Section II : Le MINREX comme bras séculier de
l'Etat en matière de PEC
La question de fond autour de laquelle s'organise cette
section est celle de savoir si, dans les dispositions actuelles, le
ministère des relations extérieures du Cameroun nous semble
capable de donner plus de visibilité à l'action internationale de
l'Etat du Cameroun. Il ne fait aucun doute en effet que l'insertion de l'Etat
dans le système international dépend pour une bonne part, de
l'efficacité de son appareil diplomatique. Or, bien que l'appareil
diplomatique soit l'émanation d'une volonté politique
concertée et impulsée du haut, son efficacité est surtout
tributaire de la capacité de coordination du ministère des
affaires étrangères, de la vision qui justifie son
déploiement et de la finalité ayant servie de socle
géniteur à son élaboration.
En tout état de cause, même un audit
préliminaire32 pourrait déterminer les atouts et les
faiblesses du ministère des relations extérieures du Cameroun
dans la mise en oeuvre de la politique étrangère du Cameroun. Il
restera alors à illustrer quelques pistes envisageables pour renforcer
l'action de ce département ministériel et lui donner une plus
grande envergure dans la dynamique très particulière du
déploiement de la politique étrangère du Cameroun.
I - Les atouts du MINREX
Ils sont plutôt marginaux. En réalité, la
prépondérance du Président de la République en
matière de politique étrangère, consacrée par la
constitution et confortée par la pratique internationale, se dilue sur
la scène internationale par la prééminence du
ministère des affaires étrangères. Une
prééminence consacrée par les conventions internationales
qui émerge comme le socle du positionnement central du ministère
des relations extérieures du Cameroun relativement au déploiement
international de l'Etat. Cependant, se limiter à cette posture, c'est
affirmer que le rôle du MINREX dans la chaîne diplomatique
camerounaise se limite à l'exécution des directives. Loin de
là ! En effet, sa position intermédiaire entre l'Etat et ses
partenaires internationaux lui confère une large possibilité de
manoeuvres parmi tous les intervenants habiletés à conduire la
PEC.
32 Le caractère préliminaire de cet
audit tient en ce qu'il n'ait pas été effectué avec des
outils scientifiques et fait l'objet d'une démarche dont la seule
pertinence lui aurait donnée plus de crédit et une valeur
scientifique. Il reste qu'il met en lumière un questionnement certain
sur l'efficacité du ministère des relations extérieures du
Cameroun et rappelle l'urgence d'un audit scientifique sur l'action
internationale du Cameroun tel qu'il est mis en oeuvre par les principaux
acteurs ayant cette responsabilité.
II - Les faiblesses du MINREX
Les faiblesses du ministère des relations
extérieures du Cameroun dans la conduite de la politique
étrangère du Cameroun sont légions. Toutefois, elles
émanent d'astreintes exogènes amplifiées par des
manquements internes.
1) Les astreintes exogènes
Il serait fastidieux de lister toutes les difficultés
exogènes qui constituent le socle primaire des faiblesses du
ministère des relations extérieures du Cameroun. Elles peuvent
cependant être classées en deux catégories au sein
desquelles les éléments de liste ne représentent pas
l'exhaustivité des difficultés envisageables.
La première catégorie est celle des
difficultés institutionnelles. C'est-à-dire celle des
insuffisances qui émanent du dispositif institutionnel de
l'aménagement organique et fonctionnel de la politique
étrangère du Cameroun. Dans cette catégorie se trouvent la
confrontation quasi permanente des intérêts divergents de la
pluralité d'intervenants habiletés à conduire la politique
étrangère du Cameroun, les problèmes financiers et
l'absence d'une vision globale ou d'une finalité
effectivement33 poursuivie.
Nul doute en effet que la prééminence du Chef
de l'Etat et par voie de conséquence du Ministère des relations
extérieures du Cameroun ne leur confère pas l'exclusivité
de la gestion des affaires du dehors. C'est pourquoi, on ne peut
véritablement se plaindre de l'action concomitante des autres
acteurs34 dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la
politique étrangère du Cameroun. Toutefois, le fait mis en cause
ici est l'éclatement de l'action gouvernementale pourtant rendue
nécessaire par la configuration actuelle du ministère des
relations extérieures du Cameroun et le déficit de
compétences35 spécifiques utiles à l'action
internationale de l'Etat. En l'état, la quasi-totalité des
départements minis-
33 C'est-à-dire connue de tous.
Jusqu'à présent, il n'existe pas à proprement parler une
philosophie qui sous-tend la politique étrangère du Cameroun.
Seuls quelques publications éparses et des enseignements
d'universitaires - construits comme analyse du discours politique -, donnent
des pistes d'analyse au sujet des fondements et - généralement de
façon partisane - de la finalité poursuivie.
34 Ce sont notamment le Gouvernement avec au
centre du dispositif le ministère entièrement dédié
à la gestion des affaires étrangères qui doit faire face
sur le terrain à l'action concurrente des autres départements
ministériels investis de compétences dans des domaines
spécifiques de la PEC. C'est aussi le cas du Parlement dont le
rôle plutôt marginal est rendu discret du fait principalement de la
majorité présidentielle et la majorité parlementaire.
C'est enfin des acteurs non gouvernementaux rarement source d'initiatives et
d'impulsion en matière de PEC, mais dont l'action peut entachée
l'efficacité de l'action ou tout au moins en modifier les dispositions
pratiques.
