bout d'un processus d'arbitrage éminemment complexe de politique
étrangère n'apparaît plus comme un choix simple et
délibéré, mais comme un résultat, un compromis
entre plusieurs administrations31.
En outre, la complexité du fond domestique
s'accompagne d'un renouveau du processus d'intégration régionale
et d'une démultiplication des faits exogènes qui imposent aux
Etats de revisiter en permanence leur politique étrangère pour
l'adapter aux exigences communautaires et internationales. Dès lors, le
problème n'est plus de savoir ce qu'est, au sens de l'Etat, la poursuite
rationnelle de l'intérêt national, mais celui de savoir qui
fabrique la décision et sur quels critères ? De facto, il
s'ensuit, pour le Ministère des relations extérieures du
Cameroun, une responsabilité immédiate et tacite consistant pour
lui à fournir la matière première nécessaire
à la prise de décision au regard des contraintes exogènes
et des engagements internationaux de l'Etat entre autres.
D'un autre point de vue, et au-delà de la pratique
internationale, certaines dispositions conventionnelles internationales
attribuent aux Ministères des affaires étrangères la
primauté de la conduite des relations diplomatiques. En l'occurrence,
l'article 2 du décret N°2005/286 du 30 juillet 2005 sus visé
dispose que le Ministère des relations extérieures du Cameroun
« est chargé des relations avec les Etats étrangers, les
organisations internationales et les autres sujets de la communauté
internationale » et l'article 41 paragraphe 2 de la convention de
Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques précise que
« toutes les affaires officielles avec l'Etat accréditaire
confiées à la mission par l'Etat accréditant doivent
être traitées avec le ministères des affaires
étrangères de l'Etat accréditaire ou par son
intermédiaire ou avec tel autre ministère dont il aurait
été convenu ». Il s'agit donc d'une fonction
d'intermédiaire dévolue au ministère des relations
extérieures qui lui permettrait de proposer au titulaire du pouvoir de
décision, et grâce à ses feedbacks, la matière
première utile à la prise de décision.
En fin de compte, les responsabilités du MINREX sont
nombreuses dans le cadre de la politique étrangère du Cameroun.
Mais, il s'agit ici, moins de le restaurer dans ses missions que
d'apprécier sa capacité à s'y appliquer.
31 Il faut noter à ce sujet que la politique
étrangère n'est pas l'apanage du ministère des affaires
étrangères. Plusieurs autres administrations contribuent à
son élaboration et sont parfois les vecteurs de sa mise en oeuvre.