A- : La place du réseau ferroviaire
1- Par rapport aux transports terrestres et
aériens
C'est dans les décennies 60 et 70 que le chemin de fer a
connu sa plus grande gloire à cause des faiblesses des transports
terrestres et aériens.
En effet, pour toute jeune nation en voie de
développement, le problème des transports se pose avec
ambiguïté ; cependant au niveau de la Côte-d'Ivoire, le
chemin de fer semble vouloir résoudre ce problème qui reste tout
de même encore posé malgré les efforts des autorités
ivoiriennes en raison du mauvais état de nos routes et de l'existence
précaire des aérodromes.
Ces situations désastreuses sont dues aux
intempéries et les moyens peu divers dont disposent les populations pour
assurer leur déplacement et c'est dans cette optique q'au lendemain des
indépendances, l'Etat de Côte-d'Ivoire accorde une priorité
au chemin de fer pour transporter les voyageurs et les marchandises par rapport
aux routes et à l'avion.
La Côte-d'Ivoire veut se doter d'une économie
forte et moderne, la circulation des biens et des personnes, le transport des
marchandises et les diffusions des informations à l'intérieur
comme à l'extérieur des frontières du pays
s'avèrent nécessaire.
Dès lors, la voie ferrée va apparaître
comme le moyen de transport et de communication le plus outillé et le
plus développé par rapport aux autres pour accomplir ces
missions.
En effet, cette situation de fait s'explique parce qu'en 1960
déjà, le chemin de fer qui a été fortement
utilisé pour la mise en valeur du pays par le colonisateur
possédait les atouts pour le transport des voyageurs et des marchandises
lourdes dans les deux sens.
Même si des routes existent et que le transport
aérien n'est pas négligé, néanmoins l'on a
accordé beaucoup plus d'importance au chemin de fer dans la mesure
où il constitue un moyen de masse et permet des économies
appréciables sur l'acheminement de pondéreux sur de longues
distances.
A cette période, le chemin de fer était le seul
moyen de transport et de communication pouvant transporter milles personnes et
plus et à des vitesses convenables.
Au regard de tous ces faits, la voie ferrée ne peut
qu'avoir l'assentiment des autorités ivoiriennes qui lui accordent un
quasi-monopole pour le transport des voyageurs et des marchandises.
40
Malgré la présence des routes parce qu'à
partir 1960, le réseau routier de la Côte-d'Ivoire était le
plus « développé d'Afrique de l'Ouest
»15 et des quelques aérodromes, le chemin de fer
est le mode de transport qui a transporté le plus de passagers
« 219,4 millions de voyageurs-kilomètres
»16 et des marchandises « 210,4 millions de
tonnes-marchandises »17.
A cette période, le trafic de l'aéroport
était estimé à 67.000 passagers, ce qui n'est pas
comparable aux 1.508.890 voyageurs transportés par le rail.
Ce quasi-monopole de fait est très visible car le
chemin de fer apparaît comme l'épine dorsale du pays, le lien
privilégié par excellence entre la Côted'Ivoire et la
Haute-Volta, entre la Haute-Volta, le centre, le nord de la Côted'Ivoire
et le Port d'Abidjan.
De ce fait, la voie ferrée se positionnait comme un outil
indispensable pour l'économie ivoirienne pour s'ouvrir à d'autres
économies.
En d'autre terme, le chemin de fer va jouir d'un monopole par
rapport aux autre moyens de transport et de communication que sont la route et
l'avion car il montrait son efficacité sur les longues distances.
Il est plus performant que le plus gros camion en ce qui
concerne la possibilité de transporter un nombre important de
marchandises et de rouler pendant longtemps.
Par ailleurs, le réseau ferroviaire du point de vue des
quantités de marchandises qu'il transporte (312,9 millions de
tonnes-kilomètre) en 1964 est le mode de transport le plus rentable dans
presque tous les cas pour les nouvelles autorités ivoiriennes.
Autrement dit, le rail est un moyen de transport et de
communication peut coûteux et le mieux adapté pour le
déplacement de grosses marchandises à
15 Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume, op-cit, p113
16 La Côte-d'Ivoire de A à Z,
Abidjan, NEA 1977, p30
17 id, La Côte-d'Ivoire de A à Z,
op-cit, p30
destination ou en provenance des pays enclavés comme la
Haute-Volta, le Mali et le Niger à cette période.
Au lendemain des indépendances, si l'Etat de
Côte-d'Ivoire accorde sa confiance au chemin de fer c'est que ce moyen de
transport et de communication avaient de nombreuses obligations qui lui
étaient imposées.
Ainsi, pour les voyageurs d'une part, le réseau
ferroviaire va conserver avec le temps une position très
compétitive avec des trains rapides (la Gazelles et le Bélier)
sur les moyennes distances (500 à 600 Km).
Il y a aussi l'avantage de la régularité car les
usagers ont toujours l'assurance que le train sera au quai ; tel n'est pas le
cas d'un camion.
Pour les marchandises d'autre part, le rail représente
un avantage économique considérable par rapport aux transports
terrestres et aériens pour les distances assez importantes. Ces
avantages sont beaucoup remarquables lorsque les clients aux deux
extrémités sont embranchés.
De même, les installations sont loin d'être
saturées et elles pourraient si le besoin se fait sentir voir leur
capacité sensiblement accroître. C'est le cas à partir de
1969 où un grand mouvement de modernisation du réseau sera
entrepris pour lui permettre d'être encore plus performant. (Voir
graphique 1)
Graphique 1 :
Voyageurs/Km Marchandises/Km
1200
1000
800
600
400
200
0
1960 1964 1968 1972 1974 1975 1976
Trafic Ran voyageurs et marchandises
42
Lorsqu'on essaie d'analyser les données de ce graphique,
ce qui convient de signaler est que le chemin de fer du point de vue de
l'évolution du trafic voyageurs et marchandises dés les
indépendances jusqu'en 1976 montre bien que le réseau ferroviaire
jouissait encore d'un certain monopole dans la politique de
développement de la Côte-d'Ivoire pour transport des voyageurs et
des marchandises sur certaines distances.