35 Au regard du contenu théorique et
pratique de leur formation initiale, il n'existe pas, outre les aspects
juridiques et protocolaires, de compétences techniques
avérées pour conduire des dossiers techniques tels
l'économie, le commerce, le promotion du label national ou
l'environnement entre autres. Heureusement, depuis janvier 2009, les formations
actuelles de diplomates camerounais à l'Institut des Relations
Internationales du Cameroun intègrent cette nécessité.
tériels ont la haute main sur les problèmes
internationaux intéressant leur domaine. Or cette dilution de
responsabilité consacrée sur le plan légal par le
décret N° 2004/320 du 8 décembre 2004 portant organisation
du gouvernement, relativise fortement le rôle du ministère des
affaires étrangères dans la mise en oeuvre de la politique
étrangère du Cameroun. En effet, ce droit de légation
actif ou passif est conforté par de réels pouvoirs en
matière de négociation internationale qui leur permet d'initier
divers instruments juridiques internationaux appelés à
régir les relations entre le Cameroun et ses partenaires internationaux.
En outre, l'éclatement de l'action gouvernementale trouve ses
ramifications logiques dans les services des ambassades où l'on compte
désormais aux côtés des diplomates de carrière, de
nombreux conseillers ou attachés spécialisés
détachés par leurs administrations d'origine desquelles ils
reçoivent directement des instructions. Cette situation rend
évidement fort mal aisé la coordination de la politique
étrangère du Cameroun et a un impact certain sur
l'efficacité du ministère des relations extérieures du
Cameroun dans la conduite opérationnelle de la politique
étrangère du Cameroun.
Il y a aussi les problèmes financiers. D'une
manière générale, le ministère des relations
extérieures du Cameroun ne figure pas dans la zone de captation des
priorités budgétaires de l'Etat. De fait, son action en porte les
stigmates tant du point de vue du déploiement de ses services centraux
que de la réalisation optimale des attentes placées en ses
services extérieurs.
La seconde catégorie des problèmes imputables
aux forces exogènes relève de l'héritage international et
de la globalisation. En effet, dans la configuration actuelle du monde, les
petits pays ont davantage besoin de diplomatie que les grands pays pour jouer
un rôle, aussi marginal soit-il, dans les relations internationales. Or,
en la matière, l'héritage colonial et le dispositif
néocolonial calqué sur le modèle de la puissance coloniale
n'a pas nécessairement tenu compte de la nature des Etats et de la
modicité de leurs moyens. Il s'en est suivit une appropriation
approximative du jeu et des enjeux de l'action internationale des Etat dans le
système international. Désormais, le monde globalisé est
structuré autour d'enjeux spécifiques qui font que la diplomatie
doit être perçue par les Etats comme un puissant levier pour
mobiliser l'effort international en faveur du développement
économique, politique, social et culturel des Etats.
Il s'agit enfin de la valorisation du modèle
occidentale comme gage d'une diplomatie efficace qui frustre la diplomatie
nationale confinée pour l'essentielle dans une poli-
tique de rattrapage et d'adaptation spontanée dans le
jeu international des Etats. C'est sans doute là le fondement des
faiblesses internes imputables au ministère des relations
extérieures du Cameroun.
2) Les faiblesses internes du MINREX
L'analyse du dispositif interne du ministère des
relations extérieures du Cameroun fait ressortir deux types de
difficultés. Les difficultés de type managérial et les
difficultés de type structurel.
Les difficultés de type managérial
évoquent la gouvernance au sein de ce ministère. Elles sont de
plusieurs ordres. Pour ne s'en tenir qu'à la motivation du personnel, il
est indéniable que la démotivation légendaire qui
caractérise le personnel en service dans ce département
ministériel et exacerbée dans des sous conflits internes, est
consécutive d'une gestion administrative extravertie qui se
préoccupe très peu du climat social et réitère
l'impérieuse nécessité de regrouper le personnel du
ministère des relations extérieures du Cameroun autour d'une
valeur centrale et fondamentale chère à la fonction de diplomate
d'une part et à l'exécution optimale des missions dévolues
à ce département ministériel d'autre part. Or, en la
matière, le marketing management suggère que soient pris en
compte les intérêts bien compris du personnel et que les actions
en faveur de la motivation du personnel soient cadrées et
orientées vers la performance de l'organisation. En tant que tel, il
nous semble que les clarifications longtemps attendues sur le statut du
personnel de la diplomatie - et des diplomates - et le flou persistant sur le
plan de carrière du diplomate camerounais constituent les piliers de la
démotivation du personnel. Il faut d'ailleurs y voir les origines de la
querelle de leadership qui, au sein du ministère des relations
extérieures du Cameroun, place en « chien de faïence »
les diplomates de carrière et les personnels d'emprunt issus des autres
administrations publiques nationales. C'est sans doute aussi là qu'il
faut chercher la source de la frustration perceptible chez les diplomates
camerounais en service au sein de l'administration centrale à
côté de leurs collègues en service dans les services
extérieurs.
Dans le sillage des insuffisances managériales
opposables au Ministère des relations extérieures, il y a aussi
le défi de gestion efficiente des ressources
disponibles36.
36 Il faut à ce sujet lire la
pléthore de rapports des missions internationales notamment pour
comprendre les griefs opposables à la composition des
délégations nationales et questionner les profils au sein des
directions spécialisées du ministère des relations
extérieures du Cameroun pour comprendre l'urgence d'une meilleure
distribution des
Tant du point de vue de l'allocation des ressources par
rapport aux besoins urgents et prioritaires que du point de vue de la
distribution des compétences au sein de la machine administrative de la
diplomatique camerounaise. Ce qui va inéluctablement se greffer aux
problèmes de type structurel que nous avons identifiés au sein de
ce ministère.
