Les stratégies de la publicité: le cas de la pub automobile dans la presse écrite algérienne( Télécharger le fichier original )par Tibar CHIBANI Université Oum El Bouaghi - Magistère 2010 |
4. Niveaux de codage :Le multicodage semble faire l'unanimité chez les théoriciens. Cependant si les uns à l'instar de R, BARTHES pense à la coexistence de trois messages dans une publicité« un message linguistique, un message iconique codé et un message iconique non codé »76(*), d'autres comme PENINOU77(*), lui, en distingue cinq messages superposés : v le message d'appartenance au genre (les indices qui font percevoir une image donnée comme étant une image publicitaire). v le message linguistique (les mots). v le message de référence à l'émetteur (l'identification du produit ou de l'entreprise). v le message de dénotation. v le message de connotation. PENINOU prétend que le sens ou la signification globale de la publicité provient de ces cinq messages. Eco78(*) va encore plus loin que son homologue en affirmant qu'il y a sept niveaux de codage superposés : v codage perceptif (bio-physiologique). v codage de reconnaissance (psycho-symbolique). v codage iconique (structure sémiologique de l'image). v codage iconographique (représentation culturalisée). v codage tonal (styles conventionnels). v codage du goût (canons fluctuants des valeurs) . v codage rhétorique (solutions originales normalisées). Il convient de rappeler que le message iconique dont parle BARTHES est double. Il est, en fait, constitué d'un message littéral et d'un autre symbolique : « le premier est en quelque sorte imprimé sur le second : le message littéral apparaît comme le support du message symbolique».79(*) En ce qui concerne notre étude, nous allons procéder selon les trois niveaux qui fondent la théorie de R, BARHES qui semble plus pratique dans l'analyse sémiologique que les autres théories citées plus haut. 5. La typologie de M, Joly Selon Martine Joly80(*), il existe dans l'image publicitaire trois types de signes : v des signes linguistiques (message linguistique) v des signes iconiques (message iconique). v Des signes plastiques message plastique). 6. L'image publicitaire est-elle un système ? Nous voudrions savoir si l'image publicitaire est -elle un système ou un moyen de communication. Pour répondre à cette question, nous devrions nous référer au théoricien, G, MOUNIN, qui dans son « Introduction à la sémiologie » préconise que « La publicité dans une perspective sémiologique, serait un système et non un moyen de communication. Moyen est dit quand on n'aperçoit, dans la communication, ni unités, ni règles stables de codage ; système est dit dans le cas contraire »81(*) 7. L'image publicitaire : les signes. L'image publicitaire est un assemblage de signes plastiques, iconiques et linguistiques ; un assemblage où tous les signes en interaction, c'est-à-dire en rapport les uns avec les autres, constituent une complémentarité et convergent vers une harmonie en vue de produire du sens. C'est de ces rapports, donc, que résulte la signification d'un message. Il s'agit en particulier de deux rapports : v Les rapports des signes iconiques et des signes plastiques. v Les rapports entre le « linguistique » et le non linguistique. 7.1. Rapport de l'iconique et du plastique : Les signes plastiques et iconiques constituent les éléments les plus importants dans la production de la signification globale du message publicitaire. Nous savons que le signe plastique est aussi un signe plein autant que les autres.