Et cette situation est perceptible dans le transport d'un
certain nombre de produits sur les longues distances même si à
partir des années 70 la concurrence de la route et du transport
aérien se fait beaucoup sentir.
Par ailleurs, il est important de souligner que le trafic
voyageurs et marchandises en 1970 était toujours en nette croissance ;
mais le problème qui se pose est que les voyageurs commencent à
utiliser beaucoup plus la route et l'avion pour se déplacer à
l'intérieur et à l'extérieur de la Côte-d'Ivoire.
Tel est aussi le cas du trafic marchandises qui voit une
partie des produits de commerce qui passe par la route et la baisse du trafic
en 1975 est aussi due à une fluctuation qui est très courant dans
le transport des marchandises.
La priorité du chemin de fer par rapport aux transports
terrestres et aériens se justifie aussi par le fait que ceux-ci avaient
des difficultés et n'étaient pas assez développés
au début des indépendances.
En effet, lorsque nous prenons le cas de la route, l'on
constate des coupures faute d'ouvrages sur les rivières ou du fait de
l'insuffisance des hauteurs de remblais et de plateformes surtout en
hivernage.
En 1960, le parc automobile n'était pas assez
considérable « 310 autocars, 8300 camionnettes de 2 tonnes
»18 soit un total de 35580 engins pour une charge utile de
52.400 tonnes, c'est un bon résultat mais qui parait insuffisant par
rapport au 210,4 millions de tonnes marchandises transportées par le
rail.
18 Communauté Economique Européenne :
les transports en Côte-d'Ivoire, études
préliminaires, Paris, sedes 1969, p55
De même, la mauvaise qualité des routes et des
pistes d'atterrissages constituent un frein au développement des
transports par route et par avion d'oül'augmentation du prix
des trafics, constituant un handicap pour les opérateurs
économiques.
Au cours des années 60, lorsque nous jetons un regard sur
le tarif moyen des modes de transport, le constat que nous faisons est que le
chemin de fer offre des prix intéressants pour le transport des
voyageurs et des marchandises même si la route propose autant (voir
tableau 9).
Tableau 9 Tarif moyen des modes de
transport
Mode de transport
|
Fret francs/t-km
|
Passagers francs/v-km
|
Avion
|
185
|
29
|
Chemin de fer
|
18
|
5,50 (1ere classe) 4,50 (2ème classe)
|
Route
|
8 à 20
|
2,50 à 5,00
|
Source : République de Côte-d'Ivoire, Etude des
transports en Côte- d'Ivoire, volume 7, le transport aérien,
France, Edirap 1970
Lorsque nous faisons une étude approfondie de ce
tableau, nous remarquons que le chemin de fer en plus de parcourir de longues
distances à des vitesses raisonnables offre au niveau des prix moyens
beaucoup d'avantage plus que l'avion et la route même si la route
présente des prix qui varient selon le trajet.
44
Cependant, il ne faut pas ignorer que si le transport doit se
faire sur de très longues distances, l'avantage reviendrait sans aucun
doute à la voie ferrée.
En d'autre terme, le chemin de fer transporte en
quantité et en qualité à des prix étudiés
par rapport à la route et à titre d'exemple signalons que le
mauvais état des routes demeure un sérieux handicap pour
l'économie ivoirienne.
Durant les saisons des pluies en 1962, la route
Abengourou-Bongouanou coupée pendant trois (03) mois a fait que la
région s'est retrouvée pendant des semaines dans une situation
critique du point de vue économique (pénurie d'essence, sucre et
autres marchandises toutes aussi importantes).
A vrai dire, ces interruptions dans le trafic sont d'autant
plus gênantes que certaines productions ivoiriennes sont
périssables (banane), d'où des pertes très
considérables aux chargeurs et aux planteurs.
Par rapport aux voies terrestres et aériens, le
monopole du chemin de fer était plus perceptible dans la mesure
où les aérodromes étaient sous équipés, les
véhicules ne pouvaient transporter que peu de charges et du point de vue
confort, beaucoup reste à faire.
Par contre, la voie ferrée présentait plus de
caractéristiques favorable pour un trafic évolutive plus que la
route et la voie aérienne du point de vue de la quantité des
produits à transporter, le prix et le temps du transport sans oublier la
distance à parcourir.
Au total, le chemin de fer jouissait d'un monopole par rapport
à la route et à l'avion à cause de plusieurs facteurs que
sont la régularité des trains de marchandises et voyageurs, leur
capacité à transporter des marchandises et des voyageurs en grand
nombre et sur de longues distances.
Cependant, au milieu des années 60 jusqu'en 1980, le
chemin de fer sera confronté à une concurrence rude de la part de
la route et du transport aérien.
Cet état de fait, naît au fil des années mais
connaîtra une évolution nette à partir des années 70
lorsque l'Etat de Côte-d'Ivoire met l'accent sur ces moyens
de transport et de communication pour pallier aux insuffisances
du chemin de fer.
En effet, comme nous pouvons le constater, même si son
volume d'activité continuait de croître, il faut néanmoins
souligner que le chemin de fer en Côte- d'Ivoire qui est à l'image
des chemins d'Afrique de l'ouest connaît de sérieux
problèmes pour être beaucoup plus efficace même si des
modernisations ont été effectuées.
Dés lors, les autorités ivoiriennes pour mieux
appréhender le développement du pays au plan économique et
social font appel aux transports terrestres et aériens car le chemin de
fer avec ses insuffisances ne peut à lui seul accompagner la
Côte-d'Ivoire indépendante sur le chemin du
développement.
Ainsi, avec le développement des routes et des
aérodromes, le quasi-monopole de la voie ferrée prend un coup sur
un certain nombre d'itinéraires pour le transport des voyageurs et des
marchandises.
Comme la concurrence est un excellent stimulant pour aboutir
à la meilleure satisfaction de l'usager, l'Etat ivoirien dans sa
politique de développement continue de l'économie ivoirienne va
améliorer les infrastructures pour assurée la desserte
générale du territoire.
Ainsi donc, de prime abord la concurrence de la route devient
de plus en plus grande avec des cars de transport passagers assez spacieux et
des gros camions de marchandises.
