La preuve sur internet: le cas de la vente en ligne( Télécharger le fichier original )par Kouadio Pacôme FIENI Université de Cocody-Abidjan - D.E.A. 2006 |
SECTION 1 : LA LOI APPLICABLE AUX REGLES DE PREUVE DE NATURE PROCESSUELLE291. Preuve et procédure. Comprenant l'ensemble des formalités qui doivent être suivies en vue de soumettre une prétention à un juge, la procédure n'est pas indifférente à la matière de la preuve. Ce faisant, pour être porté en justice, tout procédé de preuve doit, selon sa nature, se couler dans une procédure spécifique, destinée notamment à garantir le respect du principe du contradictoire. Ce lien entre l'administration de la preuve et la procédure est aisé à justifier. 292. Sans incidence sur le fond du litige, les règles relatives à l'administration des preuves intéressent au premier chef la bonne marche du procès. « Instituées en vue d'une bonne administration de la justice, elles tiennent à l'activité proprement juridictionnelle du magistrat »215(*). Elles constituent par essence des ordinatoria litis. 293. En outre, il ne semble pas possible d'imaginer qu'un procédé puisse être admis en preuve si aucune procédure ne permet de le porter en justice. Il est concevable alors que l'admission ou l'admissibilité des procédés de preuve, tributaire de l'administration de ces mêmes procédés, revête une nature processuelle. 294. Procédure et lex fori. Le principe est posé qu'en cas de conflit de lois dans l'espace, la loi du for doit être retenue pour régir la procédure. La lex fori jouit d'un quasi-monopole dans la procédure. Autrement dit, les questions d'ordre procédural sont traditionnellement assignées au domaine de la lex fori216(*). La procédure demeure le domaine le plus indiscutable et le plus intangible de la lex fori217(*). Il ne faut, d'ailleurs, qu'une seule proposition pour consacrer ce précepte ; ceci explique que la catégorie de la procédure ne reçoive qu'une place aussi minime dans les ouvrages de droit international privé218(*). 295. Dans une perspective comparative, il convient d'observer que certaines législations rangent la procédure dans la sphère de la lex fori219(*). Ce principe se rencontre également dans les systèmes jurisprudentiels, tels que le droit français220(*) et le droit anglais. Dans ce dernier système, il est intéressant de relever la distinction qui existe entre rights (substance ou fond) et remedies (procédure)221(*). Au regard de cette consécration, nous ne pouvons que marquer notre adhésion à l'assertion suivant laquelle « il est universellement admis qu'en ce qui concerne le déroulement du litige, une juridiction interne applique ses propres règles de procédure : c'est le principe de soumission de la procédure à la loi du for »222(*). 296. Justification du principe de soumission de la procédure à la lex fori. Pour admettre le rattachement de la procédure à la lex fori, deux idées sont mises en exergue. Dans un premier temps, on soutient que les règles de procédure ont pour objet le service public de la justice. A cet égard, il semble impossible de soumettre celui-ci à une loi autre que celle qui l'a institué. Pierre MAYER et Vincent HEUZE expliquent que les tribunaux, organes internes auxquels a été confié le service public interne de la justice, sont liés par la loi dont ils tiennent leurs pouvoirs. Cette dernière leur impose la façon dont ils doivent se comporter, c'est-à-dire la façon dont ils doivent procéder223(*). On observe ainsi que c'est un principe relevant du droit international public, en vertu duquel l'Etat fixe souverainement l'organisation et le fonctionnement de ses institutions internes, qui est souvent évoqué en doctrine pour pourvoir à l'explication du lien entre la lex fori et la procédure224(*). 297. Dans un second temps, on relève que ces règles de procédure, par essence, ne visent qu'à assurer le bon déroulement du procès, partant elles s'avèrent indifférentes à la substance du litige. En conséquence, le juge ne peut s'affranchir de ses règles processuelles sous le prétexte qu'une loi étrangère serait applicable au fond225(*). Il en découle que la procédure suivie pour la résolution des litiges internationaux est identique à celle qui est suivie pour les litiges internes. Le caractère international de la situation juridique n'a donc que très peu d'influence sur les règles de procédure226(*). 298. Dès lors, les implications de ce rattachement se laissent aisément saisir. Aussi bien l'admission (I) que l'administration (II) des modes de preuve ont vocation à être régies par la loi du for. I : L'application de la lex fori à l'admission des modes de preuve299. Sous cette rubrique, une distinction est opérée en tenant compte de la matière sur laquelle porte la contestation. Relativement à l'admissibilité des modes de preuve, on propose la soumission des litiges à une règle de conflit alternative : le principe serait la compétence de la loi du for, la loi locale s'appliquant subsidiairement227(*). 300. S'agissant de la force probante, bien qu'il soit admis que la lex formae doit fixer l'autorité des écrits, la plupart des auteurs s'accordent cependant pour soumettre les autres procédés de preuve à la lex fori. 301. Les raisons qui président au rattachement de la crédibilité des modes non écrits de preuve à la lex fori (B) seront étudiées à la suite de celles justifiant la soumission de l'admissibilité des procédés de preuve à la loi du juge saisi (A).
