L'organisation de la fonction achats dans l'entreprise "D" a
tres peu evolue, excepte la creation du service achats. La place de la fonction
est secondaire, ses activites sont essen-
tiellement administratives, son role est de lancer les commandes
a aupres des fournisseurs designes par les utilisateurs. Le "service achats" ne
dispose pas des moyens necessaires pour revaloriser sa place dans l'entreprise
et faire evoluer son role.
L'intention de la direction generale de mettre en place des
nouvelles procedures d'achat et une nouvelle organisation a ete bloquee pour le
refus des utilisateurs qui tiennent a conserver le role et le pouvoir qu'ils
detinnent. Ces responsables doivent etre sensibilises et amenes a reflechir aux
nouveautes organisa-
tionnelles et procedurables a adopter pour ameliorer le
fonctionne
· ment des activites d'achat. Notons que les remarques qui
precedent confirment les souhaits des acheteurs concernant les moyens,
le pouvoir et les contraintes qui constituent un handicap a
l'evolution de leur fonction.
L'analyse que nous venons de mener sur les trois entreprises
"A", "C" et "D", nous a montre l'existence d'ecarts organisationnels entre ce
qui est prescrit dans les documents internes
aux entreprises et ce qui a ete observe. La fonction a fres peu
evolue, voire meme stagne. Cette relative stagnation de la fonction achat
semble etre dOe a deux principaux facteurs : la faible pression exercee par un
environnement relativement stable et poussant au maintien du statu-quo et la
resistance aux changements manifestee par les responsables, en particulier des
techniciens,
pour maintenir le pouvoir de decision et de contrale qu'ils
exercent actuellement sur les activites d'achat. Nous pouvons affirmes sans
risque d'erreur que la plus part des facteur poussent au maintien de la
situation heritee du pass-6e et qu'il y a absence de facteurs
agissant pour faire -valuer la fonction achat. Les facteurs internes a
l'entreprise ont ete longuement
analyses dans les paragraphes precedentes. Nous avons choisi de
ne pas les reprendre pour eviter les repitions. Nous detaillerons par contre
dans ce qui suit les principaux facteurs, externes aux entreprises, constituant
un handicap a l'evolution de la fonction achat dans les entreprises tunisiennes
:
- la protection de la production nationale contre les
importations concurrentes ; Elle se fait par le contingentement ou
l'interdiction d'importations(t).Cette protection a engendre deux effets : une
faible stimulation du producteur a rechercher une compression des coats et une
amelioration de la qualite du produit protégé et la reduction du
champ de prospection et des possibilites d'achat et de choix pour les
acheteurs. Ainsi les contraintes l'achat ont tendance a augmenter et la zone de
prospection et
de rechercher des fournisseurs a tendance a se retrecir pour se
reduire progressivement au seul march-6 local. Le produit offert
localement, generalement par un seul fournisseur local, est le seul disponible
sur le march@ et l'acheteur n'a aucun choix a faire . Il est condamne a
s'edapter et a s'accomoder a un fournisseur unique, offrant un seul produit et
imposant toutes ses conditions techniques, commerciales et financieres.
- Le systeme de calcul des marges beneficiaires, systeme
advolorem, incite les entreprise a gonfler les coats pour accroitre les marges
beneficiaires (x) I1 n'incite pas a la maitrise des coats des inputs et des
flux des produits entrant et ne motive par consequent a la reduction de la
rerive des prix. Ce systeme
a gener6 une attitude d'acceptation passive des conditions
(t) VIemePlan de developpement economique et social
de la republique Tunisienne (T.1, p.258)
(x) VIeme Plan , op. cite.
imposees par les fournisseurs locaux. Cette attitude est
d'autant plus passive et permissive pour les entreprises exclusivement
orient-6es vers le marche local. Les entreprises exportatrices
recourent a un systeme de "subvention des produits exportes par les produits
distines au marche interieur pour repercuter et repartir les coats excessifs
des matieres et produits achetes localement. C'est le cas d'une entreprise
metallurgique qui commercialise un meme produit a deux prix differents
(500D la tonne a l'exportation et 950D la tonne pour le
march-6 local) pour amortir la difference de prix sur la matiere
premiere qu'elle ne peut acheter de l'etranger (environ 3000 la
tonne sur le marche international contre 500D la tonne en TUNISIE).
Ainsi le regime des prix et la marge ad-valorem n'incitent pas a la maitrise
des coats, puisque la marge beneficiaire de l'industriel est d'autant plus
importante que ses coats sont plus "Cleves,
et a une gestion rigoureuse des achats.
- Le faible degre de concurrence auquel sont soumises
les entreprises tunisiennes : La grande majorite des entreprises
distinant leurs produits au marche local benefice d'une protection exageree
soit par la politique d'agrement (tout projet industriel doit au prealable etre
agree par l'A.P.I. pour etre realise) soit par le contingentement des
importations. Elle se trouvent souvent en situation de monopole de fait. Seules
quelques entreprises, sont confrontees a une concurrence, tress limitee sur le
marche local et importante sur les marches strangers. Les entreprises subissent
la concurrence sur le marche local finissent
soit par se partager le marche, soit par s'entendre sur une
coexistence pacifique(1). Les lois du march-6 concurrentiel ne
jouent pas, ainsi, pleinement. Quant, aux entreprises exportatrices, elles sont
soit des filiales d'entreprises etrangeres ayant une large experience dans le
jeu concurrentiel, soit des entreprises tunisenneslprivees ou
nationales, beneficiant de l'aide
(1) La coexistence pacifique et le partage du marche sont
souvent les resultats d'une concertation inter-entrenrises pour s'assurer une
coexistence harmo-
nieuse. On se retrouve ainsi dans des marches concertos on
domestiques fonctionnant selon une procedure centralisee exante des'activites
economique P. Joffre et G. Koenig ont fait le pAipt dans un article recent, des
diffErentes formes de cooperation et d'alliance inter-entreprise:"strategies de
cooperation et d'alliance inter-entreprises", Enseignement et gestion,
nouvelle serie n° 31 - Automne 1984 - pp. 67-73i20-
et du soutien des pouvoirs publics (1). Ces dernieres arrivent
difficilement a surmonter la concurrence des entreprises etrangeres malgre
l'importance de l'appui que leur apportent les pouvoirs publics tunisiens :
subventions, exhonerations traitements preferenciels, soutien financier,... Le
faible degre concurrentiel sur le march-6 interieur s'explique
d'autre part par son exiguite et sa faible capacite d'absorption et par le
faible nombre et la modestie de la taille et de la capacite de production des
entreprises offrant des produits identiques.
- L'inhexistence de cycles de formation, specialises, destines a
de futurs acheteurs ou aux acheteurs en activite : aucune institution de
formatique (x) ne prevoit des programmes specifiques a la formation
d'acheteurs. Aucun cours n'est consacre exclusivement a la fonction achat
contrairement aux autres fonctions de l'entreprise telles que le marketing, la
finance
et la comptabilite. Seuls des aspects techniques et financiers
de la gestion des stocks sont generalement abordes dans les cours de gestion de
la dproduction.
(1) VIeme Plan de developpement economique et social de la
Tunisie.
( x) Quatre institutions d'enseignement superieure ont chacune
une section d'enseignement et de formation a la gestion des entreprises (il
s'agit de l'I.S.G. de Tunis, de l'I.H.E.C. de Tunis, de la F.S.E.G. de Sfax et
de la F.D.S.P.E. de Tunis) mais aucune n'offre des programmes specialises
portant sur la fonction achat.