Aussi est elle considérée comme une des
conditions essentielles « de tout transport donc de
toute vie économique »19 du fait que la voie
ferrée n'assure qu'un trajet nord-sud et vice-versa et que les fleuves
ne se prêtent pas trop à la navigation.
19 Côte-d'Ivoire, vingt ans, Abidjan,
fraternité hebdo 1980, p115
46
Dés lors l'Etat fait du développement routier
une de ses priorités en investissant près de « deux
cents milliards de francs CFA »20 pour le renforcement et
le bitumage de 1976-1980 contre treize milliards de 1960-1964. En d'autre
terme, les travaux routiers ont absorbé près de quatre (04)
milliards par an pour leur développement et leur amélioration, et
de ce fait, la route acquiert alors de l'importance dans l'économie
ivoirienne dans les zones où le chemin de fer est absent.
Elle devient même le moyen de transport et de
communication incontournable pour le transport de voyageurs et de marchandises
sur les petites distances.
En 1970, le pays pouvait compter maintenant sur 35.000 Km de
routes (voir annexe1) dont 6300 Km de routes à grande circulation, 700
Km de routes d'intérêt général, 2100 Km de routes
d'intérêt local et 550 Km de route de voie urbaine.
Cet état de fait est très significatif dans la
mesure où en 1960, lorsqu'on enviait la Côte-d'Ivoire pour son
réseau routier dense, ce n'était que 25.650Km de routes.
Cette évolution du réseau routier se
concrétise en 1980 avec 45.636Km de routes dont 3.136 Km de routes
bitumées, 11.200 Km de routes villageoises et 31.300 Km de routes en
terre.
Au total, le réseau routier de la Côte-d'Ivoire
se développe fortement avec une évolution qualitative
accélérée à partir de 1975 et une vue des routes
bitumées de 1975-1980 montre que l'Etat de Côte-d'Ivoire a fait de
la route un moyen de développement économique au même titre
que le chemin de fer (voir tableau 10).
20 Id, Côte-d'Ivoire, vingt ans, op-cit,
p115
Tableau 10
Routes bitumées de 1975 à
1980
ROUTES
|
DISTANCES KM
|
Yabayo-Gagnoa
|
79
|
San-pedro-Issia
|
216
|
Abidjan-Agboville et bretelle Adzopée
|
871
|
Katiola-Ferkessedougou-Korhogo
|
230
|
Bouaflé-M'bahiakro
|
86
|
Source : Côte-d'Ivoire, vingt ans, Abidjan,
Fraternité Hebdo 1980, p 115
Ce qui est intéressant de noter après analyse de
ce tableau, c'est que la politique adoptée depuis 1970 par les nouvelles
autorités ivoiriennes en matière d'infrastructures
routières vise d'une part à développer les grandes axes
internationaux et ceux reliant les principaux pôles économiques du
pays, d'autre part à désenclaver toutes les régions afin
de faciliter leur mise en valeur rationnelle par l'exploitation de toutes les
ressources disponibles.
C'est dans cette optique que la voie San-pedro-Issia longue de
216Km est la bienvenue pour combler le vide laissé par le chemin de fer
dans le grand ouest afin de drainer les marchandises vers le Port de
San-pedro.
Par ailleurs, le transport terrestre prend de l'importance
à coté de la voie ferrée et cela est très
significatif avec le parc automobile qui évolue sensiblement (voir
tableau 11).
48
Tableau 11
Le parc automobile de 1973-1979
|
31/12/1973
|
31/12/1975
|
31/12/1977
|
31/12/1979
|
Motocyclettes
|
3455
|
4106
|
5136
|
6410
|
Voitures particulières
|
59579
|
75868
|
98208
|
109715
|
Autocars 22 places et plus
|
2726
|
3948
|
5306
|
6006
|
Camionnettes
|
14090
|
17970
|
23544
|
26041
|
Camions
|
10780
|
13792
|
20536
|
22358
|
Véhicules spécialisés
|
361
|
536
|
693
|
765
|
Tracteurs routiers agricoles
|
4093
|
5210
|
6065
|
6568
|
Remorques routiers et agricoles
|
180
|
211
|
243
|
286
|
Semi-remorques routiers et agricoles
|
2486
|
2895
|
3250
|
3652
|
TOTAL
|
97750
|
124486
|
162281
|
181801
|
Source : Côte-d'Ivoire, vingt ans, Abidjan,
Fraternité Hebdo 1980, p 116
Cette évolution est remarquable et nous constatons dans
ce tableau que le transport routier est devenu un mode de transport et de
communication courant qui est à l'abri de la concurrence sur une
quantité d'itinéraires secondaires ; en plus, il a toujours
l'avantage sur le chemin de fer lorsqu'il s'agit de transporter des
marchandises sur les courtes distances ou pour des chargements unitaires peu
importants.
Par ailleurs, le transport routier concurrence très
fortement le chemin de fer et trouve son importance dans la mise en valeur
progressive des régions de plus en plus éloignées de la
voie ferrée et d'Abidjan.
Et de ce fait « la pénétration dans les
zones forestières ou de savanes nouvelles sont rigoureusement
liées au développement des routes »21, et si
le chemin de fer est un puissant facteur de développement alors la route
l'est aussi en ce sens que qu'une route qui traverse une zone rurale fait de
cette zone un pôle d'attraction pour les échanges commerciaux.
Au total, notons que de 1960 à 1979, le
développement spectaculaire et progressif des routes aura permis un
accroissement du parc ivoirien. Cette croissance a été beaucoup
plus au niveau des camionnettes, camions et des voitures
particulières.
En 1969, les camions et les camionnettes occupaient 31 % du
parc et cette situation s'explique du fait que ces engins jouent le rôle
que le chemin de fer ne peut jouer dans les zones où le rail fait
défaut.
Ils étaient plus rentables pour le transport des
produits comme le café, le cacao, la banane et bien d'autres produits de
la région en direction du Port d'Abidjan.
Même si la voie ferrée de part sa modernisation
durant les années continue de transporter d'énormes
quantités de marchandises et un nombre croissant de voyageurs,
cependant, il est clair que le développement et l'amélioration
des transports terrestres et aériens ont détourné une
partie des trafics de la voie ferrée.