Le plastique L'iconique Message visuel selon le schéma de M, Joly82(*) Ce schéma montre d'une manière assez nette la distinction des signifiés dont le signifiant est pratiquement le même. Cela montre que le même signifiant peut déboucher sur un signifié autre que celui dont il se réfère. Il existe trois types de rapports entre l'iconique et le plastique : v Rapport de congruence83(*) : les signes se complètent et s'harmonisent en particulier lorsqu'il s'agit d'une publicité. v Rapport d'opposition84(*): lorsque des signes plastiques et iconiques arrivent s'entrechoquer : certaines pubs de Benetton. Le récepteur par exemple se retrouve complètement bouleversé devant une pub montrant une chaise chaussant des bottes ou un chien deux paires de basket pour enfants !? v Rapport de prédominance : les théoriciens prétendent que c'est le signe iconique qui prédomine dans toute communication publicitaire d'autant plus que la compréhension dépend de celui-ci : « ce que nous comprenons semble directement provoqué par les sujets présentés : personnage, paysage, objets, etc. »85(*) 8. Rapport texte/image dans la publicité Dans toute communication publicitaire, l'élément linguistique86(*) demeure incontournable dans la mesure où il permet de véhiculer le message en se présentant comme étant la « voix ou la pensée » de l'iconique. Ecoutons ce que dit Godard à propos du rapport linguistique/iconique : « Mot et image, c'est comme chaise et table : si vous voulez vous mettre à table, vous avez besoin des deux »87(*). En communication publicitaire, également si vous voulez lancer un produit ou faire la promotion d'un produit, vous aurez besoin des deux : de l'image du produit (message iconique) et d'un texte (message linguistique : slogan, phrase d'accroche, etc). 8.1. Verbalisation de l'iconique : Dans la communication publicitaire, il arrive que l'icône épouse la forme des caractères auxquels la police joue un rôle important dans la signification : Cela est visible dans les logos de certaines marques. Pour améliorer son image de marque, il y a quelques années, la maison Renault a commencé par apporter une amélioration à son symbole : le losange prend, alors, la forme de deux v finement enchâssés et légèrement courbés à l'extrémité pour suggérer cette idée de finesse et de luxe. 8.2. Iconisation du verbal : Là, c'est le signe linguistique qui prend partiellement la forme d'une image. Ce sont des éléments chromatiques dont la connotation renvoie à des signifiés que l'on peut identifier selon la culture et l'expérience que l'on a du monde extérieur. L'exemple des caractères écrits en vert, blanc, rouge, peuvent suggérer l'idée du drapeau algérien ou italien dans le cas des pattes Panzani. la même phrase d'accroche écrite en caractères gras et en caractères fins ne signifieraient pas la même chose puisque la forme est aussi une sorte d'image dont la signification pourrait être soit, par dénotation, les objets semblables, soit par connotation, les idées reçues, autrement dit les pré requis. 9. Rapport texte/image et ses fonctions : L'image est, selon l'expression de R, LABORDERIE, « un langage verbo-iconique88(*)». Si le linguistique relève de l'information, l'iconique participe plutôt à la séduction des pubs. Vue la profusion des sens qu'elle peut engendrer, l'image publicitaire, crée souvent un malaise ; ce que R, BARTHES appelle « la terreur du signe incertain89(*)» puisqu'une image publicitaire n'a pas qu'une seule signification ; le lecteur peut en déduire une signification sans pour autant occulter d'autres sens possibles. Pour parer à l'éparpillement du sens d'une image publicitaire, conjuguer image et texte s'impose alors pour les professionnels de la publicité. Le texte dont l'utilité est incontournable va prendre alors deux fonctions : v Fonction d'ancrage : il sert à encadrer et à fixer le sens. v Fonction de relais : il sert à guider le lecteur dans l'exploration et dans la lecture de la publicité. 10. Les fonctions d'étayage du texte par l'image En s'interrogeant sur les principes directeurs du mariage texte/image, P, Léon90(*) distingue six fonctions d'étayage du texte par l'image : v Fonction de confrontation. v Fonction d'invalidation. v Fonction d'implication. v Fonction de figuration. v Fonction d'énonciation. v Fonction d'élucidation. Il démontre, également la réciprocité de cette fonction d'étayage, en confirmant que, si le texte permet d'étayer l'image, l'image à son tour peut étayer le texte. Il finit par conclure que la coprésence de l'un et de l'autre dans le même message ne se traduit pas par la somme (texte+image) mais par une interaction (texte<= image) laquelle engendre un sens nouveau. 