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Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?

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par Nathalie MOYON
Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009
  

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2.2. Un état d'esprit typique et ses incidences sur les politiques foncières alpines

S'il n'y a pas une politique foncière alpine mais de multiples politiques foncières, propres à chaque territoire de projet, certaines d'entre elles sont pourtant le reflet d'un état d'esprit partagé plus largement. Plus marqué en Savoie et Haute-Savoie qu'en Isère, cet état d'esprit montagnard est peut-être ce que suggère Mériaudeau par « mentalités indigènes » : il s'agit d'une autre dimension, plus sociologique, que l'on pourrait retrouver dans une spécificité alpine des politiques foncières. Cet état d'esprit typique des territoires de montagne a été abordé également lors des entretiens, un argument pour tenter de mieux comprendre comment les communes alpines considèrent les enjeux fonciers de leur territoire, et surtout, quelles stratégies (dont les politiques foncières) elles mobilisent pour y faire face.

A ce propos, le directeur du CAUE de Haute-Savoie, Arnaud Dutheil337(*) indique que pendant trente ans le développement économique du département fut incroyable : au sein du triangle Lausanne - Annecy - Milan, dont le PIB est le plus élevé d'Europe, ce « miracle de développement » tient à : quatre moteurs :

ü la finance grâce à la proximité avec Genève

ü l'industrie de « l'or blanc » avec les stations de ski

ü le leadership mondial en mécanique de la vallée de l'Arve

ü l'agriculture de montagne grâce à ses AOC

En somme, ces territoires alpins sont pétris de l'esprit libéral - comprendre ici « favorable aux libertés individuelles »338(*) - qui porte une vision dynamique et entrepreneuriale du territoire alpin. Le projet de territoire et ses priorités sont reliées à ce mode de développement, marquant nécessairement la gestion foncière locale : une volonté de maîtrise plus ou moins forte, une stratégie de réserves foncières, un plan d'actions autour d'une politique foncière, ou à l'inverse, une dimension du projet local secondaire. Par la discussion avec les acteurs économiques notamment, les collectivités parviennent ainsi à résoudre ou à réduire certains problèmes autour du foncier (sa disponibilité par exemple) mais d'autres problèmes s'aggravent à l'instar de l'éviction des populations locales qui ne trouvent plus de logement à prix abordable. Dans cette perspective, il est possible que, ancrées dans un système économique qui a généré un essor formidable du territoire mais qui ne fonctionne plus si bien, certaines collectivités alpines ont des difficultés, ou des réticences, à trouver un modèle de développement territorial qui leur permettrait de faire face à un nouveau contexte urbain et touristique, et qui se traduirait in fine par une politique foncière locale adaptée aux enjeux locaux.

Une seconde dimension de cet état d'esprit typique qui peut influencer la manière de faire le territoire alpin est sans doute plus anthropologique339(*). Selon l'expression familière, en montagne, « tout le monde connait tout le monde » : cette caractéristique permet souvent de distinguer les espaces ruraux des espaces urbains et métropolitains, mais en matière de foncier, cela constitue une véritable « problématique ». Faisant écho à l'échelle la mieux adaptée pour traiter des questions foncières, celle de l'intercommunalité ou du bassin de vie est plébiscitée dans le but, entre autre, d'éloigner le pouvoir décisionnel de l'échelon communal, trop enclin à l'influence des demandes individuelles au lieu de servir l'intérêt du collectif.

Les territoires alpins ne font donc pas exception à cette problématique du foncier, peut-être bien au contraire. Sur un territoire montagnard où des communautés d'intérêts (essentiellement économiques) peuvent être plus fortes et plus persistantes qu'ailleurs, dont les acteurs institutionnels et économiques sont enchevêtrés ou se confondent même souvent, la gestion du foncier (du droit, de l'argent et de la politique340(*)) est hautement plus délicate que l'implication de chacun dans les affaires locales est forte.

Cette « communauté montagnarde d'intérêts » semble rassemblée autour d'une même vision de l'aménagement et du développement de la montagne, partageant probablement une identité montagnarde commune et fréquentant les mêmes institutions politiques et économiques (par exemple, l'ANEM, l'ANMSM, les CCI, Ski France, France Neige International, etc.). Pour autant, l'implication parfois personnelle de certains élus de montagne ne signifie pas fatalement l'absence de projet de territoire sur le long terme. A l'inverse d'un élu « de plaine » qui peut s'en aller à l'issu de son mandat, les élus de montagne qui sont communément « du cru » restent bien souvent, même s'ils ne sont pas réélus : finalement, ils assument peut-être plus qu'ailleurs les conséquences de leurs actions, y compris en matière de foncier. Trouver un équilibre entre implication personnelle, familiale, ou amicale et intérêt général au coeur d'un projet de territoire « durable »341(*) apparait donc le plus ardu au sein de ces communautés alpines.

Cependant, afin d'étayer l'hypothèse d'un état d'esprit typique alpin et les suppositions évoquées précédemment, il serait nécessaire de rechercher des études sociologiques ou anthropologiques des acteurs alpins d'aujourd'hui, ou d'en réaliser, par exemple à la manière des travaux des sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon sur la bourgeoisie française342(*).

* 337 Entretien n°6, CAUE 74

* 338 Définition du Petit Larousse illustré 2007

* 339 Anthropologique dans le sens où il s'agit de « l'étude générale de l'homme sous le rapport de sa nature individuelle ou de son existence collective, sa relation physique ou spirituelle au monde, ses variations dans l'espace et dans le temps », définition du CNRTL, op. cit.

* 340 cf. Partie I

* 341 Au sens de « qui dure longtemps, qui est de longue durée, qui présente de la stabilité et de la constance dans le temps », définition du CNRTL, op. cit.

* 342 A lire par exemple : Les Ghettos du Gotha : Comment la bourgeoisie défend ses espaces, Seuil, 2007, 294p.

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