Dans cette même vaine, le transport aérien
presque qu'inexistant en 1960, viendra lui aussi concurrencer le monopole de
fait du chemin de fer.
Il est arrivé pour résoudre le problème
de développement des régions éloignées d'où
la question du nécessaire équilibre entre l'expansion
extrêmement rapide de celui-ci et l'évolution économique
des régions périphériques.
21 Communauté Economique Européenne,
op-cit, p 15
50
En effet, préoccupé par l'aménagement des
régions éloignées de la capitale, les autorités
ivoiriennes font un effort constant pour améliorer les liaisons entre
Abidjan et les villes éloignées ou les localités du sud
ouest mal desservie par la route et le chemin de fer inexistant (voir
annexe1).
Au lendemain des indépendance, on ne peut pas trop
parler d'un trafic aérien car le transport aérien n'était
pas assez développé : 8180 passagers en 1961 et 1962, il faut
cependant noter que le développement et l'amélioration des
aérodromes dans les différentes zones du pays vont permettre un
accroissement du trafic.
Ainsi donc, à partir de 1968, le trafic voyageur
atteignait « 141169 passagers locaux et 21667
passagers en transit »22 il est en forte croissance entre
Abidjan et les villes les plus éloignées (Odienné,
San-pedro et bien d'autres).
Le petit problème est que le trafic est par contre en
régression sur la ligne Abidjan- Bouaké à la suite de
l'amélioration des routes, mais aussi parce que cette route est une
route internationale où le trafic est très dense.
En outre, cette évolution du transport aérien se
vérifie avec l'accroissement des aérodromes.
En effet avec une dizaine d'aérodromes au début
des indépendances, le pays va en compter une cinquantaine qui vont
permettre au trafic aérien de pallier aux insuffisances du réseau
ferroviaire et de la route dans certaines régions peu ou mal desservies
surtout en saison des pluies quand certaines routes sont impraticables.
Pour couronner le tout, un programme d'aménagement et
d'équipement des aérodromes à été entrepris
par l'Etat de Côte-d'Ivoire qui a aboutit à l'amélioration
et l'équipement des aérodromes existants soit pour les
22 République de Côte-d'Ivoire, Etude
des transports en Côte-d'Ivoire, volume 7, le transport
aérien, France, Edirap 1970, p 12
besoins militaires, ou pour permettre la desserte commerciale
des centres économiques de ce pays.
Par ailleurs, l'Etat a procédé à
l'extension et à l'amélioration des aérodromes
déjà utilisés (Abidjan) par les lignes aériennes
nationales et internationales. C'est en ce sens que le montant total investit
s'élève à près de « quatre milliards de
francs CFA de 1960 à 1969 »23.
Le résultat de tous ces efforts est l'accroissement du
trafic et à titre d'exemple l'aéroport d'Abidjan qui va
monopoliser l'essentiel du trafic car doté depuis « mai 1969
d'une aérogare spacieuse »24 équipée
des installations modernes.
A partir de 1978, un plan de modernisation et de
développement a permis le renforcement des aires de manoeuvres,
l'aménagement de nouveaux postes de stationnement et biens d'autres
choses.
Par ailleurs, l'on enregistre « la construction d'une
nouvelle aérogare passagers et d'une nouvelle
aérogare de fret »25. Dés lors, l'on
constate un accroissement du trafic de l'aéroport (67.000 passagers en
1960 et 500.000 passagers en 1976).
Au regard de tout ceci, l'on peut affirmer que le chemin de
fer en Côted'Ivoire a connu réellement une concurrence de la part
du transport aérien sur les lignes intérieures et
extérieures de la Côte-d'Ivoire.
Vu l'importance qui lui a été accordée
par les autorités ivoiriennes, le transport aérien a
évolué et cela est très perceptible avec le trafic
à l'aéroport d'Abidjan (voir tableau 12) pour enfin être un
concurrent sérieux au monopole de la voie ferrée.
23 La côte d'ivoire de 1960 à 1970, dix
ans, op-cit p70
24 Henri Bourgoin, Philippe guilhaume,
Côte-d'Ivoire, économie et société, op-cit, p
121
25 Id Henri Bourgoin, Philippe guilhaume, op-cit p
121
52
Tableau 12
Evolution trafic à l'Aéroport
d'Abidjan
Années
|
Passagers (arrivé
et départ)
|
Fret/tonnes (Arrivé et
départ)
|
Poste en tonne (arrivé et
départ)
|
1960
|
74431
|
3091
|
329
|
1965
|
108990
|
3850
|
605
|
1970
|
214310
|
10269
|
582
|
1975
|
397696
|
14755
|
818
|
1979
|
624387
|
28999
|
1074
|
1980
|
854363
|
32054
|
770
|
TOTAL
|
2207177
|
93018
|
4178
|
Source : Louis Edouard SETTIE, l'Etat et le processus de
développement en Côte-d'Ivoire 1960-1980, Abidjan, Ipnetp
1997, p 189
Le constat que nous faisons en voyant ce tableau est que le
trafic s'accroît dans le temps et dans l'espace du point de vue du
transport des voyageurs.
Au niveau des marchandises, l'avion ne peut concurrencer en
aucune manière le train dans la mesure où dans ce domaine, le
rail est encore plus performant.
Nous avons parlé d'une évolution dans l'espace
parce que la Côted'Ivoire reçoit des passagers venant de
l'intérieur du pays mais aussi de l'extérieur.
Dans le temps car de 1960 à 1980, les passagers
à l'arrivée et au départ sont en nombre croissant.
Au total, grâce au trafic aérien,
l'économie ivoirienne s'ouvre aux autres pays de la sous région
mais aussi du monde. Le trafic passagers à l'intérieur de la
Côte-d'Ivoire est très croissant et en 1978 nous avons
enregistré au niveau des vols nationaux « 95.787 passagers
à l'arrivée et 99.716 au départ
»26.
En 1979, ce sont 164.857 passagers à l'arrivée
et 165.215 passagers au départ qui sont enregistrés et en 1980
nous noterons « 322.131 passagers à l'arrivée et 233.210
au départ »27.
