b. La question de la cession à titre onéreuse
du bail rural
En effet, il ne faut pas éluder une question centrale
dans le devoir : la question de la cession à titre onéreux des
baux lors des plans de cession, appelée communément «
chapeau » ou « pas de porte ».
Cette pratique est interdite en vertu de l'article L. 411-74 du
Code rural.
Cependant cette pratique existe toujours. Elle est très
répandue dans de nombreuses régions notamment la région
naturelle du Vexin normand pour donner un exemple.
Les procédures collectives étant une «
période d'exception », il est judicieux de s'interroger si le plan
de cession ne permet pas de déroger à cette disposition.
Dans le contexte du plan de cession, l'autorisation de
céder les baux ruraux à titre onéreux serait judicieux en
pratique :
- le prix permettait de payer les créanciers ;
- le versement d'une somme aux bailleurs éviterait la
dispersion des baux que permet l'arrêt du 9 juin 1998.
Il n'existe pas de textes prévoyant expressément
cette possibilité.
En son absence, ce sont les dispositions du Code rural qui
s'appliquent.
Cependant un jugement du tribunal de grande instance de
Chartres en date du 22 mai 1991 59 avait retenu une
offre de cession valorisant le bail rural par une interprétation de
l'article 82 alinéa 3.
Le tribunal estimait que la dérogation prévue
à l'article 82 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985, portait sur
l'intégralité du statut du fermage.
Ce jugement reste une décision d'espèce.
Les professionnels travaillant sur les procédures
collectives agricoles connaissent cette règle.
Le plan de cession annexée au mémoire le
démontre : l'interdiction du pas de porte posée à
l'article L. 411-74 du Code rural est rappelée.
En réalité, il y a un pas de porte versé
dans la majorité des cas.
59 TGI Chartres 22 mai 1991 : RD rur.
n° 198 décembre 1991, p. 403.
Afin de réaliser les cessions, ces professionnels
utilisent une technique simple : ils fixent un prix global et non
élément par élément.
Le pas de porte est ainsi englobé dans une totalité
rendant le versement de cette somme parfaitement légale.
Autre solution il suffit de surévaluer
l'indemnité d'amélioration des fonds loués prévue
par l'article L. 411-69 du Code rural, la jurisprudence a facilité cette
pratique par l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de
cassation du 22 octobre 2003 60.
Cet arrêt pose le principe que la
répétition d'une somme équivalente à la
différence entre le prix des biens mobiliers acquis par le preneur et
leur valeur vénale suppose la démonstration d'une contrainte
exercée par le cédant à l'encontre du cessionnaire.
Cette condition supplémentaire limite les actions
fondées sur l'article L. 411-74 du Code rural.
Il n'y a pas lieu de juger ces professionnels, les pas de
porte permettent de réussir des cessions où le choix
opéré par le bailleur peut entrainer un morcellement total de
l'exploitation.
La pratique du pas de porte est une véritable coutume dans
certaines régions.
En effet, la longue pratique des pas de porte a comme
résultat que certains agriculteurs assimilent pas de porte et
indemnités pour amélioration du fonds.
Il faut noter qu'il y a très peu d'action en
répétition des sommes qui sont intentées, même si
les sommes sont restituées le preneur aura beaucoup de
difficultés à trouver d'autres terres.
Les agriculteurs qui intentent cette action subissent la
méfiance et le rejet de la part des propriétaires.
On peut considérer que le pas de porte est une
véritable coutume contra leguem.
Il résulte de ces éléments que le plan de
cession peut permettre la cession du bail rural et ainsi le transfert du droit
de préemption à un autre preneur en dérogation de
l'article L. 411-35 du Code rural.
Une cession qui est souvent faite à titre onéreuse
mais de manière officieuse.
60 Cass. civ. 3°, 22 octobre 2003 :
Ann. Loyers 2004, 455, note Lachaud.
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