Du point de vue structurel en effet, il faut intégrer
le déficit infrastructurel, les problèmes relatifs aux ressources
disponibles et l'inadéquation entre l'aspect physique du
Ministère des relations extérieures du Cameroun et le prestige
international qui sied à la fonction diplomatique. Certainement,
l'inadéquation susmentionnée peut être perçue comme
pendent technique pour solutionner les autres problèmes de type
structurel. A ce propos, il est indéniable que l'aspect physique du
ministère camerounais des affaires étrangères ne cadre pas
avec son positionnement dans la sous région et du leadership qui incombe
naturellement à la diplomatie camerounaise. Toute chose qui ne participe
ni d'une vision ambitieuse et conquérante de cette diplomatie
camerounaise, ni de l'aura dont elle jouit indéniablement dans la sous
région.
Il reste alors à questionner les voies de sortie de
crise si tant est que la situation cidessus décrite s'apparente à
une crise systémique ou une crise de politique globale de la diplomatie
camerounaise. Et, à ce propos, nous nous alignons aux propositions du
professeur TOUNA37 relatives aux options envisageables pour un
nouveau départ de l'économie camerounaise pour citer :
· L'urgence d'une vision stratégique et
prospective de la politique étrangère du Cameroun dont
l'élaboration et la mise en oeuvre consacreraient l'objectif poursuivit
de sorte que soient définis une meilleure segmentation des leviers
cibles, le positionnement adéquat et les partenaires indispensables.
· Le développement des infrastructures comme gage
de la notoriété internationale du Cameroun et de
l'efficacité de l'action des mandants de la diplomatie camerounaise.
· La bonne gouvernance au sens du Ministère ou
plus exactement, le manage-
ment stratégique comme gage de
compétitivité et d'efficacité sur le terrain.
Ces options de sortie de crise consacrent la
prééminence du Marketing management
dans la gestion optimale des organisations et pour le cas d'espèce des
administra-
compétences. La question de la gestion des ressources
humaines au sein de ce département ministériel pourrait alors
faire l'objet d'une analyse approfondie utile aux décideurs.
37 Touna M. (2008), Op. cit.
tions publiques en générales et du MINREX en
particulier. En tant que tel, il faut résumer toutes ses propositions
sous le sceau de l'implémentation de la fonction marketing au sein
même de la sphère d'élaboration et de mise en oeuvre de la
politique étrangère du Cameroun. C'est dans cette perspective que
doit être comprise le modèle d'organisation de la fonction
marketing au sein du ministère des relations extérieures du
Cameroun.
·
DEUXIEME PARTIE
IMPLEMENTATION
DE LA DEMARCHE
MARKETING AU
SEIN D'UNE AD-
MINISTRATION
PUBLI QUE : LE CAS
DU MINREX
CHAPITRE III
LES LEVIERS DE
L'ACTION MARKETING
AU SEIN D'UNE ADMI-
NISTRATION PUBLI QUE
· CHAPITRE IV
L'AMENAGEMENT DE
LA DEMARCHE MER-
CATIQUE DANS LE
MANAGEMENT DU MI-
NISTERE DES RELA-
TIONS EXTERIEURES DU
CAMEROUN.
A l'observation38, le Cameroun a mal à son
image et peine à tenir la place de leader qui lui est due naturellement
dans la sous région Afrique centrale39. Or, si l'on s'accorde
que l'image est « l'ensemble des croyances, des idées et des
impressions qu'un individu entretien à l'égard d'un objet
»40, il va sans dire que la mauvaise perception d'un
objet, et plus encore d'un Etat, déteint inéluctablement sur ses
performances en tant qu'entité émergeant sur une scène
internationale aussi austère que l'environnement international des
entreprises dans le contexte actuel de globalisation.
Malgré la place prépondérante qu'il tient
dans la mise en oeuvre de la politique extérieure du Cameroun, le
Ministère des relations extérieures peine à se frayer un
chemin dans la sphère - très réservée - où
s'élaborent les grandes lignes de gestion des affaires du dehors. A
croire que cette situation est le fait d'un prince très conservateur de
la plénitude de ses prérogatives en la matière ou de
l'inertie41 qui émerge depuis la seconde décennie 2000
comme la principale gangrène de l'administration publique camerounaise.
De toute évidence, le problème est bien plus profond et, toute
analyse y relative ne pourrait éluder l'une quelconque de ces raisons ni
même la complexité avérée des affaires
extérieures. Au demeurant, l'option de spécialisation du
diplomate camerounais aux compétences spécifiques indispensables
à la conduite optimale des affaires du dehors, participe d'une
volonté de l'autorité publique de relever le niveau de
compétitivité de la diplomatie camerounaise dans la sous
région et au-delà. On ne saurait alors comprendre la permanence
du débat contradictoire sur la pertinence de cette spécialisation
tant il est vrai que l'amorce du 3è millénaire s'est faite avec
la diversification des enjeux et de nouveaux défis pour les Etats sur la
scène internationale. Il est dès lors important de questionner le
rapport entre le marketing et la gestion quotidienne d'une administration
publique avant d'explorer les pistes d'une meilleure adaptation de la
démarche marketing au Ministère des relations
extérieures.
38 C'est ce qui ressort notamment des rapports de
Transparency International, de la Banque Mondiale à travers le
rapport Doing Business, l'étude publiée par le
Groupement interpatronal du Cameroun (GICAM) sur le climat des affaires au
Cameroun et même les articles publiés dans l'édition
spéciale de Marchés Africains (11è
édition, op. cit.).