Ce qui convient de retenir ici est que le transport
aérien presque inexistant au lendemain des indépendances a pris
de l'importance au fil des années pour enfin bouleverser le monopole du
chemin de fer dans le trafic intérieur des voyageurs.
En somme, le chemin de fer jouissait d'un quasi-monopole par
rapport aux transports terrestres et aériens au lendemain des
indépendances à cause des nombreux avantages qu'il procurait dans
le transport des voyageurs et des marchandises.
Cependant, dans le développement économique du
pays, l'Etat ne pouvait se fier uniquement au rail vu ses nombreux
problèmes pour amorcer son développement.
Dés lors, la route et la voie aérienne
deviennent des priorités, leur développement et leur
amélioration aura permis à la Côte-d'Ivoire de
désenclaver un certain nombre de région du pays.
26 Atlas de Côte-d'Ivoire, Abidjan, IGT,
Université d'Abidjan 1979
27 Id Atlas de Côte-d'Ivoire, Abidjan,
IGT, Université d'Abidjan 1979
54
Ainsi, l'évolution du trafic routier et aérien
dans le milieu des années 60 jusqu'en 1980 va contribuer à
bouleverser le monopole de la voie ferrée sur les petites et certaines
grandes distances sans oublier le transport des passagers à
l'intérieur de la Côte-d'Ivoire.
En dehors de la route et de l'avion, comment le chemin de fer se
comporte par rapport aux voies lagunaires et maritimes.
2- Par rapport aux voies lagunaires et
maritimes
En 1960, lorsque la Côte-d'Ivoire acquiert son
indépendance, tous les moyens de transport et de communication sont
sollicités pour concourir au développement de la
Côte-d'Ivoire en permettant d'acheminer les produits agricoles et les
voyageurs vers les destinations souhaitées.
C'est dans cette optique que les voies lagunaires, fluviales
et maritimes vont devenir des espaces pour le trafic marchandises et
voyageurs.
Cependant, la question de leur importance par rapport au
chemin de fer reste posée car en 1960, l'Etat accorde une
priorité à la voie ferrée pour le transport des voyageurs
et surtout des marchandises en direction du Port d'Abidjan.
Comme nous l'avons déjà évoqué
plus haut, l'existence des voies lagunaires, fluviales et maritimes n'a pas
trop empêché le chemin de fer d'exercer un monopole et
d'être un moyen de masse qui permet des économies
appréciables dans l'acheminement de pondéreux sur de longues
distances.
Dans le domaine du trafic voyageur, les pirogues ne peuvent
rivaliser avec le chemin de fer qui conserve avec le temps une position
très compétitive avec des trains rapides sur les longues et
moyennes distances.
Il faut aussi noter qu'ici la régularité, la
capacité du rail à transporter des marchandises et des voyageurs
en grand nombre et sur de longues distances sont des facteurs très
important dans le trafic car il faut charger les bateaux en
partance pour l'Europe et le continent américain dans
des conditions optimales et dans des délais acceptables.
Par ailleurs, si la concurrence existe entre le chemin de fer
et ces moyens de transport et de communication dans le trafic,
néanmoins, il importe de signifier que la quantité de
marchandises et le nombre croissant de voyageurs que transporte la voie
ferrée lui donne un quasi-monopole sur ces autres moyens de transport et
de communication et cette primauté qui lui est accordée est due
aux difficultés de tous ordres que rencontre le transport par voie
d'eau.
En effet, les fleuves et les lagunes n'offrent pas très
souvent des possibilités de transport à cause des rapides qui
existent ce qui fait que les voies lagunaires et fluviales sont peu
praticables.
A l'indépendance, le transport par voie d'eau ne
représente q'une part relativement faible en tonne/kilomètre dans
l'ensemble des transports terrestres de marchandises.
Pour illustrer cet état de fait, signalons que les
voies lagunaires et fluviales n'ont transporté en 1962 que « 60
millions de tonne-kilomètre de marchandises contre 330 millions pour le
chemin de fer »28
Le constat est claire, les lagunes et les fleuves ne peuvent
bouleverser le monopole du chemin de fer à partir de 1960.Quant au
transport par la mer c'est le fait des grands bateaux qui au départ
venaient accoster dans les différents wharfs du pays.
Mais dans les années 50 avec l'ouverture du canal de
Vridi et la construction du Port d'Abidjan en 1955, les voies lagunaires et
maritimes deviennent des concurrents sérieux du chemin fer.
Cependant, le trafic maritime de la Côte-d'Ivoire est
beaucoup tourné vers les pays occidentaux et le trafic avec le
Côte-d'Ivoire et les pays du sahel se fait en adéquation avec la
voie ferrée.
28 Communauté Economique Européenne,
op-cit P13
56
Dés lors, on ne peut trop parler de concurrence mais
d'une complémentarité dans la mesure où si la croissance
du volume d'activité du Port d'Abidjan est toujours excédentaire
c'est parce que le chemin de fer contribue pour beaucoup à
l'acheminement des produits d'importation et d'exportation de la
Côte-d'Ivoire et des pays limitrophes.
Au milieu des années 60, les voies lagunaires et
fluviales prennent de l'importance dans le transport des marchandises en
direction du Port d'Abidjan. Ainsi, dix (10) ans après 1960, on peut
parler d'un trafic fluvial et lagunaire sans trop se tromper car les lagunes
vont constituer des voies de transport particulièrement
économiques pour le pays dans la mesure où elles servent pour le
transport du bois et des marchandises et assurent le transport des passagers
même si nous n'avons pas de chiffres pour le démontrer.
En effet, ces voies d'eau vont bouleverser le quasi-monopole
du chemin fer parce qu'elles sont très bon marché en ce qui
concerne le transport du bois et surtout le bois flottable assemblé en
radeau qui sont acheminés le plus souvent vers Abidjan à des prix
compris entre « 2,50 francs ou 3 francs le tonnekilomètre
seulement »29 ; et ce prix est très favorable par
rapport au prix que propose le chemin de fer qui est de 19 francs par les
wagons.