302. Dans le contexte du commerce international, et plus spécifiquement dans celui de la vente en ligne, il est clair que la protection de la sécurité juridique ne peut être efficacement assurée que par un rattachement de l'admissibilité des modes de preuve à la lex loci actus. Mais, en cas de conflit de lois dans l'espace, la question pourrait davantage être rattachée à la lex fori. Face à cette différence de solutions, laquelle préférée ? 303. Les réflexions de BATIFFOL. Sur la matière de l'admissibilité des procédés de preuve, la solution des conflits de lois semble avoir été considérablement influencée par les travaux du doyen BATIFFOL228(*). Au regard de l'apport du droit comparé, il soulignait que, fidèle à la tradition enracinée dans les pays latins229(*), la Cour de cassation française avait, à maintes reprises, affirmé que les procédés de preuve devaient être déterminés, comme la forme, par la loi du lieu de l'acte230(*). Il indiquait, néanmoins, à juste titre, que cette solution méconnaissait la doctrine et la jurisprudence des pays germaniques et de common law, qui appliquaient en la matière la loi du for231(*). 304. En outre, l'éminent auteur, faisait remarquer que si la solution proposée par la Cour régulatrice assurait à la règle locus regit actum son effet sur la preuve, elle exagérait, cependant, le lien entre la preuve et la forme ; il n'y aurait aucun lien entre la forme et les preuves non écrites. En témoigne cette réflexion : « N'appartient-il pas à la loi du for de dire si tel moyen de preuve pourra être considéré comme convaincant par le juge ? Nous avons admis que la qualité pour témoigner relevait de la loi du for parce qu'en matière de crédibilité des individus, la loi pouvait difficilement transiger ; il semble que le degré de confiance dû à un moyen de preuve pose un problème du même ordre. La conviction du juge est un phénomène psychologique qui est indépendant du lieu d'origine de l'acte litigieux ; les règles que la loi lui impose tiennent principalement au souci d'une administration de la justice rapide et sûre »232(*). 305. Convaincu qu'il était non seulement possible, mais surtout nécessaire de concilier les deux solutions233(*), l'éminent auteur tirait en définitive la conclusion suivante : l'admissibilité des modes de preuve devait dépendre de la loi du for, sous réserve de la possibilité offerte aux parties de réclamer les modes admis par la loi du lieu où elles avaient contracté. 306. La solution énoncée par BATIFFOL est révélatrice des tendances doctrinales contemporaines qui fondent l'élaboration des règles de conflit de lois sur l'analyse approfondie du droit interne en s'efforçant de maintenir l'équilibre entre les exigences des intérêts nationaux et celles du commerce international. 307. Portée de la réflexion de BATIFFOL. Cette solution a fortement influencé l'orientation jurisprudentielle de la Cour de cassation, de même que la rédaction de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. 308. A cet effet, l'article 14, alinéa 2 de la Convention énonce que « les actes juridiques peuvent être prouvés par tout mode de preuve admis soit par la loi du for, soit par l'une des lois visées par l'article 9 selon laquelle l'acte est valable en la forme, pour autant que la preuve puisse être administrée selon ce mode devant le tribunal saisi »234(*). 309. La solution de l'arrêt Isaac. Quant à la Cour de cassation, elle a, dans l'arrêt Isaac, estimé que « s'il appartient toujours au juge (français) d'accueillir les modes de preuve de la loi du for, c'est néanmoins sans préjudice du droit pour les parties de se prévaloir des règles de preuve du lieu étranger de l'acte »235(*). 310. La décision de la Cour de cassation, dont la formulation diffère de celle de l'article 14, alinéa 2, dans la mesure où elle ne constitue peut-être pas tant une règle de conflit bilatérale qu'une directive donnée au juge a été approuvée par la majorité de la doctrine. 311. Par cette décision se trouve dégagée la règle de rattachement applicable en matière d'admissibilité des modes de preuve des actes juridiques. En vertu de cette jurisprudence, la recevabilité des modes de preuve des actes juridiques ressortit à la compétence alternative de la lex fori et de la lex formae. Considéré comme l'arrêt fondateur de la nouvelle jurisprudence en matière de preuve des actes juridiques, l'arrêt Isaac n'a pas été contredit par la jurisprudence postérieure de la Cour de cassation. 312. La solution antérieure. La tradition, depuis la décision de la Cour de cassation du 23 février 1864, soumettait l'admissibilité des modes de preuve à la loi du lieu où l'acte avait été passé. C'était l'application de la règle locus regit actum qui commandait cette solution. On sauvegardait ainsi les prévisions légitimes des parties. C'est cette indispensable prévisibilité juridique avec la nature véritable des règles de preuve que la solution de l'arrêt Isaac tente de concilier. 