Annexe 3 :
Chartes éthiques et codes de conduite en
question
Une étude du cabinet Alpha pour la CGT - mars 2004
L'étude réalisée par le groupe Alpha en
collaboration avec la CGT participe de la volonté de la CGT de faire de
la « responsabilité sociale des entreprises » un
nouveau champ d'intervention sociale pour les salariés et plus
généralement pour les populations (consommateurs et/ou habitants
de proximité). Elle montre qu'aujourd'hui les chartes et codes
éthiques sont avant tout des outils au service du management des
entreprises (dans des logiques de protection et/ou de motivations des
salariés).
Cette étude est la première du genre
d'abord :
par l'étendue de son champ
d'investigation (les entreprises du CAC 40 et les grandes entreprises
françaises non cotées),
par son objectif qui est de faire le
bilan des chartes éthiques et codes de conduite mis en place par
celles-ci et de proposer des voies d'actions pour les salariés leurs
organisations syndicales mais aussi les associations et ONG,
enfin par sa diffusion qui,
mondialisation oblige, sera assurée auprès des organisations
syndicales des pays concernés par l'activité de ces firmes
d'origine française, aux fédérations syndicales
internationales ainsi qu'aux institutions internationales.
Le fait que cette étude unique aujourd'hui soit
réalisée en collaboration avec une confédération
syndicale marque tout à la fois la préoccupation du syndicalisme
sur ces questions et la volonté de celui-ci de « reprendre la
main » sur des terrains dont il a été (avec son tacite
consentement ou sans celui-ci) exclu.
Cette étude lourde s'inscrit dans une suite d'actions
de la CGT sur ce thème de la RSE dont la première fût la
réalisation d'une étude (toujours en collaboration avec le groupe
Alpha) sur la façon dont les entreprises s'étaient
acquittées en 2003 de leur obligation au titre de la loi NRE (Nouvelles
régulations économiques) de rendre compte des conséquences
sociales et environnementales de leurs activités. Le succès de
cette première étude réalisée en octobre 2003 -
largement médiatisée et parallèlement diffusée au
sein de nos organisations et par l'intermédiaire du TUAC (Commission
syndicale consultative auprès de l'OCDE) aux organisations syndicales
des 30 pays membres de l'OCDE- nous ont encouragé à poursuivre
ces travaux de réflexion et de propositions sur des thèmes peu
stabilisés et très souvent déroutants pour les
salariés.
Le scepticisme des salariés
Confrontés à la mise en place de
démarches éthiques au sein des entreprises traduites par
l'édition de chartes et autres codes de conduite, les premières
réactions des salariés sont en général empreintes
d'un fort scepticisme ; elles se traduisent parfois par un rejet ou au
moins par des réticences, parfois par de l'indifférence.
Pour la CGT tout ceci est parfaitement compréhensible
et souvent très salutaire !
Ainsi, comme le met en évidence de façon
éclatante l'étude Alpha/CGT :
les chartes éthiques et codes de conduite sont dans la
quasi-totalité des cas des documents unilatéraux à la
définition desquels ni les salariés ni leurs représentants
ne sont associés. 80% des documents étudiés ne font
même pas référence aux différents acteurs sociaux et
en particulier les représentants du personnel ! 5 entreprises
seulement sur les 40 étudiées ont mentionné une
consultation du comité d'entreprise ou de l'instance de dialogue
européen !
Les engagements des entreprises ont
tout du Canada dry : la couleur, le goût, l'odeur d'engagements mais
ceci n'en sont de réels que dans de très rares exceptions. Ainsi,
70% des codes étudiés mentionnent des engagements qui ne peuvent
donner lieu à une mise en oeuvre spécifique et immédiate.
9 entreprises seulement (Accor, Arcelor, Axa, Carrefour, Dexia, Lafarge,
Rhodia, ST Microelectronics et Vivendi Universal) définissent des
objectifs concrets et mesurables. 35% seulement font référence
explicitement aux conventions fondamentales de l'OIT et 15% aux principes
directeurs de l'OCDE en direction des multinationales. Au surplus, ces codes
usent et abusent de novlangue managériale, renforçant encore le
malaise.
Les contrôles des engagements
sont inexistants ou réservés à des comités
éthiques internes (70% des cas étudiés) composés de
cadres dirigeants et souvent uniquement en charge de la rédaction d'un
simple rapport annuel... Une seule entreprise (Carrefour) est dotée d'un
contrôle externe pour sa Charte contre l'exploitation des enfants et le
travail forcé qu'elle impose à ses fournisseurs et sous traitants
(collaboration avec la FIDH) mais là encore les salariés n'y sont
pas associés.
Le périmètre
d'application des codes et chartes est en général réduit.
Il ne prend en compte que les personnels « stables » et
excluent les salariés improprement baptisés « de second
rang » c'est-à-dire ceux des fournisseurs et sous-traitants en
cascade.
Ce bilan sévère mais qui s'appuie sur une
étude exhaustive des pratiques des entreprises en la matière,
montre qu'aujourd'hui les chartes et codes éthiques sont avant tout des
outils au service du management des entreprises (dans des logiques de
protection et/ou de motivation des salariés). Pour la CGT, ceci doit
changer !
Normes sociales et contre-pouvoirs à l'ère de la
mondialisation
Le rejet ou l'indifférence légitime qu'inspirent
aujourd'hui ces documents ne relevant souvent que du marketing éthique
ou pire reportant sur les salariés des responsabilités qu'ils
n'ont pas les moyens d'assumer (prescription supplémentaire et
injonctions contradictoires) n'ont pas vocation à être
éternels.
Dans le cadre de la mondialisation, la création de
normes sociales à l'échelle internationale est un objectif pour
le syndicalisme. C'est donc d'abord les contenus qu'il faut pouvoir
débattre comme les moyens de contrôle à y associer.
Les pouvoirs publics (nationaux, européens et
internationaux) ont un rôle décisif à jouer pour
accompagner des dynamiques sociales fondées sur des négociations
entre acteurs sociaux.
Pour la CGT, il apparaît ainsi décisif :
De renforcer les droits
d'intervention des salariés et de leurs institutions
représentatives dans la gestion des entreprises et le contrôle de
leur activité. Ceci suppose de donner une place aux salariés au
sein des gouvernements d'entreprise (ce que ne prévoit pas le projet de
l'OCDE en cours de négociation sur ce point).
D'engager la négociation
d'Accords cadres (« Framework agreements ») entre
multinationales et fédérations syndicales internationales, afin
d'agir dans le sens de l'émergence d'un droit social international qui
fait aujourd'hui défaut. Il s'agit de durcir la « soft
law » qui caractérise les chartes et codes de conduite
aujourd'hui existants.
De renforcer les pouvoirs des
institutions internationales telle l'OIT
Des propositions immédiates pour les organisations
syndicales
Au-delà, la vocation de cette étude qui sera
très largement diffusée auprès notamment des organisations
de la CGT est de mettre en évidence des points pratiques et
immédiats à défendre lors de la mise en place des codes et
chartes d'entreprises.
Parmi ceux-ci :
Exiger la négociation de ces
codes et chartes avec les organisations syndicales, ceci sur l'ensemble du
périmètre de l'entreprise (pour les différents pays
d'implantation de l'entreprise et pour les sous-traitants et fournisseurs).
Définir des engagements
concrets et mesurables, notamment en systématisant les
références aux conventions de l'OIT.
Mettre en place des dispositifs de
contrôle indépendants de ces engagements sociaux et
environnementaux.
mardi 7 décembre 2004
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