39 Si l'on s'appuie sur les déterminants de
la puissance de l'Etat selon H. J Mongenthau, il nous semble évident que
le Cameroun fait office de leader en Afrique centrale. Cette assertion peut
être discutée mais là aussi se trouve toute sa
pertinence.
40 Kotler et als, Marketing Management,
12è éd. Paris, Pearson Education Inc. Coll. Nouveaux Horizons,
2006, p827
41 Voir en cela les publications consacrées
au sujet du Professeur Alain Didier OLINGA, notamment Olinga, A.D. «
L'intelligence de l'inertie », in Patrimoine, Mensuel de la
culture et des sciences sociales, Yaoundé, n°0064, février
2006, pp.10-11 ; Olinga A.D., (2009), Propos sur l'inertie,
Yaoundé, Editions CLE, pp11-25.
Chapitre III
Les leviers de l'action marketing au
sein d'une administration publique
A l'évocation, le marketing est perçu «
soit comme une énorme technologie de plus en plus dangereuse, permettant
de faire acheter aux gens des choses dont ils ne veulent pas, des idées
et des causes auxquelles ils n'adhèrent pas forcément, voire qui
sont néfastes pour eux, soit comme un concept permettant de servir et de
satisfaire les besoins des hommes »42. Il y a là
deux idées maîtresses qui dominent la pensée
générale sur le marketing bien que, la tendance récente
s'exprime en faveur du marketing comme « concept permettant de servir
et de satisfaire les besoins des hommes »43. Toutefois,
à la faveur de cet article44, Kotler et Levy affirment que le
marketing peut s'appliquer à toutes les catégories d'organisation
dès lors que l'on admet qu'elle possède des produits et des
clients. Ainsi, le marketing devrait être utile aussi bien pour le
secteur privé que pour tous les démembrements de l'administration
publique. Toutefois, l'implémentation des outils et/ou de la
démarche marketing au sein d'une administration publique ne se fait pas
sans difficultés. D'où l'intérêt d'élucider
la contribution du Marketing dans la gestion quotidienne d'une administration
publique et de dégager éventuellement les limites d'une telle
projection.
En réalité, marketing et administration publique
émergent dans l'acception générale comme deux notions
mutuellement exclusives. Alors que « l'administration publique est
supposée normative et orientée vers le long terme, le marketing
est considéré comme opportuniste et orienté vers le court
terme »45. Dit autrement, l'administration publique est
bien plus sensible à l'intérêt général - de
la société - qu'à celui des individus et, dans sa posture
de représentation permanente de l'Etat, elle adopte une vision de long
terme et de responsabilité. A contrario, le marketing est davantage
préoccupé par la satisfaction des intérêts
privés qu'à ceux de la société pris dans la
globalité. Il vise le profit et se déploie dans une perspective
de satisfactions des objectifs à court et moyen terme. Cette recherche
du profit contraint le marketing à suivre les règles du
marché, alors que l'administration publique doit dépasser ces
règles lorsque l'intérêt général le commande.
C'est sans doute tenant compte de cette vision orientée marché
que Butler et Collins affirment que « pour la plupart des disciplines
qui ne sont pas directement liées au marketing, ce domaine est
considéré comme :
42 Kotler P., Levy S. J. (1969) «Broadening the
scope of marketing», in Journal of marketing, 33(1), pp.
10-15.
43 Idem.
44 Idem.
45 Laufer R., Burlaud A. (1980) Management public.
Gestion et légitimité, Dalloz Gestion, Paris.
a) dangereux, dans la mesure où ses racines
commerciales sont antithétiques avec la mission du service public
d'assurer protection, universalité et bien collectif ;
b) ayant une place davantage prépondérante
comme fournisseur d'outils pour les managers du secteur public ;
c) obligé de s'adapter en permanence aux
spécificités du secteur public »46.
On peut alors comprendre la réticente des agents
publics - et au-delà des étudiants en marketing - d'envisager
l'opérationnalité de la fonction marketing au sein d'une
administration publique.
Ce chapitre postule autrement et a l'ambition de montrer,
au-delà des divergences structurantes qui découlent de l'analyse
de leurs concepts fondamentaux, que marketing et administration publique ne
sont pas aussi mutuellement exclusifs qu'ils n'apparaissent. C'est donc une
posture essentiellement théorique qui ne se limite pas à un pays
quelconque ni à une administration donnée47 selon
qu'il ressort des exemples tirés de la société occidentale
ou de la littérature américaine, anglaise et française.
La réflexion sur la compatibilité entre
marketing et administration publique n'est pas récente. Plusieurs
auteurs s'y sont intéressés sans pour autant questionner l'apport
et les limites éventuelles du marketing appliqué à
l'administration public. Chaque fois, il était surtout question de la
nécessité d'appliquer ou non les concepts clés du
marketing au secteur public. Dans le sillage de cette querelle, Connolly a
prédit dès 1991, qu' « il n'est pas si certain que dans
un futur proche, une approche totalement marketing soit pertinente dans les
services publics »48. Mais dès 1995, Butler et
Collins montrent que « les organisations de service public se tournent
de plus en plus vers les professionnels du marketing pour s'assurer une pleine
efficacité de leur action managériale »49
avant de conclure que « ce changement de langage n'est pas un simple
effet de mode. Mais une suite logique consécutive à un
véritable changement dans la relation entre l'Etat et le citoyen
»50. Il faut relever, pour corroborer cette assertion que
le management public est une
46 Butler P., Collins N. (1995), «Marketing
public sector services: concepts and characteristics», in Journal of
marketing management, 11(1-3), pp: 83-96.
