La dynamique des droits de la défense dans le code de procédure pénale. Cas de la préparation du procès( Télécharger le fichier original )par Bernard BELBARA Université de Ngaoundéré - DEA 2006 |
2- L'instauration d'une justice d'abattage75. Le transit par l'information judiciaire, outre le fait qu'il offre des garanties considérables aux mis en cause, permet tout au moins une instruction à charge et à décharge et la faculté de se faire assister d'un conseil et conséquemment d'approcher la vérité objective. Disposant de l'opportunité des poursuites, le procureur de la république devait, en toute logique soumettre les crimes et délits complexes à l'instruction. Malheureusement, avec les ordonnances de 1972, le passage par cette étape charnière était sujet à controverses. 76. Pour les uns, la procédure de flagrant délit était facultative pour le ministère public. Le TPI de Bafoussam qui était favorable à pareille interprétation, estima « Que dans une affaire complexe par exemple, où il est facile de prendre rapidement une décision de poursuivre, il est souhaitable qu'une information judiciaire puisse être menée afin que les éléments de preuve ou des données venant à décharge puissent être rassemblées et une décision conséquente prise »127(*). 77. Pour les autres par contre, le ministère public ne peut recourir à l'instruction en matière d'infraction flagrante pour la simple raison que l'ordonnance n°72/17 rend obligatoire l'application de la procédure de flagrant délit pour toutes les infractions (crimes ou délits) et que le juge doit se conformer à la volonté du législateur qui, par cette ordonnance a voulu assurer la célérité des poursuites et une répression plus sévère de ces infractions jugées nombreuses et dangereuses pour l'ordre public camerounais. La violation par le ministère public de cette procédure spéciale ferait perdre la célérité voulue par le législateur dans la répression du banditisme et par conséquent, la procédure contraire à l'information engagée encourt annulation128(*). Contre toute attente, c'est curieusement l'orientation retenue par la Cour suprême qui, dans une espèce où une procédure de flagrant délit avait été ouverte contre un justiciable pour vol aggravé129(*), lequel réclamait l'ouverture d'une information, décida « Qu'en utilisant à l'encontre de Ndjin Abdoulaye poursuivi pour vol aggravé, la procédure de flagrant délit, l'arrêt confirmatif attaqué, loin de violer les textes visés au moyen en a, au contraire, fait une exacte application »130(*). 78. Situation inadmissible et déplorable, cette banalisation de la procédure de flagrant délit ouvrait les portes à une justice d'abattage, plus préoccupée par l'efficacité, à liquider les stocks, les flux, que de la garantie des droits de la défense. Avec l'éviction du juge d'instruction, la justice pénale, loin d'être impartiale, était inique. En toute constance, la présomption d'innocence devait être réhabilitée et, à travers elle la suppression des procédures sommaires. Le coup de semonce fut donné par la loi n°90/045 du 19 décembre 1990 venue modifier l'ordonnance 72/17. * 127 TPI Bafoussam, jugement ADD/1463/Cor du 11 avril 1984. Voir annexe de la Thèse de Mme TOUKAM Josette sur La détention provisoire dans l'avant projet camerounais de code de procédure pénale, Yaoundé 1982, pp 417 à 422. * 128 Cour d'Appel du Centre, arrêt n°69 du 28 mars 1972, affaire Simo ; Cour d'Appel de l'Ouest, arrêt n°67/CR du 28 mai 1984, affaire Lowe...tous en annexe. * 129 Infraction visée par l'ordonnance n°72/17 * 130 CS, arrêt n°58 du 14 décembre 1978, Bull. p.5948, cité par F. ANOUKAHA, « Droit pénal et démocratie en Afrique noire francophone : l'expérience camerounaise (suite et fin) », in Juridis-infos juil-août-septbr 1995, pp 67 à 87. |
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