313. Possibilité de se prévaloir des règles de preuve du lieu étranger de l'acte. La recevabilité ou l'admissibilité des moyens de preuve est une question de procédure que règle, en principe, directement la lex fori ; « mais celle-ci, pour tenir compte de l'extranéité de l'acte, permet aux parties d'échapper à l'exigence de préconstitution de la preuve, si elle n'est pas posée par la loi locale, ainsi prise en considération »236(*). 314. Si l'on souhaitait que l'ensemble des conflits de lois en matière d'admissibilité des procédés de preuve relève d'une règle de conflit unique, l'on doit en constater le contraire. Longtemps rangée dans la sphère de compétence de la loi du lieu de l'acte, la recevabilité des procédés de preuve des actes juridiques, par l'arrêt Isaac, relève de la lex fori, sous réserve du droit, pour les parties à l'acte, de se prévaloir également des règles de preuve du lieu étranger de l'acte. 315. Vocation subsidiaire de la loi du lieu de l'acte. Ainsi, nonobstant la place importante qui lui est accordée dès lors qu'il en va de la preuve des actes juridiques, la loi locale n'aurait qu'une vocation subsidiaire à s'appliquer en la matière. Le principe dégagé est bien le suivant : l'admissibilité des modes de preuve ressortit à la compétence de la loi du juge saisi des conflits de lois dans l'espace. 316. Application à la vente en ligne. Appliquée à la vente en ligne, la règle énoncée déterminera si les procédés de preuve électroniques brandis par une partie seront recevables devant le juge saisi. Ce dernier devra, en vertu du principe, se référer à sa propre loi pour décider. 317. Mais, les parties ont également la possibilité de se prévaloir des règles de preuve du lieu étranger de l'acte. La difficulté dans cette dernière hypothèse est celle qui se rapporte à la détermination du lieu de l'acte de vente en ligne, comme développée précédemment. 318. Conclusion. Pour conclure sous ce titre, observons que pendant longtemps, la Cour de cassation n'a tranché les litiges relatifs aux conflits de lois en matière d'admissibilité des modes de preuve qu'en référence à la loi du fond ou à la loi de survenance du lieu de l'acte. Ainsi fut-il décidé à plusieurs reprises qu'en cas de conflit de lois dans l'espace, un acte juridique devait être régi par la loi du lieu où il était passé « quant à sa forme, à ses conditions fondamentales et à son mode de preuve »237(*). La loi du juge saisi n'occupait qu'un domaine très réduit. Toutefois, depuis la fin des années cinquante, la Cour de cassation sembla avoir inversé les solutions. La compétence de la lex fori est beaucoup plus souvent retenue, même si elle se combine parfois avec celle de la loi du fond ou de la loi locale. 319. Les règles actuelles de conflits de lois en matière d'admissibilité des procédés de preuve s'offrent comme le fruit d'une analyse fournie par BATIFFOL, analyse qui fut, par la suite, consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, ainsi que par la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. 320. Suivant la logique de BATIFFOL, en droit interne, la preuve relèverait, dans divers domaines, de l'intime conviction du juge, ce qui confèrerait aux règles relatives à la recevabilité des procédés de preuve une nature processuelle, justifiant, en cas de conflit de lois dans l'espace, la soumission de la matière à la loi du juge saisi. 321. Le principe étant posé du rattachement de l'admissibilité des procédés de preuve à la lex fori, il n'en va pas différemment en ce qui concerne la crédibilité des modes non écrits de preuve.
322. Liée intimement à la forme des actes, de même qu'au respect des prévisions des parties contractantes, la crédibilité ou la force probante des écrits étrangers, sous réserve de quelques exceptions, doit ressortir à la loi du lieu de rédaction de ces instruments. Une telle solution n'est pas nécessairement transposable à la crédibilité des modes non écrits de preuve. 323. Doctrine dominante. En effet, bien qu'admettant que la force probante des procédés écrits de preuve doive relever de la lex loci actus, la majorité des auteurs suggèrent néanmoins que la crédibilité des procédés non préconstitués de preuve relève de la lex fori238(*). Cette solution semble tellement évidente que le doyen BATIFFOL ne trouve même pas nécessaire de la justifier. 324. En ce qui concerne les preuves non écrites, il énonce d'ailleurs que « la force probante ne peut être réglée que par la loi du for : on ne voit pas quelle autre loi pourrait s'appliquer à des preuves non préconstituées »239(*). 325. En droit interne, la force probante des modes non écrits de preuve est traditionnellement laissée à la libre appréciation du juge. Il en est ainsi du témoignage et des présomptions du fait de l'homme. 326. Le témoignage. Du fait qu'elle revêt un caractère indéniablement subjectif, fonction des qualités personnelles du témoin, la preuve par témoignage, quant à sa crédibilité, est, en droit interne abandonnée à la libre appréciation du juge240(*). 