3) L'intérêt mutuel pour la règle
de droit internationale
Ayant traité du rôle des acteurs non
étatiques dans la propagation des normes de soft law, notre
intérêt se tourne maintenant vers leur promotion commune de la
règle de droit internationale. En effet, les pays
développés, les organisations internationales telles que la
Banque mondiale, le FMI, et l'OMC, les investisseurs et les multinationales
ainsi que la société civile promeuvent et exigent la règle
de droit afin d'assurer le succès de la globalisation des
marchés263. Ces acteurs mondiaux exigent des réformes
dans des marchés potentiels visant entre autres à réduire
la corruption politique, à assurer le respect ou l'opposabilité
des droits privés et contractuels et une compensation suite à
toute expropriation264. L'équité, la
nondiscrimination, la liberté de mouvement et d'expression, le droit
à un procès juste et équitable ainsi que le droit contre
une détention arbitraire des individus sont des droits cardinaux
à tout individu, entreprise ou organisation265.
La règle de droit implique un minimum de transparence
décisionnelle et règlementaire, de stabilité, de
clarté, de prévisibilité, de rejet de l'arbitraire ou du
discrétionnaire et de publicité. Elle implique également
la disponibilité de recours ou de mécanismes de consultations et
de délibérations pour les parties prenantes affectées par
l'adoption d'une quelconque mesure266. La règle de droit est
ainsi un pilier fondamental dans la protection et l'épanouissement des
droits économiques267.
La promotion de la règle de droit internationale
était manifeste lors de la négociation pour l'accession de la
Chine à l'OMC. La pression des grands groupes américains a
été particulièrement incidente sur l'Accord de l'accession
de la Chine à l'OMC (ci-après l'« Accord »). Ces
derniers étaient désireux d'obtenir des garanties
adéquates en matière de protection de la propriété
intellectuelle et de la concurrence,
263 D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 3.
264 S. CUMMINGS, op. cit., note 32, p. 26; M. KRUGER et
D. WEISSBRODT, op. cit., note 56, p. 200.
265 S. TULLY, op. cit., note 47, p. 107.
266 Id., note 47, p. 306.
267 Id., note 47, p. 23.
d'accès au marché chinois et de réformes
judiciaires268. Le gouvernement chinois a dû réagir
avec la mise en place d'importantes réformes internes. L'Accord
prévoit entre autres la mise en place d'un mécanisme de
révision judiciaire des décisions administratives qui affectent
les entreprises. Il prévoit également la mise en oeuvre d'une
Gazette officielle où les lois et les règlements reliés
aux accords de l'OMC seront publiés et disponibles. Ces réformes
sont le fruit de critiques et de pressions conséquentes pour une plus
ample démocratisation émanant à la fois d'entreprises, de
la société civile et d'États tiers269.
En effet, la règle de droit serait un
élément édifiant à la convergence ou à la
complémentarité entre droits fondamentaux et droits
économiques évoquée tout au long de cette étude.
À ce titre, Mireille Delmas Marty souligne que : « (...) les
accords du GATT de 1994 ont sans doute contribué à
ébaucher la construction d'un État de droit en Chine
»270. Il appert que la question du respect et de l'instauration
de la règle de droit était effectivement une question centrale
des négociations271. La délégation chinoise
à la Communauté européenne est du même avis : elle a
soutenu que l'accession de la Chine à l'OMC serait un facteur
décisif pour l'amélioration des droits de l'homme dans le
pays272.
L'exemple de l'accession de la Chine à l'OMC
démontre en effet l'existence d'une synchronisation entre droits
économiques et droits de l'homme. Une marge
268 Liu SUN, «Lessons from China's WTO Accession
Negotiations: A look at likely implementation problems ahead», dans Nico
SHRIJVER et Friedl WEISS (dir.), International Law and Sustainable Development,
Leiden, Martinus Nijhoff, 2004, p.189; E. PETERSMANN, op. cit., note
24, p. 642.
269 Id., note 268, p.189; Id., note
24, p. 642.
270 M. DELMAS-MARTY, op. cit., note 63, p. 170.
271 Id., note 268, p.185.
272 Wolfgang BENEDEK, «The WTO and human rights»
dans Wolfgang BENEDEK, Koen de FEYTER, et Fabrizio MARELLA (dir.), Economic
globalisation and human rights, Cambridge, Cambridge University press, 2007,
p.152; Voir également Id., note 268, p.211.
existe afin d'équilibrer les deux ensembles en
dépit du fait qu'ils se retrouvent parfois en conflit273. La
société civile milite encore pour cet équilibre en
recevant le soutien d'organes internationaux tels que le Haut commissaire des
droits de l'homme de l'ONU qui appelle à une : « human rights
approach to trade »274. À cet effet, il est
difficile de ne pas admettre l'existence d'une complicité entre les
multinationales et la société civile quant à la
propagation de la règle de droit. Les deux acteurs sont soucieux pour
des préoccupations non marchandes. Tous deux exercent une dynamique de
pression redoutable sur les États, même les plus puissants tels
que la Chine et ce, en dépit de la poursuite d'objectifs
différents que ce soit la protection des droits de l'homme ou la
promotion des affaires. Il importe ensuite d'examiner leur rôle quant
à l'initiation des différends au sein d'une des plus importantes
organisations interétatiques et internationales, soit l'OMC. Il s'agit
d'un autre constat qui évoque la symétrie qui existe entre ces
deux acteurs.
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