II - ANALYSE DE LA DEUXIEME
VAGUE
Je procède de la même méthode que pour la
première vague. J'ai ainsi dégagé six items :
2.1/ Thèmes
récurrents communs :
· La théorie et les
bases :
A la question posée, les
réponses d'emblée sont tout à fait superposables. La
première répond : « Je dirais que le formateur
apporte peut être plus tout ce qui est théorique» et le
deuxième : « pour moi, le formateur en institut
ça va apporter la partie théorique ».
D'emblée, également, il y a une opposition avec
l'infirmier : « mais nous, dans les services, c'est plus la
pratique », « l'infirmier va plutôt lui adapter
ça à la réalité du terrain ». De
prime abord, il semble donc que, selon eux, les rôles soient
partagés. D'un côté, il y a le formateur et de l'autre
l'infirmier avec chacun un rôle bien distinct vis-à-vis de
l'étudiant. Je reviens d'ailleurs dix et quinze minutes après le
début de la discussion sur ce rôle formateur
précisément. Pour l'infirmier, son rôle, «
c'est d'apprendre », comme pour la première où
« il faut avoir envie d'apprendre aux autres ce qu'on
connaît ». Je creuse alors pour savoir ce qu'ils entendent
par théorie. Les deux la comparent aux
« bases », « Il va nous donner à
l'étudiant la base pour pouvoir travailler sur le terrain. Pour moi
c'est ce rôle là. ».
J'ai tenté alors de savoir à quel moment il y
avait interaction au niveau des acteurs pour traiter du sujet des relations.
· L'étudiant comme lien entre terrain
de stage et institut :
Pour la deuxième question, je les ai donc
orientés à partir de ce qu'ils venaient de me dire. Je n'ai pas
voulu directement employer les termes de relation, de lien ou même de
formateur pour ne pas induire leur réponse. Je cherchais à voir
dans quelle mesure l'idée de coopération des acteurs leur
venaient. J'ai donc demandé d'une part : « comment
vous arrivez à savoir où elles en sont au niveau
théoriques quand elles [les étudiantes
infirmières] arrivent en stage ? » et d'autre
part, « Vous dîtes adapter « faire le rapport
entre ce qu'on leur apprend théoriquement » et quels
renseignements avez-vous de ce qu'ils apprennent théoriquement ... pour
pouvoir faire un rapport, étant vous, sur le
terrain ? ». De la même façon, je retrouve une
réponse conjointe. L'étudiant apparaît comme le relai de
l'information entre eux et l'institut. Quand l'une répond à
plusieurs reprises « On leur demande quels modules elles ont
passé », « on va demander aux étudiants, ce
qu'ils ont vu en cours », l'autre répond après un
sourire et une certaine gêne que « c'est leur bonne parole,
quoi. On leur demande comment ils ont appris le soin, comme on dit en
technique ». J'en ai déduit de sa gêne qu'il admet
que se référer à l'étudiant peut être sujet
à erreur et interprétation. Il se justifiera par la suite en
précisant que l'étudiant n'est pas infaillible car
« le problème des étudiants, c'est que si on leur
donne une certaine quantité d'informations, on sait qu'ils vont en
sélectionner et en garder qu'une partie » ou
« il fallait se fier à la bonne foi de l'étudiant
aussi, de ce qu'il avait retenu ». Ainsi il reconnaît que
« c'est l'étudiant qui fait le lien ».
Ici l'étudiant transmet aux soignants ce qu'il apprend à
l'institut.
De là j'ai de nouveau cherché à leur
faire parler du formateur dans cette relation a priori tripartite.
· Des relations jusqu'ici très faibles
avec l'IFSI :
En accord avec la première vague, spontanément,
ils ne me parlent pas du formateur. Ils reconnaissent un manque de relation
avec lui : « c'est vrai qu'on n'a pas de lien entre les IFSI
en fait ». La première personne dit clairement quand je
lui pose la question de savoir si elle connaît les formateurs que
« Non, ... je connais des noms mais ... ». Ceci ne
leur a d'ailleurs à tout deux jamais apporté de freins ou de
bénéfices car autant pour la première «
ça m'a jamais gênée de pas connaître »,
que pour l'infirmier, même si ce rôle de lien de
l'étudiant est peu fiable, par le nouveau référentiel, le
lien se fera non plus par l'étudiant mais par le tuteur du service
nouvellement choisi avec l'application du nouveau référentiel de
formation. Il n'aborde alors toujours pas le rôle du formateur. En effet,
pour lui, « réellement je pense que ça va donner un
plus et je pense que ce tuteur c'est vraiment le lien entre l'IFSI et le lieu
de stage, et le terrain. ». Ici les faibles relations sont
perceptibles et les étudiants comblent le lien.
Je choisis donc après dix minutes pour les deux
entretiens d'orienter mes questions vers le rôle du formateur.
· Un rôle peu
connu :
« Quel va être plus
précisément le rôle du formateur ? » ou
« c'est quoi leur
rôle ? ». De nouveau, la
réaction est similaire aux deux premiers entretiens. J'obtiens une
longue réflexion illustrée par un silence sur les
enregistrements. Le deuxième interviewé est gêné par
la question puis - silence- rire - hum hum - « c'est une
très bonne question. » - Rire-. Je compte donc
sur cette gêne pour leur demander plus de précisions.