327. Plusieurs arguments permettent de justifier une telle solution : soit qu'ils manquent eux-mêmes d'impartialité, soit qu'ils subissent des pressions de la part des parties, les témoins peuvent tout d'abord procéder à des déclarations mensongères ; ensuite, un long délai sépare fréquemment l'instant de la constatation des faits relatés et leur déposition dans le prétoire, ce qui suppose inéluctablement un effort de mémoire de la part du témoin ; or, avec le temps, « les souvenirs s'appauvrissent ou, ce qui peut être plus redoutable, s'enrichissent par un travail mental inconscient »241(*). 328. Intime conviction du juge saisi. Par ailleurs, il est exigé du témoin d'exprimer par des mots ce qu'il a personnellement constaté. Un nouveau risque de déformation des faits en résulte, « d'autant plus sérieux que les questions posées au témoin pour obtenir de lui les indications utiles orientent et influencent l'expression du témoignage »242(*). Ce faisant, le juge, confronté à un témoignage, quant à l'appréciation de sa force probante, jouit de la plus grande liberté pour décider, selon son intime conviction, de l'existence des faits rapportés. 329. Dans l'hypothèse d'un conflit de lois dans l'espace se rattachant à l'autorité d'un témoignage, et eu égard à ce qui vient d'être énoncé, il semble difficilement concevable de soustraire la matière à la compétence de la loi du juge saisi. D'ailleurs, la Cour de cassation française, dans deux affaires où les juridictions allemandes avaient admis la preuve de relations sexuelles en vue de fonder des allocations de secours alimentaire à la charge des pères présumés, s'est ainsi prononcé pour le refus de l'exequatur aux jugements en invoquant l'ordre public international français243(*). 330. En réalité, dans lesdites décisions, la Cour de cassation n'a manifestement pas voulu accorder force exécutoire au motif que le procédé de preuve retenu par le juge étranger en application de sa propre loi, n'avait pas réussi à convaincre le juge français saisi de l'exequatur. 331. Les raisons qui justifient la soumission de la crédibilité des témoignages à la loi du juge saisi sont généralement appelées à expliquer le rattachement à cette loi de la force probante des présomptions du fait de l'homme. 332. Les présomptions du fait de l'homme. La preuve par présomptions du fait de l'homme n'est admissible que dans les hypothèses où la preuve testimoniale l'est elle-même. La valeur de la preuve par présomptions est totalement subordonnée à l'intime conviction du juge. En effet, ces présomptions sont abandonnées « aux lumières et à la prudence du magistrat »244(*). Ce constat a nécessairement un impact, en cas de conflit de lois dans l'espace portant sur la force probante d'une présomption du fait de l'homme. 333. Pouvoir d'appréciation du juge saisi. En effet, dans la mesure où une présomption de fait est administrée devant le juge, et qu'elle laisse à ce dernier un large pouvoir d'appréciation, la matière se trouve indubitablement liée au déroulement de l'instance. Sa nature processuelle se laisse alors saisir par l'évidence. Dès lors, la crédibilité d'un tel procédé de preuve ne peut être appréciée par un juge qu'en vertu des règles issues de sa propre loi. On ne peut rattacher la crédibilité des présomptions du fait de l'homme à une autre loi que la lex fori. 334. En toute logique, parce que ni le témoignage, ni les présomptions du fait de l'homme ne sont des preuves préconstituées et se situant hors de la prévision des parties, leur autorité doit ressortir, en cas de conflit de lois dans l'espace, à la compétence de la lex fori. 335. Au demeurant, on peut considérer qu'il serait tout à fait irréaliste de penser, comme l'a, à juste titre, relevé André HUET, « que le juge (...) se départisse du souverain pouvoir d'appréciation que lui attribue la loi (...) au motif que la loi étrangère du lieu de l'acte ou du fait juridique limite son intime conviction »245(*). 336. L'aveu et le serment. La solution ainsi prônée du rattachement à la lex fori vaut également pour l'aveu et le serment. Ces procédés « qui ont pour ressort un certain sentiment moral chez le déclarant »246(*), partagent avec le témoignage et les présomptions de l'homme, l'itinéraire identique de n'être fournis au juge qu'après l'introduction du procès. Revêtant par ceci même un indéniable caractère processuel, leur soumission à la lex fori ne semble pouvoir être remise en cause, pas plus que celle des témoignages et présomptions de fait. 337. S'agissant de l'aveu, on a déjà indiqué, dans la première partie de cette étude, qu'il pouvait être extrajudiciaire ou judiciaire. Sans revenir ici sur les éléments qui les distinguent, nous nous contenterons de voir si la loi applicable à la force probante est identique dans les deux hypothèses d'aveu. 338. L'aveu extrajudiciaire. Le Code civil ne s'est pas prononcé sur la valeur à attacher à l'aveu extrajudiciaire. La doctrine et la jurisprudence s'en remettre alors au juge pour apprécier librement la valeur de l'aveu extrajudiciaire. Il a été ainsi décidé que les juges du fond devaient apprécier souverainement le degré de confiance à accorder à une déclaration faite en dehors de leur présence, et pouvaient s'estimer convaincus par un aveu extrajudiciaire247(*). 