Par ailleurs, une partie importante du transport des
marchandises en basse Côte-d'Ivoire se fait par la voie d'eau (lagunes,
canaux, fleuves et rivières) et cela grâce à la
configuration particulière de la côte qui permet d'effectuer par
voie d`eau une partie du transport marchandises du pays.
En d'autre terme, le long de la côte et les lagunes
fournissent une voie de transport économique pour les échanges et
constituent un moyen d'évacuation économique pour acheminer les
produits vers le Port d'Abidjan.
Le trafic va connaître une nette progression pour atteindre
en 1966 à près de 750.000 tonnes, ce qui n'est pas
négligeable.
29 Communauté Economique Européenne,
Les transports en Côte d'Ivoire, op-ct p 13
De même, les voies d'eau vont participer pour beaucoup
aux communications entre les agglomérations situées en bordure
des systèmes fluvio-lagunaires et les principaux points de départ
sont Abidjan, Grand-lahou, Grand-bassam et Adiaké.
Le trafic en grume constitue le plus important du trafic et le
bois flottable représente le plus gros tonnage « 335.248 tonnes
en 1971 »30
En d'autre terme, la lagune naturelle qui s'étend le
long de la côte (300 km) est un atout de développement au
même titre que la route, l'avion et le chemin de fer et cet état
de fait est notable avec le trafic sur ces voies d'eau qui croit au fil des
années.
Il est de « 524.000 tonnes en 1963, 749.000 tonnes en
1966 dont 167.000 tonnes de Manganèse, 405.000 tonnes en 1971
»31.
C'est l'année de l'arrêt de l'exploitation des
mines de Manganèse de Kikegou et le trafic va connaître une baisse
passant de 414.000 tonnes en 1973 à 317.000 tonnes en 1974 et l'on note
aussi la baisse de l'exploitation du bois.
Au regard de ces chiffres, nous retenons que le chemin de fer ne
peut concurrencer la voie lagunaire dans le transport du bois.
De même, le trafic passager n'est pas bien connu et
même si c'était le cas le chemin de fer est le mieux
indiqué pour un trafic voyageurs intense.
En somme, qu'il s'agisse du réseau routier,
d'infrastructures portuaires, ferroviaires ou aéronautiques, l'effort
accompli en vingt (20) ans en matière de travaux public traduit de
façon constante le souci du gouvernement ivoirien de relier le plus
complètement possible toutes les régions du pays et faciliter les
échanges de toute nature entre la Côte-d'Ivoire et les autres
nations.
Si de prime abord la priorité a été
accordée au chemin de fer, ce quasi-monopole de fait se comprend parce
qu'il était dès les indépendance le mieux
30 Communauté Economique Européenne,
op-cit p62
31 Direction générale des ports
autonomes d'Abidjan et de San-pedro, le Port d'Abidjan, hier, aujourd'hui,
demain et perspectives de San-pedro, Abidjan, Eble 1975, p 57
58
développer et plus apte à transporter les
voyageurs et les marchandises lourdes à l'intérieur de la
Côte-d'Ivoire comme à l'extérieur.
Ainsi, de 1960 jusqu'au milieu des années 60, le voie
ferrée se positionne comme l'un des premiers atouts de l'Etat ivoirien
pour les trafics marchandises et voyageurs.
Cependant, à partir de cette date jusqu'en 1980, l'Etat
met un accent particulier sur les autres moyens de transport et de
communication qui deviendront du coup des concurrents sérieux au
monopole de la voie ferrée.
Néanmoins, cela n'a rien altéré la
volonté du chemin de fer de jouer un rôle primordial dans le
développement économique et social de la Côte-d'Ivoire.
B : Le rôle du chemin de fer en
Côte-d'Ivoire
A l'indépendance du pays, la priorité des
autorités ivoiriennes est de parvenir à un développement
harmonieux et judicieux du pays.
C'est dans cette optique que le chemin de fer va jouer des
rôles économiques qui seront capitaux et s'averont indispensable
à tout point de vue.
En effet, la voie ferrée doit pouvoir acheminer les
produits d'importation et d'exportation, être un puissant pourvoyeur
d'emplois et enfin contribuée à améliorer les conditions
de vie des populations.
1- Acheminement des voyageurs et des
marchandises
Le chemin de fer en Côte-d'Ivoire avait un rôle
important à jouer dans l'économie ivoirienne et cela passe par le
transport des voyageurs et de marchandises dans la mesure où les moyens
de transport et de communication constituent sans aucun doute un enjeu majeur
dans les pays en développement dans leur politique du bien être
des populations.
Dès lors, lorsque tous les paramètres qui les
entourent sont bien ficelés, ces moyens de transport et de communication
peuvent pleinement jouer leurs rôles dans le transport des voyageurs et
l'acheminement des produits
d'importation et d'exportation et ces situations n'ont pas
beaucoup changé depuis les indépendances.
En effet depuis sa création, le colonisateur se servait de
ce moyen de transport et de communication pour pouvoir exploiter les richesses
de la colonie.
Ainsi donc, il intervient dans l'évacuation des
produits du nord au sud et les produits manufacturés du sud au nord.
Il était utilisé pour orienter surtout
« la main d'oeuvre mossi de la Haute-Volta
»32 vers le sud de la Côte-d'Ivoire
pour l'exploitation des terres favorables aux cultures et la construction des
infrastructures.
En 1960, lorsque la Côte-d'Ivoire obtient son
indépendance, ce rôle va s'imposer aux nouvelles autorités
comme une nécessité dans la mesure où la base de
l'économie ivoirienne étant l'agriculture, il fallait acheminer
les produits de cette agriculture vers un point d'exportation qu'est le Port
d'Abidjan.
Par ailleurs, notons que le chemin de fer est un outil qui
joue un rôle primordial dans notre économie et son
évolution se fait par rapport à l'évolution
économique de la Côte-d'Ivoire. Sa naissance est un fait qui est
étroitement lié à celle du Port d'Abidjan.
Ainsi, il a pris et continu de prendre une part très
active au vaste mouvement de développement des activités
économiques dont le but est d'encourager l'éveil
économique amorcé ça et là dans les nombreux
secteurs de l'économie nationale.
