I) Qu'est-ce que la société civile ?
Dans le cadre de cette étude, toutes réponses
uniques à cette question fortement complexe seraient trop simplistes
étant donné qu'elle suscite bons nombres de débats et de
controverses. La société civile serait un ensemble
hétérogène d'acteurs privés, non organisé,
chaotique et difficile à cadrer. En fournissant une définition,
il s'agit de délimiter justement ce que nous entendons par la «
société civile ». Il importe également d'examiner de
façon préliminaire le rôle de la société
civile à vocation de développement avant de pouvoir par la suite
relever l'exemple de quelques acteurs de la société civile ayant
un impact normatif. En effet, nous tournons notre attention vers ces derniers
acteurs, qui se sont établis comme une force incontournable dans la
création et la transformation du droit international.
1) Définition de la « société
civile »
La société civile comprend toute association,
mouvement ou coalition non étatique et non économique ainsi que
non commerciale, soit toute entité citoyenne. Leur raison d'être
gravite autour de thèmes non économiques strictu sensu -
concernant l'intérêt collectif ou général - et est
fondée sur la poursuite d'idéaux et d'objectifs sociopolitiques,
humanitaires, juridiques, environnementaux, scientifiques, etc. Notre
définition de la société civile correspond à un
certain degré à celle donnée par Jürgen Habermas :
« (...) ce qu'on appelle aujourd'hui
société civile n'inclut plus (...) l'économie
régulée par les marchés du travail, les marchés des
capitaux et des biens et constituée par le droit privé. Au
contraire, son coeur institutionnel est désormais formé par ces
groupements et
ces associations non étatiques et non
économiques à base bénévole qui rattachent les
structures communicationnelles de l'espace public à la composante
<< société » du monde vécu (...) Le coeur de la
société civile est donc constitué par un tissu associatif
qui institutionnalise dans le cadre d'espaces publics organisés les
discussions qui se proposent de résoudre les problèmes surgis
concernant les sujets d'intérêt général
»12.
Dans ce vaste univers nébuleux et
hétérogène, notre attention se penche surtout sur le
thème de la défense des droits non marchands, rôle
majoritairement assumé par les ONG, ainsi que sur le thème de la
contribution au développement du droit international, rôle
assumé en partie par des ONG telles que le Comité international
de la croix rouge (CICR) et des associations privées
professionnelles/académiques telles que l'International Law
association (ILA). Pour les soins de cette étude, la
nécessité d'élaborer d'avantage la définition de la
société civile ne s'impose pas. En effet, nous traitons de
l'accès de la société civile à la
justice internationale économique, soit l'accès
direct de toute entité qui n'est ni étatique, ni
économique et ayant pour but de défendre des droits non
marchands13. Or,
des critères de ratione materiae et de
ratione personae, devant être respectés par
les entités désirant intervenir à titre d'amicus
curiae afin de défendre des droits non
marchands, ont déjà été
extensivement élaborés par la jurisprudence du
droit international économique14. Nous pensons que cette
jurisprudence - évolutive par sa
nature même - inspirerait éventuellement des
critères permettant un accès à ces
12 Jürgen HABERMAS, << Droit et
démocratie : entre faits et normes », Paris, Gallimard, 1997,
p.394. L'usage de cette définition a été inspiré
par le mémoire de Mathieu AMOUROUX, << La société
civile globale : une << chimère insaisissable » à
l'épreuve de la reconaissance juridique », Montréal,
Université de Montréal, 2007.
13 L'entité n'est donc pas liée à
une multinationale, ou à un investisseur, ou à toute autre
entité économique/commerciale.
14 Il s'agit des critères de ratione
materiae, qui portent sur l'intérêt juridique des
intervenants, tels que la démonstration d'un intérêt
significatif par rapport au litige, du degré de contribution à la
résolution du litige, ainsi que des critères de ratione
personae, qui portent sur leurs qualités telles que l'exigence
d'impartialité, le degré d'indépendance, etc. Voir
Partie V -Asymétrie au niveau d'accès à la justice
internationale économique - Section 3 - Fondement de l'accès
à la procédure par la société civile.
entités qui irait au-delà de l'accès
à titre d'amicus curiae. Ainsi, sans égard à la
définition théorique de ladite entité (ou de la <<
société civile »), son accès est soumis, et
serait soumis, à des conditions juridiques qui permettent
ultimement de la définir et de la déterminer par ricochet.
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