2.2 Le réseau Mission Locale-PAIO et le CIVIS
Les Missions Locales (PAIO) et les Permanence d'Accueil
d'Information et d'Orientation (PAIO) sont comme nous l'avons vu le fruit du
rapport de B. Schwartz. Le réseau des ML et PAIO s'est constitué
en un conseil national en 1990 qui est devenu l'interlocuteur
privilégié de l'État et l'organe d'orientation de la
politique d'insertion du réseau en même temps qu'un outil
d'évaluation de ces dernières.
A travers son Conseil National le réseau, nous offre
donc un portrait de son public (Bilan
1 Nicolas Herpin, Lucile Olier, Pauvreté des familles,
pauvreté des enfants, n° 499, décembre 1996
2 Denis Fougère, Laurence Rioux, Le RMI 13 ans
après, entre redistributions et incitations, Economie et Statistique
n° 346-347, 2001, p. 11
2005 du réseau des missions locales et PAIO) qui nous
permet une lecture plus précise des caractéristiques de ces
jeunes qui font appel à ces organismes. Tout d'abord ils sont plus 1 100
000 à être en contact, dont 52,3% de femmes, ils sont très
majoritairement de niveau V et moins (cf. Tableau 4, ci-dessous).On constate
aussi que un tiers des nouveaux accueillis ont ainsi fini leur scolarité
depuis plus de deux ans. D'ailleurs « les premiers accueils trois ans
après la sortie sont moins fréquents chez les jeunes de niveau
égal ou supérieur au baccalauréat (15% contre 28% pour les
niveaux V et moins) Pour ces jeunes, la durée d'accès à un
emploi stable après l'école est effectivement plus courte que
pour les moins qualifiés »1. A la lecture du tableau
ci-dessous, il apparaît que plus du quart des jeunes accueillis pour la
première fois n'a pas été au-delà de la classe de
troisième (niveau VI et Vbis) et que les jeunes femmes sont en moyenne
plus diplômées que les jeunes hommes.
Tableau 4. Les jeunes accueillis pour la première
fois dans le réseau ML, PAIO par niveau de formation (en %)
Niveau de formation
|
Hommes
|
Femmes
|
Ensemble
|
Non qualifiés (niveau VI et V bis)
|
32,6
|
22,7
|
27,4
|
CAP ou BEP non diplômés, 2nde, 1ère (niveau V
non diplômés)
|
17,8
|
13,2
|
15,4
|
CAP ou BEP diplômés (niveau V
diplômés)
|
19,9
|
19,8
|
19,8
|
Baccalauréat non diplômés (niveau IV non
diplômés)
|
9,1
|
10,4
|
9,8
|
Baccalauréat diplômés (niveau IV
diplômés)
|
15,1
|
24,7
|
20,1
|
Diplômés de l'enseignement supérieur (niveau
III, II, I)
|
5,2
|
8,8
|
7,1
|
Totaux
|
100
|
100
|
100
|
Source :Réseau ML, PAIO; Parcours 3 (extraction Septembre
2006)
La variable niveau d'études corrobore
l'employabilité aussi nous comprendrons que les
bénéficiaires du réseau soient plus nombreux à
être moins diplômés. Toutefois cette même variable
revêt une importance considérable dans le nombre d'entretiens
individuels. En effet on s'aperçoit que les jeunes les moins
dotés au niveau scolaire, bénéficient de plus d'entretiens
que leurs collègues titulaires au minimum du Bac. Tandis que les jeunes
de niveau I,II ou III sont deux tiers à faire moins de trois entretiens
(8% en font six et plus) ; inversement les jeunes non qualifiés sont
quasiment aussi nombreux à en faire trois et plus (30% en font six et
plus). Ce constat corrobore l'arrivée du CIVIS qui propose un suivi
renforcé (contact hebdomadaire). Cependant il est remarquable de croiser
ce constat avec celui de la période entre la sortie du système
scolaire et le premier accueil dans le réseau. D'un côté le
niveau scolaire délimite l'entrée de l'autre il délimite
la sortie. c'est-à-dire qu'il existe une temporalité de
l'insertion qui s'appuie sur des variables telles que la scolarité.
1 Bilan d'activité 2005 des Missions Locales et PAIO, p.
20
S'il est commun et presque axiomatique de convenir que le
niveau scolaire représente la première variable
d'employabilité de sorte que les diplômés de niveau I, II
et III de moins de 25 ans ne représentent que 3% des chômeurs de
moins d'un an et 1% de ceux de plus d'un an1 ; n'appuyer une telle
hypothèse que sur le seul capital scolaire réduit
considérablement le champs de l'insertion, il nous faut imaginer non pas
l'insertion des plus dotés mais la difficulté de ceux et celles
pour qui cela devient plus qu'un processus , une conquête. On
considère ainsi un premier point selon lequel la période
d'insertion est plus longue pour les moins diplômés. Bien sur les
transformations à l'oeuvre sur le marché de l'emploi ne
participent pas de l'employabilité des moins qualifiés, pour
autant à la lumière de ces quelques chiffres il convient de ne
pas se limiter à une analyse économique mais de s'interroger
aussi sur les questions de temporalité qui sont au coeur des dispositifs
d'insertion, de par les engagements contractuels qui les régissent.