47 Le cas du Ministère des affaires
étrangères dans la mesure où notre rapport s'y rapporte
principalement.
48 Connolly M. (1991), Editorial: marketing,
Public money and management, 11(2), pp5-6. C'est du reste un scepticisme
partagé par Walsh et de nombreux autres auteurs. Voir, Walsh K. (1991),
«Citizens and consumers: marketing and public sector management, Public
money and management», in European journal of marketing 11(2),
pp9-15; (1994), «Marketing and public sector management»,
European journal of marketing, 28(3), pp63-71.
49 Butler P., Collins N. (1995), op cit.
50 Idem.
fonction de l'organisation étatique désormais
très influencée par l'économie. C'est une perspective
nouvelle que les exégètes de la politique économique et du
management public désignent sous le vocable de « nouvelle dynamique
de management public » pour le différencier du management public
ordinaire que les tenants de la vielle administration continuent
d'appréhender comme la gestion quotidienne des routines et des
problèmes ordinaires liés à la réalisation du bien
public. De cette façon, cette reconfiguration de la gestion des affaires
publiques va d'une part expliquer le rapprochement progressif entre le domaine
marketing et la sphère très restreinte de l'administration
publique. Rapprochement qui peut aussi bien s'expliquer par les
changements51 qui ont cours dans la construction marketing.
Au demeurant, si l'on s'accorde avec Lamb52 - et
même Butler et Collins53 - pour dire que le marketing du
secteur public ne peut se concevoir de façon rigide suivant les
mêmes canons opérant dans le secteur privé, il n'en demeure
pas moins vrai que la différence n'est pour autant pas aussi
marquée que le suggère certaines analyses54.
Finalement, la différence repose essentiellement dans l'importance
accordée aux différentes dimensions du marketing pour le cas
précis de l'administration publique. En l'occurrence, lorsque pour le
secteur privé la tarification joue un rôle fondamental, il est
très difficile, voire impossible de l'appliquer dans le secteur public.
Il va dès lors s'agir d'affirmer la contribution - l'apport et les
limites éventuellement - du marketing dans l'administration publique.
Or, l'atteinte de cet objectif suggère de structurer le chapitre en deux
grandes sections :
· Une première section consacrée d'une
part à l'aperçu générale et la définition de
l'administration publique et d'autre part à la définition - et
l'explication - du marketing à travers la chronologie de son
développement.
· Une seconde section consacrée dans un premier
temps à l'implémentation de l'action marketing au sein d'une
administration publique et, dans un second temps, à la contribution du
marketing pour une telle administration.
51 Dans sa construction récente en effet, le
marketing émerge comme une donnée qui ne se conçoit plus
selon l'approche produit mais va au-delà pour tenir compte des
aspirations profondes des publics cibles (Approche client).
52 Lamb C. W. (1987), «Public sector marketing
is different», in Business Horizons, 30(4), pp56-60.
53 Ils affirment en substance que « ce
serait faire preuve d'ignorance et d'arrogance par les marketeurs que de
prétendre qu'une « boîte à outils marketing »
serait le remède miracle à tous les maux du secteur public
». Voir Butler P., Collins N. (1995), op. cit. p.5
54 Voir pour cela les conclusions sur le concept de
« Nouveau marketing » initié par Walsh. Walsh K. (1994), op.
cit.
Section I : L'administration publique comme
champ d'exécution de la démarche marketing
Dès le début de la décennie 90, certains
auteurs affirment que « l'application de l'approche marketing au sein
d'une administration publique se solde très souvent par un échec
»55. Echec qu'ils attribuent de prime abord au
déficit de compréhension par le marketing des
spécificités de l'administration publique comme nouveau champ
d'application. De cette façon, une meilleure compréhension de ce
domaine s'avère indispensable dès lors que l'on envisage de
traiter des modalités d'implémentation de la démarche
marketing au sein d'une administration publique.
I - Spécificités d'une administration
publique
La spécificité d'une administration publique
comme champ d'application de la démarche stratégique marketing se
décline à travers les produits, les acteurs et les processus qui
structurent son marché. Cette spécificité découle
également des mutations qui s'opèrent en son sein.
C'est à Stewart et Ranson56 que l'on doit
le premier modèle (Tableau 1) dressant un aperçu théorique
des différences importantes qui existent entre une entreprise -
émanation du secteur privé - et une administration publique
-émanation du secteur public-.
Tableau 1: Modèle du secteur privé
et du secteur public
Modèle du secteur privé
|
Modèle du secteur public
|
Choix individuel sur le marché
|
Choix collectif politique
|
Action privée à huis clos
|
Action publique ouverte à tous
|
Demande et prix
|
Besoin en ressource
|
Equité du marché
|
Equité des besoins
|
Règne du client
|
Citoyenneté
|
Arrêt de la relation comme stimulus
|
Réclamation comme condition
|
Recherche de la satisfaction du marché
|
Recherche de la justice
|
Concurrence comme instrument du marché
|
Action collective comme instrument de la politique
|
|
Ce tableau établit clairement que les secteurs publics
et privés sont dirigés par des raisonnements et des valeurs
totalement différents. Ainsi, là où le secteur
privé dépend des choix individuels des consommateurs, le secteur
public dépend des décisions
55 Scrivens E. (1991) «Is there a role for
marketing in the public sector?», in Public money and management,
11(2), pp17-23.