10.1. La fonction de confrontation : L'image est censée confronter le contenu verbal en y injectant des sentiments en vue de générer des émotions et des rêves. L'image exprime ce que le texte ne dit pas ouvertement. 10.2. La fonction d'invalidation : L'image invalide le contenu verbal en le contredisant puisqu'il ne s'agit pas du même émetteur : dédoublement de l'instance énonciative. Cette opposition conduit à l'entrechoc ce qui n'est pas sans créer un effet d'étonnement sur la cible (récepteur). 10.3. La fonction d'implication : L'image suggère ce qui peut ne pas être évoqué par le linguistique sous peine de choquer ou de bouleverser les valeurs ou les sentiments : l'image l'insuffle d'une manière feinte en vue de raviver chez le récepteur une mémoire iconique enfouie. Nous ne parlons pas ici d'images choquantes mais des images illustratives qui suggèrent hardiment et intelligemment sans aucune provocation pour échapper à la censure et aux sanctions. 10.4. La fonction de figuration : Cette fonction relève du domaine de la représentation symbolique. L'image est censée représenter des concepts et des situations au risque de river vers le stéréotype. 10.5. La fonction d'énonciation : L'image trahit l'identité de l'émetteur en le présentant sous la forme d'un émetteur fictif du slogan qui tente de renforcer le poids de ce qu'il avance en mettant en scène le récepteur ; un personnage auquel il est demandé aux autres récepteurs de s'identifier ou en convoquant les deux pôles de l'interaction qui sont l'émetteur et le récepteur. Pour la circonstance, il convient de préciser ici qu'en matière d'énonciation dans tout message publicitaire, il existe deux instances d'énonciation internes (les personnages) et les instances d'énonciation externes ( annonceur/consommateurs). Comme les professionnels de la pub recherchent assez souvent l'efficacité optimale et par voie de conséquence une grande implication des cibles, ils recourent soit au processus d'identification (fusion entre instance interne et instance externe), soit au processus d'interpellation (simulation de dialogue entre l'annonce et le lecteur ou entre ce qui est interne et ce sui est externe). 10.6. La fonction d'élucidation : Comme le linguistique en publicité est assez souvent poétique (utilisation de procédés rhétoriques : jeux de mots, rime, métaphore, etc.), l'image est supposée dans ce cas dévoiler ces procédés. Nous avons vu ce que c'est qu'une image publicitaire. Nous avons vu également les composantes de l'image publicitaire : les différents signes composant une publicité, ces derniers qui nous renvoient à la typologie de JOLY : Signe linguistique, signe iconique et signe plastique dont les messages sont respectivement: le message linguistique, iconique et plastique. Ensuite nous avons montré le principe selon lequel fonctionnent ces signes, soit par opposition, soit par congruence ou par prédominance. Nous avons terminé par expliciter les fonctions d'étayage du texte par l'image. * 76 BARTHES, Roland,"Rhétorique de l'image", in Communications, n° 4, Paris, Seuil. 1964. * 77 PENINOU, Georges, Réflexions sémiologiques et création publicitaire, revue française de marketing, n° 28. 1968. * 78 Umberto, Eco,...1970 * 79 Barthes, Roland, op, cit, 1964. * 80 JOLY, Martine, « L'image et les signes », Paris, Nathan, 2000, pp. 96-130. * 81 MOUNIN, Georges, « Introduction à la sémiologie », Paris, Ed. Minuit, 1970, p.88. * 82 JOLY, Martine, Op, Cit, p, 101. * 83 JOLY, M., « L'image et les signes », op, cit. p, 124. * 84 JOLY, M., ibid. * 85 In JOLY, M., ibid. * 86 Le « linguistique » pour une pub est ce que la parole ou la voix est pour les images muettes ! * 87 JOLY, M., « introduction à l'analyse de l'image », op, cit,p, 101. * 88 LABORDERIE, R., « Des mots pour dire les médias », Message n°2, CRDP de Bordeaux, Bordeaux, 1972, p.39. * 89 BARTHES, Roland, «Rhétorique de l'image », op. cit.pp.44-45. * 90LEON, P, « Le jeu de la Une et du Hasard ». Une approche poétique de l'écriture de presse, Université de Provence, thèse de doctorat, 1990. |
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