Le temps de l'insertion des jeunes, une considération rituelle et temporelle( Télécharger le fichier original )par James MASY Université de Nantes - Master 2 - Sciences de l'éducation 2008 |
2. L'insertion, de qui parle t-on ?Parler d'insertion c'est avant tout considérer que suivant la constitution française « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. »et de plus « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »1 Ce sont ces fondements de la république française qui sont à l'oeuvre dans chaque politique d'insertion. S'agissant d'une part d'un devoir du citoyen de travailler et d'autre part un devoir de l'État de procurer un emploi ou ou tout du moins des moyens de subsistance. La politique articule comme nous l'avons vu auparavant l'assurance sociale inhérente à l'emploi et l'aide sociale à ces nonintégrés qui constituent le public des actions publiques dans le domaine de l'emploi. Nous ne redirons pas ici les transformations sociales du salariat pourtant il faut noter que ce sont celle-là même qui ont, au cours du temps, transformé l'action publique et donc l'insertion. Hier simple articulation entre deux états, aujourd'hui processus polysémique aux publics et objectifs hétérogènes, l'insertion semble moins tenir du seuil que du parcours. Avant même d'entrer dans un débat scientifique sur la question, nous souhaitons positionner l'insertion comme un « champs de sémantique sociale lié au moins à deux mondes dont l'un, dominant, possède la référence légitime et l'autre, dominé, aspire à cette référence. »2 c'est-à-dire une action publique destinée à des publics et dont le but est l'accès à ce qu'ils n'ont pas. Afin d'appuyer notre propos nous prendrons en référence deux dispositifs d'insertion qui s'inscrivent dans une logique de retour à l'emploi : le Revenu Minimum d'Insertion (RMI) et le Contrat d'Insertion dans la Vie Sociale (CIVIS). 2.1 le RMI, un dispositif pour les grandsEn décembre 1988 la loi « relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle »est votée, ainsi : « Toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. L'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté 1 Préambule de la constitution de 1946 ; http://www.conseil-constitutionnel.fr ; [consulté en novembre 2007] 2 Georges Liénard, l'ambivalence des politiques d'insertion, in Georges liénard (éd.), L'insertion : défi pour l'analyse, enjeu pour l'action, op. cit., p. 192 constitue un impératif national. Dans ce but, il est institué un revenu minimum d'insertion mis en oeuvre dans les conditions fixées par la présente loi. Ce revenu minimum d'insertion constitue l'un des éléments d'un dispositif global de lutte contre la pauvreté tendant à supprimer toute forme d'exclusion, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'emploi, de la formation, de la santé et du logement. »1 A son lancement le RMI vise à réduire la pauvreté et à lutter contre l'exclusion par le versement d'une prestation monétaire sous condition de ressources ; en parallèle, il s'agissait aussi de fournir une aide à l'insertion sociale et/ou professionnelle. « Par la suite, et sous l'effet de la récession économique du début des années 90, le RMI a servi également à pallier les insuffisances du système d'indemnisation du chômage. »2 Le tableau récapitulatif ci-dessous nous permet de mesurer la croissance du nombre de bénéficiaires sur 12 ans. Il faut bien entendu lire ce dernier en le corrélant aux transformations fragilisantes du salariat que G. Liénard synthétise en points forts que sont, « l'augmentation du nombre et du degré des personnes peu qualifiées et des personnes qui se déqualifient ou qui se trouvent dans des secteurs en déclin ou des secteurs ayant des exigences hypercompétitives ; les conséquences d'un manque structurel d'emplois corrects, si du moins le choix effectué demeure d'éviter le développement des "working poor" ; l'ampleur faible ou forte de la distance existant entre, d'une part la qualification de départ et les rythmes d'évolution de la qualification technique et sociale des personnes concernées et, d'autre part les exigences incluses dans la définition et l'évolution des emplois à pourvoir dans le cas d'une relance ou d'une réduction du temps de travail créatrice d'emplois. »3 1 Loi n°88-1088 du 1 décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion. Art. 1 2 Denis Fougère, Laurence Rioux, Le RMI 13 ans après, entre redistributions et incitations, Economie et Statistique n° 346-347, 2001, p. 3 3 Georges Liénard, l'ambivalence des politiques d'insertion, in Georges liénard (éd.), L'insertion : défi pour l'analyse, enjeu pour l'action, op. cit., p. 191 Tableau 3. Les bénéficiaires du RMI selon la situation familiale