56 Stewart J., Ranson S. (1988), «Management in
the public domain», in Public money and management, 8(1/2),
p15.
collectives. Et, si le prix et la demande constituent le
socle de la décision dans le secteur privé, le secteur public se
concentre sur les besoins en ressources indépendamment jusqu'à
une certaine mesure, des variables prix et demande. D'autres
caractéristiques du modèle de secteur public sont
l'équité des besoins, la recherche de la justice, la
citoyenneté et l'action collective comme instrument politique. Au final,
au regard des logiques du secteur privé, un consommateur peut simplement
arrêter sa relation avec la compagnie tandis que, dans le secteur public,
il ne peut pas sortir de cette relation mais seulement s'en plaindre pour une
éventuelle amélioration.
A la lumière des travaux de Butler et
Collins57, travaux qui sous-tendent l'essentiel de notre propos, le
marché de l'administration publique se construit suivant des logiques
produits/acteurs/processus qui n'obéissent pas nécessairement aux
logiques structurantes du marché privé. Au sujet des produits
d'une administration publique, ils présentent trois
caractéristiques principales :
Premièrement, ils partagent les
caractéristiques du terme économique biens publics et
n'en sont pour autant pas l'équivalent au sens strict du terme. Les
biens publics sont consommés de façon conjointe. Autrement dit,
les consommateurs ne sont pas rivaux58 dans le processus de
consommation et ont tous accès au produit. En plus, il est difficile,
voire impossible de soustraire à la consommation les personnes ne payant
pas pour ces biens publics59 car ils rencontrent le dilemme
classique du free rider60. En l'occurrence, que l'on contribue ou
non à leur coût en payant des impôts, l'éclairage
public est destiné à toute la population et éclaire tout
le monde. Ainsi, il y a comme une obligation collective à fournir les
ressources indispensables aux biens publics. Toutefois, le terme bien public ne
peut être utilisé comme synonyme de produit dans le tous les cas
de figure pour une administration publique. C'est le cas du système
d'allocation des places dans les grandes écoles du Cameroun où
l'on retrouve rarement la dimension d'absence de rivalité qui
caractérise les produits d'une administration publique. Les places sont
allouées en fonction des performances académiques et suivant le
principe de régionalisation. Ainsi, bien que l'allocation des places
dans les grandes écoles camerounaises soit un produit de
l'administration publique, elle ne peut pas être considéré
comme un
57 Butler P., Collins N. (1995), op. cit.
58 Samuelson P. (1954), «The pure theory of
public expenditure», in Review of economics and statistics,
36(4), pp:387-389.
59 Varian H. R. (1992), Microeconomic
analysis, 3rd ed., W.W. Norton & Company, New York
60 Idem.
bien public dans la mesure où il n'y a pas de place
pour tout le monde, les étudiants sont rivaux et peuvent être
exclus du choix pour l'un quelconque des principes sus
évoqués.
Ensuite, l'administration publique est structurée
autour des services (versus de biens). Les services ont les
caractéristiques suivantes : intangibilité,
inséparabilité, hétérogénéité
et périssabilité61. En plus, les problématiques
typiques rencontrées dans les services sont les mêmes dans
l'administration publique. L'intangibilité implique des problèmes
d'échantillonnage et d'évaluation. L'inséparabilité
limite le nombre d'opérations possibles.
L'hétérogénéité rend plus difficile le
contrôle de la qualité, et la périssabilité implique
des questions de stockage dès que la demande fluctue.
Enfin, les produits d'une administration publique peuvent
être divisés en deux catégories : les équipements
d'une part, et l'ensemble constitué des contraintes et des devoirs
d'autre part. Les équipements correspondent à des biens tels que
les ponts, les musées, et bien souvent à des services telles que
la santé, l'éducation, la police entre autres. En ce qui concerne
les contraintes, elles interdisent certains comportements (par exemple
l'interdiction de fumer dans les lieux publics) et agissent comme des lois et
des règlements. De tels lois et règlements sont
bénéfiques pour l'intérêt général,
mais entravent l'intérêt particulier. La contrainte individuelle
est envisagée comme le prix à payer au profit du
bénéfice public. Quant aux devoirs, ils rendent obligatoires
certains comportements et sont généralement accompagnés de
sanctions. Là encore, dans l'optique de l'intérêt
général, on demande aux citoyens de faire des efforts, par
exemple payer les impôts.
Au demeurant, on peut distinguer cinq processus majeurs dans
le secteur public : le développement de nouveaux produits, les cycles
paiement/facturation, les systèmes de livraison, les opérations
internes de marché et l'évaluation de résultats. De toute
évidence, le marché de l'administration publique est une
construction permanente qui s'adapte aux mutations de la société
nationale et internationale. Le concept Marketing s'est également
adapté aux exigences de compétitivité du marché,
suscitant pour les organisations une diversité d'outils nouveaux.
61 Voir notamment, Parasuraman P. A., Zeithaml V.
A., Berry L. L. (1988), «Servable: A multiple item scale for measuring
consumer perceptions of service quality», in Journal of
Retailing, 64(1), pp12-40; Zeithaml V. A., Parasuraman P. A., Berry L.L.
(1985) «Problems and strategies in services marketing», in
Journal of marketing, 49(2), pp 33-46.
II - Vers une définition du
marketing
A priori, il n'est pas aisé62 de
définir le marketing. C'est-à-dire d'en donner une
définition complète ou suffisante pour faire ressortir tous ses
métiers, ses domaines et ses processus clés. C'est pourquoi, nous
envisageons dans ce travail de définir le marketing à travers
l'évocation de son évolution.