En effet, il convient de souligner que le lien qui lie ce
moyen de transport et de communication et le Port d'Abidjan dénote de la
volonté des autorités ivoiriennes de permettre à la voie
ferrée de transporter le maximum de marchandises en direction du Port
d'Abidjan afin que le développement économique de la
Côte-d'Ivoire soit un fait avéré.
32 Catherine coquery-vidrovitch, Henri Moniot,
l'Afrique noire de 1800 à nos jours, France, puf 1993, p 211
60
De même, tout en résolvant le problème du
transport des voyageurs et celui des marchandises, le chemin de fer entend
continuer à assurer la redistribution des produits importés sur
l'ensemble du territoire ivoirien en même temps qu'il permet la descente
vers le Port d'Abidjan des produits locaux destinés à
l'exportation.
Par la même occasion, son rôle est de faciliter
l'écoulement et l'acheminement des produits importés vers la
Haute-Volta, la Mali et le Niger ; la voie ferrée assure
également le transport vers le Port d'Abidjan les produits maliens
voltaïques et nigériens à destination de l'Europe.
A vrai dire, le rôle premier du chemin de fer en
Côte-d'Ivoire est d'acheminer les voyageurs et les marchandises à
l'intérieur comme à l'extérieur de la Côte-d'Ivoire
et il peut se targuer d'avoir bien accompli cette mission dans la mesure
où de 1960 à 1970 l'économie ivoirienne était un
model dans le monde entier de par sa prospérité.
Le transport des produits agricoles étant une des
composantes des activités du réseau ferroviaire « le
transport du bois et de la banane d'Azaguié, les ignames de Korhogo et
de Bouaké, du coton du nord et du centre du pays et de la Haute-Volta,
les denrées alimentaires destinées à la
consommation locale »33est
quotidiennement assuré par le chemin de fer.
Par ailleurs, si tant est vrai que la démographie est
un facteur de l'émancipation économique surtout dans des pays
comme les nôtres où l'on a besoin des hommes valides pour
travailler, l'on conviendra avec nous que le chemin de fer est primordial en ce
sens qu'il sert de trait d'union entre deux Etats qui conjuguent leurs efforts
pour lutter contre le sous-développement en favorisant la libre
circulation des personnes.
En effet, le rail en Côte-d'Ivoire de part son
rôle d'outil de transport des voyageurs est un atout indispensable pour
l'économie de notre pays basée sur
33 La voie de la régie Abidjan-Niger
n°9, Abidjan, ICI 1971, p4
l'agriculture car il permet de convoyer les travailleurs pour
la mise en valeurs des richesses du pays.
Au total, le transport des voyageurs et l'acheminement des
produits d'importation et d'exportation du nord au sud et vice-versa a toujours
été un rôle assigné au chemin de fer.
Cependant, en dehors de ce rôle, la voie ferrée
doit être un puissant pourvoyeur d'emplois pour tous ceux qui vivent en
Côte-d'Ivoire en général et les populations ivoiriennes en
particulier.
2- Un puissant pourvoyeur d'emplois
A ce stade de notre étude, lorsque nous évoquons
le chemin de fer en tant que pourvoyeur d'emplois, il faut le voir comme un
levier pour la création d'emplois directs ou indirects dans plusieurs
domaines d'activités.
En effet que ça soit le réseau en lui
même, les unités industrielles ou les activités rurales, le
chemin de fer crée tout autour de lui un nombre croissant d'emplois.
Lorsque nous évoquons le réseau en lui
même, notons que de par son effectif d'abord et par la masse salariale
qu'elle distribue annuellement, la voie ferrée ivoirienne est une grande
entité pourvoyeuse d'emplois. Ainsi en 1977, l'on enregistre plus de
5195 agents qui travaillent sur le réseau tout entier.
Par ailleurs, dans les régions traversées par le
rail, naît de petits métiers, de petites activités ; c'est
en ce sens qu'en milieu rural, les populations en particuliers les femmes et
les jeunes mènent en connexion avec la circulation des trains des petits
métiers qui les font vivre en valorisant les produits locaux.
Le rôle en tant que pourvoyeur d'emplois est encore
très perceptible lorsque nous constatons un accroissement des commerces
et partant de là des commerçants et des vendeurs dans les
différentes gares.
En d'autre terme, le train fait naître les
échanges et le développement d'un commerce florissant, alors il
devient un outil de transport et de
62
communication totalement intégré qui de par sa
spécificité fait vivre de milliers de personnes.
Le constat que nous pouvons encore faire c'est l'existence de
commerçants comme nous l'avons évoqué mais vivant de
l'économie informelle qui se greffe autour des gares ce qui permet aux
femmes de campagnes d'emprunter le chemin de fer pour aller vendre leurs
produits dans les agglomérations voisines.
En outre, l'on constat la recrudescence des métiers de
potiers, forgerons, tisserands, bijoutiers et sculpteurs qui prennent de
l'importance dans les villes comme Bouaké, Katiola où leur nombre
varie entre 5 et 100 sans oublier que la vie des populations est rythmée
désormais par la voie ferrée.
Dans le domaine de l'industrie, la création des
unités industrielles a permis des liaisons industries artisanats et les
tisserands traditionnels en grand nombre achètent l'essentiel de leurs
fibres à Bouaké et à Dimbokro.
Par ailleurs, le développement des cultures
industrielles dans les zones traversées par le chemin de fer va
accroître le nombre de producteurs et de la main-d'oeuvre.
Toujours dans le domaine de l'industrie, c'est 44.701
ivoiriens qui travaillent dans le textile dans les années 70 «
soit 71% sur un total de 63.005 »34.
Si l'absence de chiffres ne nous permet pas de donner
exactement le nombre de travailleurs dans l'industrie textile des zones
traversées par le chemin de fer, néanmoins nous sommes sur d'une
chose c'est que la voie ferrée qui a aussi motivé la
création de ces unités industrielles a été à
la base de la création des emplois.
34 Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume, op-cit, p 87
Ainsi, dans la zone d'influence de Bouaké ce sont
« 4500 emplois crées de 1975 à 1980
»35 et la zone du bipole Ferkessedougou- Korhogo, ce sont
« 2000 emplois qui ont été crées
»36.