339. Cas spécifique de l'aveu extrajudiciaire consigné dans un écrit. Toutefois, il semble que la lex fori doive être écartée lorsqu'un aveu extrajudiciaire se présente sous la forme d'un écrit répondant aux conditions de validité spécifiques des actes authentiques ou sous seing privé. En effet, si l'auteur de l'aveu a consigné son aveu dans un écrit, le procédé de preuve, établi de cette façon, répond à la qualification de l'écrit. Dans une telle hypothèse, le pouvoir d'appréciation du juge ne peut trouver à s'exprimer sur le contenu de la preuve ainsi constituée. Ceci dit, en cas de conflit de lois dans l'espace portant sur la force probante d'un aveu écrit, compétence doit être dévolue à la lex loci actus, autrement dit à la loi du lieu de rédaction du document248(*). 340. L'aveu judiciaire. Relativement à la crédibilité de l'aveu judiciaire, elle est rattachée à la lex fori. En effet, l'aveu judiciaire s'inscrit dans la logique d'administration de la preuve. Or, il n'est pas discutable que l'administration des procédés de preuve revête un caractère éminemment procédural. Traditionnellement, en cas de conflit de lois dans l'espace, la matière ressortit à la loi du juge saisi. Le lien de dépendance entre la crédibilité de l'aveu judiciaire et son administration établi, il en découle que la force probante de ce procédé de preuve doive aussi dépendre de la loi du juge saisi. 341. La solution ainsi dégagée pour la crédibilité de l'aveu judiciaire, n'est pas surprenante. Il ne pouvait en être autrement, alors même que la force probante de l'aveu judiciaire ne dépend de l'observation d'aucune prescription de forme. C'est pourquoi la doctrine consacrant le rattachement de la matière à la loi du juge saisi doit être approuvée. Cette solution n'est d'ailleurs pas spécifique à l'aveu judiciaire. Elle a aussi vocation à s'appliquer en matière de serment décisoire, tout comme celle dégagée quant à l'aveu extrajudiciaire, qui pourra régir le serment supplétoire. 342. Le serment décisoire. L'idée a été émise de rattacher la force probante du serment décisoire, en cas de conflit de lois dans l'espace, à la loi du juge. En effet, certains auteurs, soulignant que la force probante du serment décisoire, dans l'ordre interne, s'impose au juge, proposent cette solution249(*). 343. Certes, la matière, a priori, semble toucher véritablement au fond du droit. Cependant, et comme pour l'aveu judiciaire, des éléments permettent de rattacher la crédibilité du serment décisoire à la lex fori. 344. En premier lieu, et comme c'est le cas en matière de preuve littérale, la force probante du serment décisoire n'est nullement subordonnée à l'observation de prescriptions de forme. 345. En second lieu, la crédibilité du serment décisoire est directement subordonnée aux conditions dans lesquelles ce procédé se trouve administré en justice. Produit devant le juge et émanant de l'un des plaideurs, on ne saurait lui contester sa nature processuelle. Dans la mesure où l'administration des procédés de preuve, en cas de conflit de lois dans l'espace, doit ressortir à la loi du juge saisi, et où il existe un véritable lien de dépendance entre l'administration du serment décisoire et sa force probante, il semble incontestable de soumettre cette dernière à la loi du for. 346. Le serment supplétoire. En ce qui concerne le serment supplétoire, parce qu'il constitue, en droit interne, une mesure d'instruction destinée à permettre au juge de connaître davantage les faits objets du litige opposant les parties au procès, il voit sa crédibilité abandonnée à la libre appréciation des juges. 347. Application des solutions à la vente en ligne. Suivant ces développements sur la crédibilité des modes non écrits de preuve, la solution que nous retenons pour la vente en ligne est que de tels modes de preuve apportés par les parties ne peuvent aspirer à être régis par une loi étrangère. En l'espèce, en application des raisons énoncées plus haut, il revient à la lex fori de régler le sort de la crédibilité des procédés non écrits de preuve dans l'hypothèse d'un litige opposant les parties à une vente en ligne. En d'autres termes, et plus concrètement, il appartient au juge saisi du litige d'apprécier la force probante de ces modes non écrits de preuve selon son intime conviction, laquelle est nécessairement et fortement influencée par la culture juridique de l'Etat dans lequel il siège. 