Le marketing a évolué de façon à
permettre qu'une application au management public soit possible et plus
adéquate que par le passé. En l'occurrence, dès 1985,
l'Association Américaine de Marketing (AMA)63, définit
le marketing comme « le processus de planification et
d'exécution de la conception, la tarification, la promotion et la
distribution des biens, idées et services destinés à
l'échange afin de satisfaire des objectifs individuels et
organisationnels ». Plus tard, en 2004, la perception de l'AMA
évolue et la pousse à considérer le marketing comme
« une fonction de l'organisation, un ensemble de processus de
création de valeur, de communication et de délivrance de cette
valeur aux clients ainsi que de gestion de la relation clientèle de
sorte que l'organisation et ses parties prenantes puissent en
bénéficier ». Dans cette proposition, la distribution
des biens, des idées et des services par la création de valeurs
pour les clients et par la relation client. C'est là un changement
essentiel dans l'histoire du marketing, et comme nous l'expliquerons plus tard,
c'est aussi là la principale raison pour laquelle le marketing est mieux
adapté à l'administration publique. Toutefois, l'évolution
du marketing s'est traduite dans la pratique par trois grandes orientations qui
en constituent le socle et l'essence de ses processus. Il s'agit d'abord de
l'orientation produit, ensuite de l'orientation transaction et enfin de
l'orientation relation/client.
A - Le marketing : une orientation produit
C'est une posture très répandue au début
du XXè siècle. Et, même si son application
demeure possible dans les situations de monopole - situation quasi impossible
dans le contexte actuel de la libéralisation des échanges -, elle
ne peut être implémentée autre part. Avant la
décennie 50, correspondant au début de la période
transaction, le marketing
62 En témoigne la pléthore de
définitions proposées par les professionnels du métier,
les corporations de référence et les manuels de
référence. S'il est vrai que toutes ces définitions
véhiculent la même idée, il n'en demeure pas moins qu'elles
sont plus complémentaires les unes aux autres, se structurant autour de
la connaissance des besoins du consommateur et de la satisfaction desdits
besoins dans une perspective rentable pour l'organisation.
63 C'est une corporation de référence
qui contribue au rapprochement entre chercheurs et professionnels de marketing
à travers le monde.
n'était considéré qu'à travers la
perspective économique. Toutes les organisations se concentraient sur
une production efficace afin de répondre à une forte demande des
clients, se préoccupant très peu à la vente des produits
dans la mesure où la demande excédait en général
l'offre. Cette orientation visait in fine à profiter du client et
à minimiser au maximum les coûts de production. Concernant le
travail plus scientifique de cette période d'orientation produit, la
recherche64 en marketing s'intéressait à la
distribution et à l'échange de marchandises et de biens
manufacturés en s'appuyant largement sur des travaux
d'économie65.
B - Le marketing : une orientation
transaction
Le marketing comme fonction de l'organisation essentiellement
orientée transaction correspond à la période allant des
décennies 50-60 au début des années 1990. C'est une
posture qui continue d'ailleurs à avoir cours dans nombreuses
entreprises. Il s'agit pour l'organisation de décrocher le
contrat pour survivre dans un environnement concurrentiel. Du faite d'une
demande désormais décroissante l'action marketing tend vers la
publicité et les promotions. Au cours des années 1950, le
marketing était presque entièrement consacré aux produits.
L'école fonctionnaliste a commencé à muter en école
de gestion du marketing, caractérisée par les décisions
relatives à la gestion des fonctions marketing et au recentrage sur le
client66. Dans les années 60, on ajoute trois dimensions
supplémentaires et le concept de mix-marketing apparaît.
McCarthy67 et Kotler68 ont dépeint le marketing
comme une activité consistant à prendre les décisions
visant à satisfaire le client de façon rentable en ciblant un
marché et en prenant les décisions optimales relatives au
mix-marketing. Ce qu'illustre fort à propos l'explication que donnent
Kotler et Levy des processus clés du marketing. Pour eux en effet,
« le marketing est une activité de
64 En particulier, les premiers chercheurs se sont
intéressés à l'échange de marchandise (Copeland
1920), puis aux institutions du marketing ayant facilité
l'accessibilité et l'achat des biens (Nystrom 1915; Weld 1916), et enfin
aux fonctions nécessaires pour faciliter l'échange des biens au
sein des institutions de marketing (Cherington 1920; Weld 1917). Weld va
conclure au sujet des fonctions du marketing qu'il s'agit de l'assemblage, du
stockage, du calcul des risques, du financement, du réarrangement, de la
vente, et du transport tout en admettant que la vente est la plus importante de
ces fonctions et la plus coûteuse. La publicité existait
déjà mais elle n'était utilisée que soit parce que
c'était la seule façon de créer une large
demande, soit parce que c'était la façon la moins
chère de susciter une telle demande (Weld 1917).
65 Shaw A. W. (1912) «Some problems in market
distribution», in Quarterly journal of economics, 26(4),
pp703-765. Smith A. (1776) (1904), An inquiry into the nature and causes of
the wealth of nations, Reprint, W. Strahan and T. Cadell, London.
66 Drucker P.F. (1954), The practice of
management, Harper and Row, New York; Levitt T. (1960), «Marketing
myopia», in Harvard business review, 38 (4), 26-44, pp173-81.