De 1980 à 1985 nous avons enregistré 8000 emplois
crées et la zone Ferkessedougou-Korhogo (5000 emplois).
A vrai dire, la création de tous ces emplois entre dans
la politique agricole que l'Etat met en place qui prévoyait de
créer dans les régions intérieures de vastes complexes
agro-industriels visant à fixer et à développer ces
régions.
Ainsi donc, l'industrie du tabac avec la SITAB (voir sigles et
abréviations) dont l'industrie de Bouaké qui ne cesse de
s'étendre emploie « 500 personnes qui fabriquent en 1976, 140
millions de paquets de cigarettes et 70 millions de cigares soit 90%
des besoins locaux »37.
Au total, le chemin de fer est un puissant pourvoyeur d'emplois
dans tous les secteurs d'activités qui lui sont liés.
Par la même occasion, il joue aussi un rôle
particulier celui d'améliorer les conditions de vie des populations.
3- Un moyen d'amélioration des conditions de
vie
L'amélioration générale des conditions de
vie du monde rural « apparaît comme une option fondamentale de
la politique ivoirienne depuis les indépendance »38
C'est fort de tous ces constats que le chemin de fer va jouer
le rôle en tant qu'agent d'amélioration des conditions de vie
sociale en permettant aux populations de recevoir certaines
commodités.
35 Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume, op-cit p 95
36 Id Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume, op-cit p
95
37 Ibidem Henri Bourgoin, Philippe, Guilhaume, op-ct
p93
38 Id Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume, op-cit p
228
64
Par ailleurs, c'est un outil de transport et de communication
qui apporte la paix, la santé et l'accès à une culture
différente et un mode de vie plus approprié au monde moderne.
En d'autre terme, le réseau ferroviaire en plus de
drainer les produits agricoles vers le port, de transporter des voyageurs et
des marchandises, de créer des emplois, améliore le quotidien des
populations qui avec le développement des villes, c'est les
infrastructures sanitaires et éducatives qui prennent forme.
A titre exemple, prenons le cas des travailleurs de la RAN qui
gère le réseau ferroviaire ivoirien.
Pour tous les agents qui travaillent sur le réseau, la
direction avait toujours le souci de les mettre dans des conditions optimales
de travail afin qu'ils soient encore plus performants.
Dès lors, en plus de la formation qu'ils
reçoivent leur permettant d'obtenir de nombreuses promotions
professionnelles, ils ont la gratuité des soins médicaux, ils
reçoivent des prises en charges selon les grades des employés,
des frais d'hospitalisation dans les formations sanitaires nationales et
privées. Le chemin de fer propose même des logements (750) qu'il
met à la disposition de son personnel à des prix
dérisoires.
Tous ces actes entrent dans le souci de la direction de la RAN
d'améliorer les conditions de vie des travailleurs.
De même, grâce à la voie ferrée les
populations sont en rapport avec de nouveaux modes culturels, consomment de
nouveaux produits qui apparaissent avec le développement des
échanges.
Dans le domaine de la santé, même si beaucoup
restait à faire, nous constatons néanmoins une
amélioration des conditions sanitaires des populations avec le
développement et l'accroissement des dispensaires et les
hôpitaux.
La médecine moderne entre dans les moeurs des
populations pour l'éradication de certaines maladies comme le ver de
guinée, la rougeole et la varicelle.
Les populations ont accès à l'instruction par la
création des écoles, l'électricité remplace les
lampes tempêtes, l'eau potable, le téléphone, le
télex et bien d'autres choses sont maintenant à la portée
des populations grâce au chemin de fer qui amène l'Etat à
mettre en place ces infrastructures.
En somme, à partir de 1960 lorsque le chemin de fer
connaissait son heure de gloire dans le développement de la
Côte-d'Ivoire, cela répondait à des objectifs bien
précis ; ainsi, l'Etat lui confie un certain nombre de rôle
à jouer.
Par ailleurs, il se devait d'être un outil qui permet de
créer des emplois car le pays ne pouvait aspirer à un
développement harmonieux avec d'innombrables populations sous les bras
sans emplois.
Enfin, le chemin de fer devait jouer le rôle d'agent qui
améliore les conditions de vie des populations et tous ces aspects de la
question ont trouvé réponse dans la mesure où de par ses
activités à savoir le service des voyageurs et des marchandises,
le chemin de fer a permis à la Côte-d'Ivoire d'atteindre un
développement économique qui était cité en exemple
de 1960 jusqu'à la veille de 1980.
Cette situation a été possible parce que ce
moyen de transport et de communication a opéré sans trop de
contraintes en ce sens que dès 1960, il occupait un quasi-monopole dans
le transport des passagers et des marchandises.
Cependant au milieu des années 60, le
développement des autres moyens de transport et de communication
(routes, avions, voies lagunaires et maritimes) viendront concurrencer la voie
ferrée pour le bien de l'économie ivoirienne.
Dès lors, il serait intéressant pour nous
d'évoquer maintenant l'impact du chemin de fer sur l'économie
ivoirienne.
66
DEUXIEME PARTIE :
LE CHEMIN DE FER DANS LE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE DE LA COTE-D'IVOIRE
A partir de 1960, quand l'Etat accorde une certaine
priorité au chemin de fer, c'est pour permettre à ce moyen de
transport et de communication de jouer sa partition dans le
développement économique de notre pays.
C'est dans ce contexte que de par son trafic voyageurs et
marchandises, la voie ferrée en Côte-d'Ivoire va entreprendre de
donner une image positive à l'économie ivoirienne à sa
manière.
Ainsi donc, au travers de son rôle qu'il joue et continu
de jouer, nous allons essayer de percevoir son impact sur l'économie de
la Côte-d'Ivoire mais aussi ses limites dans cette économie.
Chapitre I : LES IMPACTS DU CHEMIN DE
FER SUR LE DEVELOP- PEMENT ECONOMIQUE
Ces impacts vont se mesurer de prime abord sur le
développement des zones traversées puis sur l'économie
proprement parlée à travers le produit intérieur brut et
le développement du Port d'Abidjan.
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