348. Il vient d'être exposés les raisons pour lesquelles l'admission des procédés de preuve devait, par principe, relever de la compétence de la loi du juge saisi ; il convient, s'agissant toujours de l'application de la lex fori, d'envisager dans quelle mesure les règles de l'administration des procédés de preuve vont relever de la compétence de cette loi. * 215 André HUET, Les conflits de lois en matière de preuve, (thèse), Paris, Dalloz, 1965, p. 330, n° 274. * 216 Peggy CARLIER, « L'utilisation de la lex fori dans la résolution des conflits de lois », thèse, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales - Université de Lille 2, mars 2008, p. 33, n° 40. * 217 V. en ce sens, André HUET, « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) - Compétence de la « lex fori » - Domaine de la « lex fori » : action en justice », J-Cl. Procédure civile, fasc. 57-10 (2001) ; Pierre MAYER et Vincent HEUZE, Droit international privé, 9ème éd., Paris, Montchrestien, 2007, p. 365-375, n° 492-506. * 218 Sur la distinction entre la procédure et la compétence juridictionnelle, v. Antoine BOLZE, « Recherche sur les règles de procédure dans le litige privé international », thèse, vol. 2, Paris II, 1996. Cette distinction est aussi utilisée par les auteurs du Précis Dalloz où le choix de cette présentation révèle une disproportion entre les deux thèmes, les développements concernant la compétence étant beaucoup plus importants (101 pages) que ceux relatifs à la procédure stricto sensu (7 pages). V. Yvon LOUSSOUARN, Pierre BOUREL et Pascal DE VAREILLES-SOMMIERES, Précis de droit international privé, 9ème éd., Paris, Dalloz, 2007, p. 599 et s., n° 438 et s. * 219 L'article 48 de la loi de l'ancienne Tchécoslovaquie énonce qu' « au cours de la procédure, les tribunaux et notariats tchécoslovaques procèdent conformément aux prescriptions procédurales tchécoslovaques », Loi n° 97 du 4 décembre 1963 sur le droit international privé et de procédure, Recueil des lois de la République socialiste tchécoslovaque du 16 décembre 1963, RCDIP 1965, p. 626 ; le paragraphe 63 du décret loi sur le droit international privé hongrois précise, quant à lui, que, « sauf disposition contraire du présent décret-loi, la procédure devant les tribunaux ou les autorités hongroises est soumise au droit hongrois », Décret-loi n° 13/1979 du Présidium de la République populaire hongroise sur le droit international privé, Magyar Közlöny 31 mai 1979, p. 495, RCDIP 1981, p. 173, note F. MAJOROS ; de manière beaucoup plus explicite, la loi italienne prévoit que « le procès civil qui se déroule en Italie est régi par la loi italienne » (article 12), Loi n° 218 du 31 mai 1995, réforme du système italien de droit international privé, Gazzetta Ufficiale della Repubblica italiana, 3 juin 1995, supplément ordinaire n° 128 - série générale, RCDIP 1996, p. 176 ; disponible sur le site Iusreporter (il sito per la ricerca giuridica su internet) : http://www.iusreporter.it/Testi/legge218-1995.htm. La loi roumaine précise pareillement que, « dans les procès qui concernent des rapports de droit international privé, les instances roumaines appliquent la loi procédurale roumaine, sauf autres dispositions expresses » (article 159), Loi n° 105 du 22 septembre 1992 sur le règlement des rapports de droit international privé, Monitorul Oficial de la Roumanie, Partie Ire, n° 245 du 1er octobre 1992, RCDIP 1994, p. 191 ; les législations belge et suisse, pourtant très complètes, puisqu'elles comportent respectivement 140 articles et 200 articles, ne comprennent pas de dispositions à ce sujet, v. Loi fédérale sur le droit international privé (L.D.I.P.) du 18 décembre 1987, Feuille fédérale, 12 janvier 1988 [1988.I.5] ; RCDIP 1988, p. 409 ; disponible sur le site internet des autorités fédérales de la Confédération suisse : www.admin.ch/ch/f/rs/291/ ; Loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé, Moniteur belge 27 juillet 2004, p. 57344 ; RCDIP 2005, p. 154, disponible sur le site internet du Conseil francophone de la fédération du notariat belge : www.notaire.be/info/actes/100_code_dip.htm ; Jean-Yves CARLIER, Marc FALLON, et Bernadette MARTIN BOSLY, Code de droit international privé, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 579 et s. * 220 Pour des exemples jurisprudentiels, v. Civ. 1re, 12 décembre 2006, M. X, Bull.civ. I, n° 540 (v. le titrage « Distinction de la loi régissant le fond du divorce et de la loi de la procédure du divorce (lex fori) ») ; « L'exigence d'un intérêt né et actuel est commandée, en raison de son caractère procédural, par la loi du for », Civ. 1re, 4 décembre 1990, SOC. COVECO et Autres., Bull. civ. I, n° 272; JDI 1991, p. 371, note D. BUREAU ; RCDIP 1991, p. 558, note M.-L. NIBOYET-HOEGY ; « si la procédure d'une instance engagée en France ne peut être régie que par la loi française, rien ne s'oppose à ce qu'il soit fait état, au cours de cette instance, de témoignages recueillis dans un pays étranger, par l'autorité compétente en vertu de la loi de ce pays, procédant selon les formes définies par cette loi, et saisie, soit par commission rogatoire du juge français, soit par requête de l'une des parties », Civ. 1re, 22 février 1978, LAVIE, Bull. civ. I, n° 73; RCDIP 1979, p. 593, note G. COUCHEZ ; « la procédure suivie à l'étranger relève de la loi du Tribunal saisi, sous réserve de ne pouvoir porter atteinte aux règles de fond applicables au divorce », Civ. 1re, 2 mai 1974, BONNEFOI, Bull. civ. I, n° 123 ; JDI 1974, p. 850, note A. PONSARD (exequatur). Pour l'ordonnancement du procès, « l'application de la loi du for est tellement