67 McCarthy J. E. (1960), Basic marketing. A
managerial approach, Richard D. Irwin, Homewood.
68 Kotler P. (1972) Marketing management,
2nd ed., Prentice Hall, Englewood Cliffs.
plus en plus présente et qui va bien
au-delà de la vente de dentifrice, de savon et d'acier. [...] On cherche
à savoir si les principes du marketing traditionnel sont
transférables au marketing des organisations, des personnes, et des
idées »69. Là aussi, le lien entre le
marketing et les services, les organisations, les personnes et plus encore
l'administration publique n'était pas très évident. On lit
dans le principal manuel de marketing de la période que « le
marketing cherche à déterminer le cadre de décision des
variables qui maximiseront les objectifs de l'entreprise à la
lumière du comportement attendu des variables de la demande, qui elle ne
peut pas être maîtrisée »70. Cependant,
dès 1980, plusieurs cadres d'analyses71 et
d'opérationnalisation de la démarche marketing émergent et
ne s'appuient ni sur les 4P72 ni sur l'héritage
microéconomique. Le marketing passe d'une orientation produit vers une
orientation marché, précurseur du recentrage vers le client.
C - Le marketing moderne ou la
prépondérance du client
La perspective moderne du marketing est introduite par Morgan
et Hunt qui, tenant compte de l'extension des menaces environnementales
(concurrence, politique gouvernementale, règlementation) et des
considérations spécifiques dues à la prise en compte de la
valeur des parties prenantes (employés, clients, actionnaires,
Société), prônent le recentrage des activités vers
le client. Cette orientation client se focalise sur les relations à long
terme avec le client et sur la nécessité voire l'urgence de
créer avec le client la solution qui lui semble la plus
appropriée. Ainsi perçu, le marketing actuel présente deux
objectifs principaux :
· D'abord, le marketing s'illustre comme une donnée
entièrement tournée vers le client et son environnement.
· Ensuite, le marketing est supposé créer de
la valeur pour les clients et les autres parties prenantes.
Dans le sillage de l'orientation client de l'action marketing va
naître le CRM (la gestion de la relation client) comme domaine
d'expression de la fonction marketing au
69 Kotler P., Levy S. J. (1969), «Broadening the
scope of marketing», in Journal of marketing, 33(1), p10.
70 Kotler P. (1972), op. cit. p42.
71 Ce qui se présentait comme des
écoles de pensée différente se manifeste dans le marketing
relationnel (Morgan et Hunt 1994), la gestion de la qualité (Parasuraman
et al. 1988), l'orientation marché (Jaworski et Kohli 1988), la
logistique et la gestion de la chaîne de valeur (Srivastava et al. 1999),
et les réseaux (Anderson et al. 1994). La chose la plus remarquable est
peut-être l'émergence du marketing des services comme une sous
discipline. Elle répond au défi lancé par les chercheurs
(Shostack, 1977) de s'affranchir du marketing produit et de reconnaître
que la logique dominante n'est pas adaptée pour traiter des sujets du
marketing des services (Berry et Parasuraman, 1993).
72 Les 4P (Produit, Prix, Promotion, Place)
représentent les principales variables du Mix-marketing.
sein des organisations. La gestion de la relation client
étant une « approche stratégique consistant à
créer une plus grande valeur pour l'actionnaire au moyen de relations
adéquates avec les clients et les segments de clients clés
»73. Il est donc, désormais question, par les
mécanismes subtils du marketing relationnel, de traiter
différemment des clients différents de façon à
accroître la richesse actionnariale.
En résumé, le marketing est passé d'une
vision dominée par les biens, où les éléments
tangibles et les transactions discrètes sont centraux, à une
vision dominée par le service, où l'intangibilité,
l'évolution de l'échange, et les relations avec les clients sont
centrales. Toutefois, la vision marketing dominée par le service ne doit
pas être traitée comme équivalent aux conceptualisations
traditionnelles qui restreignent souvent les services à des
résidus - qui ne sont pas des biens tangibles - à ce qui est
offert pour améliorer un bien - des services à valeur
ajoutée (SAV) - ou à ce qui est maintenant appelé des
industries de service comme la sécurité sociale, le gouvernement,
et l'éducation. Et cela bien que, malgré l'évolution du
marketing théorique et scientifique vers l'optique client et service, la
pratique courante de l'action marketing au sein des organisations ne s'est pas
totalement défaite des pratiques anciennes propres à la
perception initiale du marketing. Ce qui a fait dire à Hermel et Romagni
que « pendant longtemps, et aujourd'hui encore, pour de nombreuses
entreprises, c'est l'optique commerciale ancienne (encore appelée
optique production) qui prédomine. Dans cette optique, l'entreprise
donne la primauté au produit sur le client »74.
Mais, de toute évidence, les mutations récentes de l'analyse
théorique et économique du marketing ont inéluctablement
agrandi son champ d'application, de manière à faire de ce concept
une notion désormais applicable aux organisations spécifiques
telles que les administrations publiques.
Il faut noter toutefois, que l'implémentation des
concepts clés du marketing n'est pas un acquis dans le cas des
administrations publiques. Si elle est reconnue possible, il reste à
préciser ses apports et éventuellement ses limites dans la
perspective d'une mise en oeuvre dans le cas spécifique d'une
administration publique.
73 Payne A., Frow P. (2005), «A strategic
framework for customer relationship management», in Journal of
marketing, 69(4), p168.
74 Hermel L., Romagni P. (1990) Le marketing
public, Une introduction au marketing des administrations et des organisations
publiques, Economica, Paris. p3.
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