Suite à un texte de loi de 2002 portant création
d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise est
né un dispositif étendant et approfondissant deux instruments
existants : le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise
(SEJE) et le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS)
Le SEJE, contrat aidé destiné à favoriser
l'embauche de jeunes peu ou pas qualifiés dans le secteur marchand, et
le CIVIS, inséré dans le code du travail par la loi de
programmation pour la cohésion sociale, s'adresse à des jeunes de
16 à 25 ans révolus "dont le niveau de formation est
inférieur à celui d'un diplôme de fin de second cycle long
de l'enseignement général, technologique ou professionnel ou
n'ayant pas achevé le premier cycle de l'enseignement supérieur,
ou inscrites en tant que demandeur d'emploi depuis plus de douze mois au cours
des dix-huit derniers mois. »2 et se donne pour objectif
d'organiser les actions nécessaires à la réalisation de
leur projet d'insertion dans un emploi durable. Cela se traduit à
travers quatre points forts : « l'emploi, notamment en alternance,
précédé lorsque cela est nécessaire d'une
période de formation préparatoire ; [ou] une formation
professionnalisante, pouvant comporter des périodes en entreprise, dans
un métier pour lequel des possibilités d'embauche sont
repérées ; [ou] une action spécifique pour les personnes
connaissant des difficultés particulières d'insertion ; [ou] une
assistance renforcée dans sa recherche d'emploi ou sa démarche de
création d'entreprise, apportée par l'un des organismes
mentionnés [Missions Locales, PAIO]. »3
Les titulaires d'un CIVIS âgés d'au moins 18 ans
peuvent bénéficier d'un soutien de
1 Christel Poujouly, Marie Ruault, L'essentiel, Observatoire de
l'ANPE, Novembre 2006, n°8, p. 2
2 Décret n° 2006-692 du 14 juin 2006 relatif au
dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise et au contrat
d'insertion dans la vie sociale, Art. 4
3 Loi n° 2006-457 du 21 avril 2006 sur l'accès des
jeunes à la vie active en entreprise
l'État sous la forme d'une allocation (300 €
maximum par mois et 900€ par an) versée pendant les périodes
durant lesquelles ils ne perçoivent ni une rémunération au
titre d'un emploi ou d'un stage, ni une autre allocation. Par ailleurs les
bénéficiaires sont affiliés au régime
général de la sécurité sociale. On comptait en mars
2007, 630 000 jeunes demandeurs d'insertion (JDI)1, dont 340 000
bénéficiaires du CIVIS. Les taux d'entrée et de sortie
nous amènent à employer de nouveau l'idée de "rotation
à exposition forte négative". Nonobstant ces courbes nous ne
saurions arguer d'une quelconque évaluation du dispositif, nous
souhaitons juste évoquer l'accroissement de la demande qui traduit
certes la popularité d'un tel dispositif, mais aussi une hausse du
chômage des jeunes et le développement du nombre de jeunes
chômeurs de longue durée, c'est-à-dire depuis plus d'un an.
En effet quelque soit la période prise en compte, le taux de
chômage des "jeunes" est plus important que celui des autres groupes,
ainsi à la fin 2007, 17,8 % des actifs de moins de 25 ans sont au
chômage contre seulement 6,6 % des actifs ayant de 25 à 49 ans et
4,3 % des actifs de plus de 50 ans2.
Ce qui nous intéresse particulièrement dans ce
contrat, ce sont avant tout ses bénéficiaires car rappelons-le,
notre recherche est dirigée vers le public des missions locales et PAIO
qui sont les seuls organismes à pouvoir conclure le CIVIS, ce qui
implique que les contractants sont de fait intégrable à notre
corpus. Par ailleurs ce contrat est l'un des premiers à proposer une
allocation aux jeunes de moins de 25 ans qui ne peuvent prétendre
à des droits relevant de l'assurance chômage. Nous noterons aussi
que ce contrat novateur en la matière l'est aussi sur l'esprit qu'il
revêt puisqu'il propose que soit assujetti d'une règle de respect
de l'engagement contractuel, le maintient de l'allocation. Ainsi l'allocation
est soumise à des conditions d'engagement dans des démarches
garantissant l'insertion sociale et professionnelle. Bien que récurrente
à ce jour, la question de garanties sous conditions de respect des
règles traduit une responsabilisation des non-intégrés de
plus en plus précoce. Nous questionnions plus haut avec les
régimes sociaux, la responsabilité du fumeur dans son cancer et
donc des droits assurantiels qui lui seraient un jour refusés, qu'en
sera-t-il demain de la responsabilisation de l'individu dans sa conquête
d'une place économique et sociale qui assure l'intégration ?
1 L'indicateur JDI est calculé, par la DARES, à
partir de l'entrepôt national de données issu d'un système
d'information équipant l'ensemble des missions locales et PAIO en France
métropolitaine et DOM.
2 INSEE, Informations Rapides, juin, 2008, n°157
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