évidente qu'elle n'est jamais débattue par les plaideurs, bien qu'elle ne soit pas explicitement consacrée ni par le législateur ni par les juges. Ces derniers se réfèrent quasi instinctivement au droit français, sans estimer nécessaire de s'expliquer sur la vocation de celui-ci », Marie-Laure NIBOYET et Géraud DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, Droit international privé, Paris, LGDJ, 2007, p. 402, n° 564. * 221 « One of the eternal truths of every system of private international law is that a distinction must be made between substance and procedure, between rights and remedy. The substantive rights of the parties to an action may be governed by a foreign law, but all matters appertaining to procedure are governed exclusively by the law of the forum », Peter NORTH and James FAWCETT, Cheshire and North's Private International Law, 13th ed., London/Edinburgh/Dublin, Butterworths, 1999, p. 67-68 ; Erwin SPIRO, « Forum Regit Processum (Procedure is Governed by the Lex Fori) », ICLQ 1969, vol. 18, p. 950 ; « RULE 17 - All matters of procedure are governed by the domestic law of the country to which the court wherein any legal proceedings are taken belongs (lex fori) », Lawrence COLLINS (dir.), Dicey and Morris on the Conflict of Laws, 13th ed., vol. 1, London, Sweet & Maxwell, 2000, p. 157, n° 7R-001. * 222 Bernard AUDIT, Droit international privé, 4e éd., Paris, Economica, 2006, p. 11, n° 14. Le vocable de la soumission est également repris par André HUET dans « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) - Compétence de la « lex fori » - Domaine de la « lex fori » : action en justice », J-Cl. Procédure civile, fasc. 57-10 (2001), p. 2, n° 1. Historiquement, la soumission de la procédure à la lex fori est née d'une distinction, inventée au 13e siècle par Jacobus BALDUINI, entre la coutume qui se rapporte à la procédure et celle qui se rapporte à la décision du procès (Eduard Maurits MEIJERS, « L'histoire des principes fondamentaux du droit international privé à partir du Moyen Âge, spécialement dans l'Europe occidentale », RCADI 1934-III t. 49, p. 595 ; Henri BATIFFOL et Paul LAGARDE, Traité de droit international privé, t. I, 8e éd., 1993, Paris, LGDJ, p. 372, n° 215 ; Erwin SPIRO, « Forum Regit Processum (Procedure is Governed by the Lex Fori) », ICLQ, 1969, vol. 18, p. 949 ; André HUET, « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) - Compétence de la « lex fori » - Domaine de la « lex fori » : action en justice », J-Cl. Procédure civile, fasc. 57-10 (2001), p. 3, n° 7). La séparation de la loi applicable à la procédure par rapport à celle qui est applicable au fond du droit trouve donc son origine historique dans une distinction opérée entre la litis ordinatio et la litis decisio (Henri BATIFFOL, Influence de la loi française sur la capacité civile des étrangers en France, Paris, Librairie du Recueil Sirey, 1929, p. 253). Ainsi, selon la théorie de BALDUINI, les questions de procédure dépendent strictement des règles de la loi du for (ad ordinandam litem) tandis que le juge peut admettre d'avoir recours à une loi étrangère pour décider de la solution au fond du litige (ad decidendam litem). * 223 Pierre MAYER et Vincent HEUZE, Droit international privé, 9ème éd., op. cit., p. 365, n° 492. V. également Etienne BARTIN, Principes de droit international privé selon la loi et la jurisprudence françaises, 5ème éd., vol. 1, Domat-Montchrestien, 1930, p. 253, § 94. * 224 André HUET, « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) - Compétence de la « lex fori » - Domaine de la « lex fori » : action en justice », J-Cl. Procédure civile, fasc. 57-10 (2001), p. 4 et s., n° 14 et s. * 225 Bernard AUDIT, Droit international privé, 3e éd., op. cit., p. 12, n° 14. * 226 En droit ivoirien, des exceptions existent notamment en ce qui se rapporte aux délais de comparution et d'exercice des voies de recours. Pour la comparution, l'article 34 nouveau du Code de procédure civile, commerciale et administrative pose le principe qu' « il doit y avoir entre le jour de l'assignation et celui indiqué pour la comparution, un délai de huit jour au moins, si le destinataire es domicilié dans le ressort de la juridiction ». L'alinéa 2 du même article précise que « ce délai est augmenté d'un délai de distance de quinze jours si le destinataire est domicilié dans un autre ressort et de deux mois s'il demeure hors du territoire de la République ». Les augmentations de délai ainsi dégagées pour la comparution sont également applicables aux voies de recours. V. à ce sujet, pour l'opposition, l'art. 154 nouveau, pour l'appel, l'art. 168 nouveau, pour le pourvoi en cassation, l'art. 208 nouveau du Code de procédure civile. En droit français également, une exception figure à l'article 643 du Code de procédure civile : « Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine ; les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de : 1. Un mois pour les personnes qui demeurent dans un département d'outre-mer ou dans un territoire d'outre-mer ; 2. Deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger ». * 227 