(1) sans conjoint et sans personne à charge Note : La construction de la variable "situation familiale au sens du RMI" a été modifiée pour tenir compte de la présence d'un titre de séjour. Pour être considérés comme couples au sens du RMI, les deux membres d'un couple étranger doivent justifier d'un titre de séjour en cours de validité. Champ : prestations versées par la CAF, France métropolitaine et Dom. Source : Cnaf, fichier FILEAS, données au 31 décembre 1996 et au 31 décembre 2006 Il faut aussi comprendre ce tableau dans une logique d'employabilité liée à l'âge, ainsi ils sont 30% de bénéficiaires à avoir moins de trente ans selon l'enquête RMI 1998 mais sont aussi ceux qui restent le moins longtemps dans ce dispositif. L'inquiétude reste le nombre de bénéficiaires mono-parentaux avec personnes à charge, qui a plus que doublé dans certaines catégories. Les couples avec ou sans personnes à charge tiennent presque une stabilité au regard de l'accroissement vertigineux d'autres catégories. L'idée de G. Liénard selon laquelle le chômage se caractérise de plus en plus par une « rotation à exposition forte négative »1, c'est-à-dire un taux élevé d'entrée pour un faible taux de sortie du chômage de courte durée, combinée à une fragilisation de la cellule familiale complexifie la lutte contre la pauvreté. Les enquêtes budget-famille de l'INSEE font apparaître qu'en 1995, « Les transferts sociaux constituent la moitié des ressources des familles pauvres. Or, ces dernières années, leur composition s'est profondément modifiée : en 1995, les prestations soumises à condition de ressources représentent 21 % du revenu 1 Georges Liénard, l'ambivalence des politiques d'insertion, in Georges liénard (éd.), L'insertion : défi pour l'analyse, enjeu pour l'action, op. cit., p. 190 des familles pauvres, contre 8 % dix ans plus tôt. Aujourd'hui, les ménages pauvres avec enfants sont plus aidés comme pauvres que comme familles. »1 Plus que de proposer une analyse de la politique familiale, nous souhaitons juste exposer la réalité d'un dispositif d'insertion axé sur les plus de 25 ans et sous condition de revenus. Pour autant le bilan n'est pas négatif, il est mitigé mais n'est souvent évalué qu'au regard économique. Par exemple D. Fougère et L. Rioux montre que « les emplois retrouvés sont souvent des emplois temporaires (CDD ou emplois aidés), à temps partiel et rémunérés au Smic horaire. Les emplois aidés, pourtant fréquents, débouchent rarement sur des CDI. L'estimation des salaires potentiels montre que, pour trois allocataires sur quatre, la reprise d'un emploi correspond à une augmentation, parfois faible, du revenu disponible du ménage. »2 Le processus en marche dans cette politique d'insertion suit de près celui de l'assistance que nous avons vu plus haut. Même si au contraire de cette dernière, il faut le rappeler le RMI se dote d'un objectif opérationnel d'accès ou de retour à l'emploi comme élément significatif d'intégration. Quoiqu'il en soit il ne s'agit pas de dresser un portrait unique du bénéficiaire du RMI, car il est aussi polymorphe que le sont les origines et situations sociales. Pour exemple et conclure ce dispositif, nous citerons rapidement le cas de jeunes artistes, jeunes diplômés qui l'utilisent comme une période d'assise et d'autonomie, malgré la précarité sous-jacente ; ou encore cette jeune femme de 25 ans et deux enfants qui subvient à peine aux besoins de ses enfants et qui pour un travail sortira d'un dispositif qui dans les faits lui permettait de « mieux vivre », eu égard aux nouvelles dépenses (transport, frais de garde) et à la suppression ou diminutions de certaines aides ; et enfin ce quinquagénaire seul qui attend sa maigre retraite. Tous dans un dispositif unique, avec des attentes hétéroclites et des possibilités d'en sortir qui le sont tout autant. |
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