Chapitre II : LES LIMITES DU TRANSPORT FERROVIAIRE
DE
1960- 1980
De 1960 jusqu'en 1980, le chemin de fer en Côte-d'Ivoire
a joué sa partition dans le développement économique et
social du pays.
En effet, avec un volume des trafics qui a connu une
croissance au fil des années, l'Etat de Côte-d'Ivoire avait les
moyens pour réaliser les différents projets de
développement.
Cependant, force est de constater que si des résultats
significatifs ont été enregistrés du point de vue de son
impact sur les zones traversées et l'économie ivoirienne, il faut
néanmoins reconnaître qu'il est confronté à
d'énormes difficultés du point de vue matériel et
technique qu'il convient de résoudre le plus rapidement possible afin de
lui permettre d'être encore plus compétitif pour le
développement de la Côte-d'Ivoire.
A- : Les limites du réseau ferroviaire
1- La vétusté de la ligne et du
matériel
Le réseau ferroviaire en Côte-d'Ivoire qui est
née de la colonisation est à l'image de la quasi-totalité
de l'infrastructure ferroviaire de l'Afrique de l'ouest.
Construit au début du 20ème
siècle, presque toutes les voies au lendemain des indépendances
étaient vétustes du fait de leur âge, du manque
d'entretient et de l'inadaptation de la conception aux conditions d'une
exploitation ferroviaire efficace et moderne.
En effet, même si des investissements ont
été fait durant des années pour son amélioration,
il faut cependant reconnaître que le chemin de fer aurait pu être
encore plus performant si la voie était plus
développée.
Le réseau connaît des problèmes
d'infrastructures, il est resté dès lors vétuste et
hétérogène et n'offrent pas souvent des
caractéristiques d'une voie exploitable selon les normes et les
techniques d'un trafic économique.
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La voie est caractérisée par « une
tracé accidentée avec des rampes maxima de
250/100 »56 , un rayon minimum de courbes de 180
mètres ; ce sont des rails légers de « 25 kilogrammes au
mètre avec un travelage faible de 1,328 traverses par mètre
»57.
Il est évident que de telles caractéristiques
qui convenaient à l'époque de la construction du réseau ne
pouvaient plus répondre à un moment donné aux exigences
d'un trafic commercial intense que connaît la voie ferrée.
Par ailleurs, nous savons que le chemin de fer est un moyen de
transport et de communication qui vend des services mais un problème va
se poser dans le domaine du trafic des voyageurs.
En effet, la longueur des sections à voie unique entre
les gares limitent strictement le nombre de trains qu'il est possible de faire
circuler chaque jour et cela est évidemment une gène pour
l'assouplissement des horaires et par conséquent la commodité des
déplacements, d'où saturation du réseau.
Avec une voie métrique et unique de 25kg/m comme nous
l'avions déjà souligné plus haut et qui est
généralement non ballasté, le chemin de fer en
Côte-d'Ivoire jouait son rôle dans l'économie avec un
certain nombre de difficultés.
Du point de vue du matériel, notons qu'en 1963, le
réseau comptait « 28 locomotives, 21 locotracteurs et 16
autorails diéselisés de traction »58.
De même, le matériel remorqué était
composé de 945 wagons marchandises et de 97 wagons voyageurs.
Tous ces éléments demeurent non
négligeables car ils ont permis dans un premier temps à la
Côte-d'Ivoire et au chemin de fer d'honorer leur engagement
vis-à-vis des clients pour le bien de l'économie ivoirienne.
56 La voie de la Régie Abidjan-Niger,
op-cit P9
57 Id La voie de la Régie Abidjan Niger, op-cit
p9
58 Louis Edouard Settie, L'Etat et le processus de
développement en Côte-d'Ivoire 1960-1980 op-cit p27
Cependant, nous affirmons que si la voie était plus
développée avec des matériels de traction et de
remorquages plus performants, le rail en Côted'Ivoire pouvait
réaliser des résultats encore plus satisfaisants plus que ce
qu'il a déjà accompli dans l'économie ivoirienne.
Par la même occasion, avec un total de 1175 km dont 625
km pour la Côted'Ivoire, le chemin de fer qui traverse tout le pays agit
comme un outil indissociable à notre économie vu les
énormes services qu'il procure.
Mais le problème de la vétusté de la
ligne et du matériel se présentait comme une épine pour
une utilisation adéquate de ce moyen de transport et de
communication.
Par ailleurs, l'écartement de 0,91m qui est un
écartement dit de 0,91Decauville se présente comme un obstacle en
ce sens que c'est un chemin de fer à voie métrique qui exige
très peu de superstructure et conçu pour un transport pas trop
lourd.
Ainsi les caractéristiques de la voie limitent la
vitesse, le nombre et le poids des trains qui l'utilisent. De ce fait, dans le
trafic des marchandises et des voyageurs, il fallait respecter ces
prescriptions afin d'éviter des accidents comme le déraillement
des trains.
