Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?( Télécharger le fichier original )par Nathalie MOYON Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009 |
1.2. Une politique foncière volontariste et interventionniste tournée vers l'habitat permanent« La rareté et la cherté du foncier chamoniard s'est accompagnée d'une « prise de conscience partagée par les élus et les habitants »183(*) ce qui a conduit à l'émergence d'un discours politique volontariste, « c'est-à-dire prêt à proposer, imposer et donc s'opposer »184(*). La pérennité du logement permanent, problématique partagée par d'autres stations, a permis de construire une politique foncière qui formule un problème collectif, d'intérêt général, et qui n'est pas basé sur l'agrégation de problèmes particuliers : « tel est bien le dilemme dans lequel se trouve prise la question foncière et ... avec elle, les élus »185(*). De fait, la négociation foncière prend le sens d'une médiation au service de la politique communale. Propriétaire foncier important, la commune de Chamonix a engagé le recensement de tous ses biens (terrains, bâtiments, salles) dans la perspective d'une gestion plus stratégique de son patrimoine (en vue de ventes potentielles et donc de recettes municipales), sous l'impulsion des élus. Dès 2009, des groupes de travail se sont donc constitués pour réfléchir à l'affectation future de chaque bien, pour éviter « une gestion au coup par coup »186(*), tout cela s'articulant dans le processus de révision du PLU. Cette stratégie foncière qui s'affirme a amené la commune à se comporter en tant qu'aménageur parce qu'elle était propriétaire des terrains sur lesquels portaient les opérations d'habitat qu'elle envisageait. Ainsi, Chamonix a vendu des lots viabilisés dont l'acte de vente encadrait les conditions de revente, avec en amont la sélection des candidats acheteurs selon des critères définis par la commune. 1.2.1. Des opérations pour le logement permanent qui se multiplientA partir de 1996, l'opération de la Zac de La Frasse marque en quelque sorte le début d'une politique foncière chamoniarde, volontariste et interventionniste en faveur de l'habitat permanent. Avant La Frasse, Chamonix avait déjà participé à d'autres programmes d'accession à la propriété mais plus timidement, avec des clauses assez « légères » et sans sanction en cas de non respect. Pour la Zac de La Frasse, la commune achète les terrains pour compléter le tènement, effectue le remembrement puis commercialise trente-deux lots à bâtir : ces lots sont « contraints » par le cahier des charges de la ZAC qui prévoit un droit de priorité de la commune en cas de revente. Lors d'une revente et malgré les efforts de sensibilisation entrepris par la commune, les propriétaires se tournent vers le plus offrant ; la commune engage alors une procédure mais est déboutée par le tribunal administratif puis par la Cour de cassation qui estime qu'il y a un détournement du droit de préemption pour motifs anti-spéculatifs. Aujourd'hui, ces biens et leur objet « résidence permanente » sont inscrits au PLU en droit de préemption renforcé. En somme, dix ans après, on constate seulement trois ou quatre cas de revente et dans certains cas une transformation en résidence secondaire, ce qui reste concluant sur un total de trente-deux lots. Dès le début des années 2000, l'idée d'un programme aux Bossons, « le Clos Napoléon », va rompre avec les opérations antérieures puisque des compétences externes vont être sollicitées pour renforcer les clauses de revente. Prenant le contre-pied des mésaventures de La Frasse, le Clos Napoléon sera « une opération lourde et difficile »187(*) et marque ainsi l'affirmation de la politique foncière de Chamonix pour offrir à sa population des logements à des prix inférieurs à ceux du marché. En 2005, la mise en oeuvre est effective ; le montage du programme technique et surtout des clauses juridiques de la Zac vont concernés douze lots à bâtir en accession à la propriété. Cinq ans plus tard, la dernière vente a lieu malgré un ensemble de clauses limitatives du droit de propriété plus affirmées. Aujourd'hui, on peut considérer que la politique foncière de Chamonix prend de l'envergure. Un futur projet, « Les Tissières », prévoit la réalisation de quatre-vingt à cent logements (lots individuels et collectifs) à l'horizon 2012 : des maitres d'oeuvres externes sont sollicités sous l'égide d'un comité de pilotage pour cette opération trop lourde pour être menée en interne188(*). Un autre projet de huit logements se profile également aux Pèlerins. D'autre part, un travail de longue haleine a mobilisé la commune autour du centre Jean Franco en centre ville (un grand terrain et un bâtiment propriétés de l'Etat). Après deux ans de négociation pour l'acquisition du bien et la négociation du prix, assortie d'un contentieux avec une association locale, l'Etat a décidé de vendre à la commune dans le cadre des dispositions de la circulaire Borloo : 75% de logement social seront donc réalisés sous un délai de cinq ans. On remarquera ici que la politique foncière de Chamonix reproduit à son échelle communale une disposition de « clauses particulières de vente » déjà mise en oeuvre par l'Etat. Enfin, la commune de Chamonix agit sur la maîtrise du coût du foncier en acquérant des terrains de RFF ou de la SNCF189(*) puis en les revendant « à un prix défiant toute concurrence »190(*) à l'opérateur d'habitat social ICF. * 183 Entretien n°1, Chamonix * 184 DUVILLARD S., SGARD A., ZIOTTI C., op. cit., p.6 * 185 Idem * 186 Entretien n°1, Chamonix. Ce travail « en interne » marque une démarche sur le long terme, avec plusieurs échéances. En revanche, le service foncier ainsi que l'élue à l'urbanisme ne participaient pas au groupe de travail (composé d'élus) : ils l'ont intégré par la suite. * 187 Entretien n°1, Chamonix * 188 Il était aussi question de monter une SEM, société d'économie mixte, comme alternative à un promoteur mais cela n'a pas encore aboutit... L'idée s'inspire d'une expérience menée dans le Beaufortain où une SEM aurait été créée pour ce type d'opération. * 189 Deux établissements publics (EPIC) qui sont dans l'obligation de faire appliquer un droit de priorité aux collectivités territoriales, tout comme l'Etat, sur la cession de biens fonciers ou immobiliers. * 190 Entretien n°1, Chamonix |
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