II - UN SECTEUR DE LA
MICROFINANCE EN EXPANSION ET DES MARCHES FINANCIERS ET MONETAIRES EN
FONCTIONNEMENT
Le secteur de la microfinance prend une extension
remarquable ainsi que la création bien que lente des marchés
financiers au Cameroun.
1- Un secteur de la
microfinance en expansion
Face au dysfonctionnement du
système financier officiel, on note un rôle important de la
finance informelle : institutions communautaires reposant sur des
communautés d'appartenance (clans, lignages, religions, etc.) ;
organisations tontinières ou associations de crédit rotatif
reposant sur des communautés d'adhésion, prêteurs et
banques privées non officielles (Hugon, 1996). Ces circuits sont
caractérisés par plusieurs traits : prédominance des
transactions en espèces, faiblesse ou absence des enregistrements et des
réglementations, échelle restreinte des opérations,
échanges d'actifs hors des cadres juridiques, rôle des relations
personnelles et des solidarités communautaires d'appartenance ou
d'adhésion (Lelart, 2005). L' « argent chaud »
créateur de liens l'emporte sur l' « argent
froid » non créateur d'obligations (Bédart, 1986). Ces
circuits informels permettent de différer la consommation et de
réaliser une épargne forcée. Les taux de recouvrement sont
élevés ; la proximité sociale et culturelle favorise
la confiance ; la grande simplicité et la flexibilité des
procédures et les innovations permettent d'adapter les produits
financiers aux besoins. Il importe également d'en voir les
limites : la personnalisation des relations réduit l'étendue
de ces circuits, l'essentiel des financements concerne les dépenses
sociales et une consommation différée et non les investissements
à risque, les taux d'intérêt pratiqués sont
très élevés (souvent plus de 100% par an).
A côté de la finance informelle, la
microfinance joue un rôle économique et social croissant bien que
moins important. Elle résulte le plus souvent d'appuis extérieurs
(bailleurs de fonds, etc.) tout en s'appuyant sur les dynamiques
endogènes. Il s'agit principalement des coopératives
d'épargne et de crédit, de crédit solidaire sur le
modèle de la Grameen Bank de caisse villageoises et des mutuelles, des
sociétés de financement ou encore des banques populaires avec
système de cautionnement mutuel. La microfinance est
caractérisée par un taux élevé de recouvrement des
crédits en zones rurales et périurbaines. Ce taux baisse
considérablement dans les zones urbaines, en particulier dans les
agglomérations de Douala et Yaoundé. Il est en
général pratiqué un taux d'intérêt minimum de
5% annuel pour assurer la viabilité financière des organisations
de microfinance. En revanche, les dépôts et les crédits de
la microfinance représentent seulement 5% de la valeur des
activités bancaires (Enquête CEREG 2009). L'essentiel de la
dynamique est spontané. Le secteur de la microfinance tend à
s'intégrer davantage au secteur bancaire grâce au placement
réciproque des liquidités. Il finance très peu le petit
investissement à risque et touche les moins pauvres parmi les pauvres.
Plusieurs banques commerciales s'appuient ainsi sur le réseau d'EMF dans
lequel elles ont pris une participation. A contrario, les systèmes
encore informels notamment tontiniers continuent de jouer un rôle
stratégique, mais les taux débiteurs sont très
élevés (généralement plus de 60% par an). Ils
financent principalement de la consommation différée et des
actions sociales (Hugon, 2006).
La croissance fulgurante des établissements est
allée de pair avec le nombre de clients ou de personnes
bénéficiant des services de la microfinance. Le tableau 13
illustre cette évolution.
Tableau 13 : Evolution du nombre d'EMF, de
l'activité des EMF et des clients au
Cameroun entre
2000 et 2006
Années
|
2000 2003 2004
2006
|
-Nombre d'établissements de microfinance
-Nombre de clients en fin 2006
-Dépôts (en millions)
-Crédits (en millions)
|
490 601 652 655
200000 230000 290000 849030
35786 - -
162427
25256 - -
104173
|
(Source : Rapport annuel sur la zone franc 2007 et
rapports annuels COBAC)
Au 31 décembre 2006, le nombre
d'établissements de microfinance (EMF) ayant obtenu l'agrément de
la COBAC au Cameroun s'élevait à 655 en plus des
établissements ayant leurs dossiers d'agrément en cours d'examen.
Le nombre de clients est passé de 200000 à 849030 membres. Cette
augmentation exponentielle est allée elle-même de pair avec celle
du nombre de guichets qui, en fin 2006 s'est élevé à 1052,
contre 956 en 2000. Le Cameroun a ainsi connu une augmentation du taux global
de bancarisation. L'expansion des établissements s'est
accompagnée à son tour de celle de l'activité. Les
dépôts dans les EMF sont passés de 35 milliards à
162 milliards de francs CFA environ entre 2000 et 2007, les crédits de
25 à 104 milliards. Les EMF ont développé également
d'autres services financiers. Les EMF au Cameroun par exemple (COFINEST,
EXPRESS UNION, FIRST TRUST, etc.) ont développé le service de
transfert d'argent. Pour cela, ils utilisent des procédés
purement locaux soit des procédés qui existent à
l'échelon international (Western Union, Money Gram, etc.), à
travers des relations de partenariat nouées avec les banques classiques
locales. Ce service est devenu une activité importante. Le volume global
moyen de fonds transférés mensuellement se situant en
majorité dans les villes de Douala et Yaoundé.
Cette expansion s'explique par plusieurs facteurs.
D'une part, l'entrée en vigueur du nouveau cadre réglementaire et
la volonté manifestée par les pouvoirs publics d'assainir le
secteur ont introduit des missions d'enquête et d'évaluation,
ainsi qu'une procédure d'octroi d'agréments. D'autre part, le
caractère favorable de l'environnement macroéconomique du
Cameroun a permis au secteur de bénéficier du contexte de
surliquidité du système bancaire. Les EMF ont en effet
exploité l'attentisme des banques pour accroître les volumes de
dépôts collectés et de crédits aux particuliers.
Leur part de dépôts et de crédits est toutefois
restée faible, comparée à celles des banques classiques
(Haldane et Piergiorgio, 2009).
Un développement durable de la microfinance au
Cameroun implique un appui important en termes financiers et d'assistance
technique, notamment de la part des bailleurs de fonds. Il existe
déjà certains mécanismes d'appui de la part des bailleurs
de fonds. Au Cameroun, l'Agence française de développement a
ainsi accordé un concours de 1,5 million d'euros à l'agence pour
le crédit à l'entreprise privée, pour le financement des
petites entreprises en milieu urbain. Le poids important des transferts
financiers est visible et théoriquement libre. Ils font en plus l'objet
d'une taxe de 15% (7,5% pour les entreprises françaises) assise en
principe sur les bénéfices mais calculée en
réalité sur le chiffre d'affaires, ce qui incite fortement
à développer des circuits parallèles de transferts
(Financial Service Authority, 2009).
En dehors de ce qui précède, la
réglementation a permis également de créer des
marchés financier et monétaire, qui sont actuellement en
fonctionnement.
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