Au total, la vétusté de la ligne et du
matériel qui est l'héritage de la colonisation a constitué
un frein pour le chemin de fer afin de jouer pleinement son rôle en tant
que moyen de développement économique.
En dehors de cette vétusté de la ligne et du
matériel, notons aussi que la non orientation de la ligne demeure aussi
un problème.
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2- La trajectoire unique de la ligne
En Côte-d'Ivoire, notre succès économique
repose sur notre agriculture et cette idée est perçue dans le
discours d'investiture du 30 Avril 1959 du chef de l'Etat ivoirien, Feu le
président Félix Houphouët BOIGNY lorsqu'il affirmait
« la Côte-d'Ivoire demeurera un pays à vocation agricole
»59.
Il faut comprendre par là qu'aux quatre coins du pays,
les cultures industrielles et vivrières sont produites et il faut les
transporter pour les convoyer vers les grands centres comme Abidjan afin de les
commercialiser où les exporter pour le bonheur de l'économie
ivoirienne basée sur l'agriculture.
Si des routes ont été construites,
développées et améliorées pour le faire dans
certaines régions, néanmoins force est de reconnaître
qu'avec un chemin de fer performant, le transport serait plus rapide et
régulier.
Par ailleurs, le besoin de se déplacer étant
entré dans l'habitude des populations ivoiriennes alors les
infrastructures de communication comme le chemin de fer se doivent d'être
à la disposition des populations.
Cependant, le problème de la voie ferrée en
Côte-d'Ivoire ne permet pas à un certain nombre de personne de
bénéficier de ses services.
En effet, « sa finalité première, c'est
le transport des produits lourds de la Haute volta, du Mali et du Niger vers
Abidjan et également les marchandises lourdes d'Abidjan vers ces pays
»60
De ce fait, il n'y a eu aucun embranchement en direction
d'autres régions à l'intérieur de la Côte-d'Ivoire.
Il ne fait que la traversée du nord au sud et vice-versa comme nous
l'avons évoqué.
En d'autre terme, la trajectoire unique du chemin de fer
ivoirien limite fortement sa rentabilité dans la mesure où des
régions comme l'ouest et l'est du pays qui sont de très fortes
régions agricoles pouvaient accroître encore le
59 Le Démocrate, édition spéciale
7 décembre 1993-7 décembre 1994, « pourquoi il faut
croire en Bédié », Abidjan, SI I 1993, p60
60 Louis Edouard Settié, op-cit p48
volume d'activité de la voie ferré. L'ouest du
pays avec la construction du Port de San-pedro, offre d'énormes
possibilités pour l'exploitation d'un trafic ferroviaire intense.
Quant à l'est qui est une forte zone de production de
cacao, peut être un atout essentiel dans l'accroissement du volume du
trafic marchandises de la Régie Abidjan-Niger.
En effet, cette zone qui concentre le plus grand nombre de son
trafic sur la route est un manque à gagner énorme pour le chemin
de fer dans la mesure où un tonnage important de cacao circule sur les
routes de cette région. Routes qui ont pris l'appellation de
«routes du cacao» à cause des quantités énormes
de cacao qui empruntent ces voies pour le Port d'Abidjan.
En d'autre terme, l'ouverture d'autres voies en direction
d'autres régions du pays contribuerait à désenclaver plus
les régions et à développer celles-ci par le transport des
marchandises et des voyageurs en direction du port et des autres villes de ces
régions.
Cette non orientation de la ligne est encore très
perceptible dans le trafic avec le Mali dans la mesure où la route
participe pour beaucoup dans le trafic des marchandises de ce pays car le
chemin de fer n'a pas d'embranchement dans le nord ouest.
De même, les problèmes entre le Mali et le
Burkina dans les années 70 a perturbé le trafic vers le Mali car
une partie des marchandises de ce pays passe par le pays des «hommes
intègres» ce qui a constitué une perte pour le réseau
ferroviaire et partant de là pour l'économie ivoirienne.
En somme, la voie ferrée ivoirienne a bel et bien eu un
impact positif sur le développement économique et social de la
Côte-d'Ivoire du point de vue de l'évolution des activités
du réseau et des recettes engrangée de 1960 à 1980.
Il serait difficile pour nous d'affirmer que ce moyen de
transport et de communication n'a pas joué sa partition dans le
développement économique de la Côte-d'Ivoire.
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Cependant, la vétusté de la ligne et des
matériels et sa trajectoire unique ont été de tout temps
un handicap sérieux au bon fonctionnement de la voie ferrée en
Côte-d'Ivoire.
Dès lors, pour lui permettre d'être encore plus
efficace, l'Etat, la direction de la Régie Abidjan-Niger qui gère
le réseau ferroviaire ivoirien et les partenaires au
développement vont s'engager à trouver des solutions à ces
différents problèmes.
Ainsi donc, si des projets ont été
réalisés permettant l'accroissement des trafics du chemin de fer,
il faut reconnaître que beaucoup reste à faire.
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