J'espère ainsi leur faire exprimer leur représentation de ce
qu'ils pensent du formateur alors qu'ils ne connaissent pas réellement
la fonction.
·
Représentations :
J'ai donc pu recenser un ensemble de missions et de
qualités attribuées au formateur.
Si je combine les deux discours, outre
« apporter la théorie » dont nous avons
déjà parlé, il incombe au formateur de
« transmettre son savoir », ou
« C'est vraiment donner, comment dire, ... un ensemble
d'informations pour que l'étudiant, puisse ensuite vite les
réadapter au terrain », ou
« trouver les solutions pour aider ». Ses
qualités sont « la pédagogie »,
« Une qualité d'écoute aussi »,
« la patience », « la
curiosité » et « qu'il ne porte pas
jugements ». Ce dernier point semble d'ailleurs
préoccuper nos deux interrogés. « Faudrait qu'il
soit tourné vers l'étudiant mais, ... je trouve pas les mots ...
quelqu'un de compréhensif, qu'il comprenne l'étudiant, qu'il
porte pas de jugement si ça va pas » pour la
première et le second, à travers deux exemples de vécu
avec des formateurs, affirme qu'avec le système actuel de MSP,
« on n'a pas une évaluation qui je trouve est
représentative de certaines qualités de
l'étudiant ». Celui-ci met le poids de ce défaut
sur les formateurs en hésitant dans le flux de son discours à
incriminer directement le formateur : « ... c'est peut
être un peu dur ce que je vais dire mais, il y a certains formateurs qui,
... enfin où les évaluations n'étaient pas
justes ». De là découle un des rôles tel
qu'il est perçu par le soignant « pour moi c'est pas le
rôle du formateur de mettre en difficulté
l'étudiant ». Le formateur est donc tourné vers
l'étudiant pour lui apporter une aide, sans le mettre en
difficulté et quelqu'un de compréhensif, qui ne porte pas de
jugement.
Je commence alors à identifier une relation du
formateur vers l'étudiant reposant sur l'aide.
Je pousse l'investigation sur cette notion de relations.
Jusqu'ici faiblement existantes entre les terrains de stage et l'institut,
elles restent cependant un point duquel il émane des attentes.
· Les attentes en termes
d'échange :
Même si ce sujet n'est pas abordé
spontanément, les discours sont ponctués
régulièrement par cette notion d'échanges avec le
formateur. Je vais volontairement distinguer les propos des deux personnes car
leurs avis apportent différents éléments
intéressants.
En ce qui concerne la première interrogée, au
moment où elle aborde le thème du nouveau
référentiel de formation, elle suppose que « peut
être qu'on les verra pour faire le point avec
l'étudiant ». J'en profite pour la relancer sur ses
propos. Elle ajoute que « c'est important pour nous et pour
l'étudiant aussi ». Quand je lui demande sous quelle
forme elle imagine cette mise au point, elle est catégorique :
« je pense qu'il faut que ce soit une rencontre. Qu'il y ait le
formateur, l'étudiant et l'infirmière qui est
référente [...] sous forme de discussion ».
L'échange apparaît ici comme un moment charnière dans la
formation et pour l'étudiant, « parce que ça
va lui permettre d'avancer, de s'évaluer, de se remettre en
question » que pour le soignant « et pis nous
aussi pour les prochains étudiants de voir ce qui avait
été, ce qui a pas été, se remettre en question nous
aussi ». De même, l'infirmière souhaite pouvoir
demander « ce qu'ils[les formateurs] attendent de
nous ». La place du formateur dans cet échange n'est pas
resituée clairement mais le bénéfice est identifié
pour le soignant et l'étudiant.
En ce qui concerne le deuxième infirmier
interviewé, il replace le rôle du tuteur dans le cadre du nouveau
référentiel de formation, dans l'échange. Celui-ci
« va être vraiment le lien réel entre l'IFSI et
l'étudiant. Donc ça par contre ça fait un point
positif. ». Il affirme que ce lien permettra au tuteur d'aller
se renseigner sur toutes les nouvelles techniques de soins auprès des
IFSI pour ensuite en informer les équipes de soins du service.
Plus loin, il reprend ce « temps de
rencontre » comme étant un temps où il va pouvoir
« créer des liens avec les
formateurs ». Je cherche à savoir dans quel but il
souhaite créer ces liens. Il ajoute qu'il attend du formateur
« de nous apprendre à évaluer ». Son
« grand souci » étant
« d'être le plus juste possible dans
l'évaluation », il compte sur le formateur pour
l'aider : « je pense que la personne numéro 1 qui va
me permettre de passer le cap en me disant si je peux valider ou pas, ça
sera le formateur ». De même le tuteur « va
pouvoir avoir des informations beaucoup plus claires et directement avec l'IFSI
puisqu' [ils] travaillent en étroite collaboration ».
Dans ce cas, le tuteur devient pièce centrale de l'échange qui
reçoit du formateur et transmet à l'équipe, le but
étant « d'avoir une évaluation très juste et
très correcte » de l'étudiant.
Dans les deux cas, si le formateur a un rôle essentiel
envers les étudiants, l'attente du soignant reste tournée vers
lui-même. Le formateur doit devenir une aide pour le soignant.
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