Cette solution, conçue par le doyen BATIFFOL (BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats : étude de droit international privé comparé, Paris, Sirey, 1938, n° 442 et s.) a par la suite été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ., 24 février 1959, Isaac, Rev. crit. DIP. 1959, p. 368, note Yvon LOUSSOUARN ; D. 1959, p. 485, note Ph. MALAURIE). Elle semble à l'heure actuelle approuvée par la doctrine dominante. * 228 V. son ouvrage précité, Les conflits de lois en matière de contrats : étude de droit international privé comparé, Paris, Sirey, 1938. * 229 Tradition qui inscrivait la détermination des procédés de preuve recevables dans le domaine de la lex loci actus. L'art. 10 des dispositions préliminaires de l'ancien Code civil italien posait cette solution. * 230 Civ., 23 février 1864, Compagnie péninsulaire et orientale de Londres, DP 1864. 1. p. 166 ; S. 1864 .1. p. 385 - Civ., 24 août 1880, Brenton, DP 1880 1 p. 447 ; S. 1880 1 p. 413 - Civ. 23 mai 1892, Princesse Roukia, DP 1892 .1. p. 473, note Em. COHENDY - Civ., 14 juin 1899, Abby, S. 1900. 1. p. 225, note A. PILLET. * 231 Cour fédérale de la République fédérale allemande, 30 juillet, 1954, Rev. Crit. DIP 1956, p. 58, note Ernst MEZGER. * 232 BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats : étude de droit international privé comparé, op. cit., p. 377, n° 443. * 233 Illustrant la nécessité d'une conciliation entre l'application à l'admissibilité des modes de preuve de la lex loci actus ou de la lex fori, BATIFFOL citait l'exemple suivant : « En droit français, la prescription d'un écrit ad probationem exclut la preuve par témoins et par présomptions, sous certains tempérament cependant, mais en tout cas laisse recevables l'aveu et le serment. Si la loi du lieu de l'acte prescrivait un écrit, est-il raisonnable, au cas où les parties ne l'ont pas observée, de lui demander si elle admet l'aveu ou le serment et si elle a prévue des tempéraments à la prohibition des témoins et des présomptions ? Tout ceci semble véritablement à résoudre par la loi du for, et nous croyons corrélativement que l'esprit de la règle locus regit actum est d'assurer aux parties que, si elles ont eu la prudence de s'informer des règles de forme du lieu où elles contractaient et de les respecter, leur acte sera régulier en la forme. Mais la seule conséquence à tirer de cette idée, en ce qui concerne la preuve, est que le contrat passé sans écrit en un lieu où la loi ne l'exige pas doit pouvoir être prouvé par les autres moyens normaux, témoins et présomptions, quel que soit le juge devant lequel les contingences de la compétence juridictionnelle ou l'opportunité d'une exécution facile amène les parties. Par contre la règle n'oblige nullement à refuser la preuve par témoins, admise par la loi du for, à des parties qui ont contracté en un lieu dont la loi exigeait un écrit ». * 234 L'art. 14, al. 2 ouvre donc une option entre la loi du for et la loi de la forme. Toutefois, celle-ci ne pourra être mise en oeuvre devant le tribunal saisi que si la lex fori n'ignore pas le mode étranger de preuve. * 235 Cette décision fonde la nouvelle jurisprudence relative à l'admissibilité des modes de preuve. * 236 Pierre MAYER, « Droit international privé et droit international public sous l'angle de la notion de compétence », Rev. Crit. DIP 1979, p. 1 et s., p. 349 et s., et p. 537 et s. (v. spéc. N° 63, p. 380). * 237 V. en ce sens, et à titre d'exemple, l'arrêt du 23 février 1864, Compagnie péninsulaire et orientale de Londres, précité. * 238 V. par exemple, Bernard AUDIT, Droit international privé, op. cit., p. 382, n° 438. * 239 BATIFFOL, Les conflits de lois en matière de contrats : étude de droit international privé comparé, op. cit., p. 379 ; BATIFFOL et LAGARDE, Droit international privé, LGDJ, t. II, 7e éd., 1983, n° 708. * 240 Max LE ROY, « Le contrôle de l'aptitude au témoignage », D. 1969, chron., p. 175. * 241 Jacques GHESTIN, Gilles GOUBEAUX, Muriel FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil. Introduction générale, LGDJ, n° 713. * 242 Ibidem. * 243 Civ. 1re, 19 décembre 1973, JDI 1974, p. 616, note HUET - Civ. 1re, 18 mai 1976, JDI 1977, p. 485, note HUET. * 244 Article 1353 du Code civil. * 245 André HUET, « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) », J.-Cl. Droit international, Fasc. 582-2, n° 107. * 246 Jean CARBONNIER, Droit civil. Introduction, Paris, PUF, 25e éd., p. 314, n° 177. * 247 Civ. 1re, 28 octobre 1970, Bull. civ. I. n° 287. * 248 Pour une telle solution, voir André HUET, « Procédure civile et commerciale dans les rapports internationaux (DIP) », op. cit., n° 110 ; voir cependant la décision de la Cour d'Appel d'Aix du 28 avril 1931, JDI 1932, p. 937, qui semble retenir l'application de la loi du fond. * 249 André HUET, Les conflits de loi en matière de preuve, op. cit., n° 264 et s. ; Thomas GROUD, La preuve en droit international privé, Presses Universitaires d'AIX-Marseille, Faculté de droit et science politique, 2000, p. 150 ; Yvon LOUSSOUARN, Pierre BOUREL, Droit international privé, Dalloz, 7e éd., p. 454, n° 373. |
|